Un univers très original !
Commenter  J’apprécie         00
j’ai toujours rêvé d’être malade – enfin malade – infirme – invalide cogité-j’e – valétudinaire – égrotante cacochyme – mauvaise – mal gerbé-j’e – toujours mal gerbé j’ai – toujours mal – (moi) j’e – (moi) toujours – j’e – j’ai rêvé d’être malade – chétive – disparaître dans un maigre néant – plus rien rentrer dans ce corps – plus rien sortir de ce corps – pour parler d’amour enfin – de mOn amOur – pour finir ce corps – ce corps mauvais – ce corps dégoulinant d’infections – d’impuretés – de boues de bourbes d’ordures – ce corps qui suit (moi) encore et qu’encore j’e suis – ce corps qui se traîne – pénible – d’un état à l’autre – d’un avant vers un après – vers un avenir barricadé – vers une réalité déclinée selon mes mauvaises humeurs – sans savoir de vérité – ce corps matraque – déchiré – violenté – ce corps banni éjecté – ce corps éliminé
muscles flasques – artères bouchées – la peau grasse – ocre par endroits et brun nicotine – le ventre gonflé d’eau retenue – des varices comme des nœuds autoroutiers avec parkings et self-services – mon sourire andouille – mon regard bécasse – mon cerveau amoché avec dedans plein de pensées disgracieuses et de viandes hachées mal digérées – ingrates et laides – qui devraient être tues et que (moi) j’e pourtant balbutie sans cesse – que j’e hoquette mélangées à ma salive putride et mon haleine cadavérique – seule que j’e suis – seule (moi) fille de ma pauvre mère
y avait à la ferme des enfants et des chats en nombre – elle disait élevé – on savait pas toujours de qui étaient les enfants – des chats surtout pas – ç’avait pas d’importance – dans la cuisine y avait de la terre battue par terre et les toilettes dans la cour – on allait aux toilettes seulement pour les grandes occasions – les toilettes c’était des planches par-dessus un trou et c’était tout – les autres affaires on les faisait là où on se trouvait – derrière un buisson – debout – allongé dans un champ – sur le chemin qui menait à la ferme – tout le monde faisait comme tout le monde – ça dégoulinait les cuisses – ça faisait des flaques – mais après il pleuvait de nouveau et l’eau rentrait dans la cuisine – c’était alors de la boue par terre
parfois la mère de ma mère jetait l’eau de vaisselle lavage lessive par terre exprès – quand il avait pas plu – peut-être qu’elle aimait la boue – peut-être que c’était pour les poules qui entraient dans la cuisine – leurs crottes finissaient par faire comme un sol en dur – les hommes mangeaient les œufs crus – y disaient que c’était bien pour bander – les hommes bandaient souvent – presque toujours – y en avait toujours un quelque part qui courait après les filles – les filles couraient tout le temps – se cachant – et puis elles commençaient à saigner – à mettre bas ici ou là
Le mardi 13 novembre 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie d'accueillir Andreas Becker, Denis Lavant et Brigitte Mougin pour une lecture exceptionnelle d'extraits de "L'effrayable", de "Nébuleuses" et de "Les invécus", les trois romans d'Andreas Becker tout récemment réédités aux éditions d'En Bas.