AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fabinou7


« Je ne sais pas plus sur cette pièce que celui qui arrive à la lire avec attention. » Quand on lit “Beckett”, on pense phonétiquement « absurde » : si un orthophoniste, un peu nihiliste, pouvait se pencher sur la question ?

***

Le dramaturge irlandais écrit au lendemain de la plus grande boucherie du XXème siècle, abattoirs à ciel ouvert de la Méditerranée à l'Oural, où le « monde d'hier » donna à voir, après ses monuments, ses expositions universelles et ses pâtisseries dans les vitrines des grands magasins, que c'était finalement en matière de cruauté qu'il était le plus raffiné.

D'où l'absurde. c'est une méfiance envers la logique, une défiance cynique envers la raison, c'est la répulsion à faire sens, à « signifier » quelque chose comme s'inquiète un personnage de « Fin de Partie », la pièce qui suivra « En attendant Godot ».
C'est le décalage abyssal entre le micro-impératif social de prendre au sérieux sa tâche, son boulot, les joies et souffrances d'autrui et en même temps de se rappeler comme tout cela est arbitrairement absurde à l'échelle de la voie lactée (pour rester sur une petite échelle…).
Notre rétine intellectuelle s'épuise à remettre à l'envers les clichés de l'absurde qui nous assaillent à chaque fois que nous voulons voir un sens à ce qui nous arrive, nous raconter un destin.

« Je suis comme ça. Ou j'oublie tout ou je n'oublie jamais. » On ne se bat pas contre l'absurde, sa violence sourde et ininterrompue. On l'accepte, comme Vladimir et Estragon se résignent à revenir, chaque jour au même endroit, à oublier, à se rappeler, à vouloir se quitter sans jamais y parvenir, statiques, et autour d'eux le mouvement, la fatale décrépitude d'un monde vaguement dystopique, représentée par Pozzo et Lucky.

Extinction des feux. Dans un décor minimaliste, des dialogues courts et amphigouris, les derniers survivants d'une extinction de masse, celle de l'humanité, se rencontrent dans un décor dépouillé, le lecteur est plongé dans une atmosphère d'abord inquiétante puis finalement s'apprivoise de ce calme post-apocalyptique, Beckett un auteur de la résilience ?

Est-ce que Beckett fait payer ses personnages d'avoir eu l'hubris de vouloir penser en les faisant dire des inepties ? parce qu'incapables de « se taire » ? Avec Beckett, et pour emprunter une phrase à « Fin de Partie » qui est, à mon sens, plus aboutie encore que Godot, « la fin est dans le commencement et cependant on continue ».

***

Vladimir.- Qu'est-ce qu'on pourrait dire de plus sur la pièce ?
Estragon.- Quelle pièce ?
Vladimir.- Celle qu'on est en train de critiquer, là pour les gens… sur babelio.
Estragon.- Je ne sais pas.
Vladimir.- Tu sais.
Estragon.- Alors je sais.
Vladimir.- (au public des babeliotes) Vous n'avez qu'à demander à Godot. Il arrive, vous avez le temps ?

(Il serait malvenu de vous demander ce que vous en « pensez » justement…)
Commenter  J’apprécie          902



Ont apprécié cette critique (84)voir plus




{* *}