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Critique de JLM56


« Car je savais que je ne serais pas toujours jeune, et que l'été ne dure pas éternellement, ni même l'automne, mon âme bourgeoise me le disait. »

La nouvelle, datée de 1945 n'a été publiée qu'en 1970. Samuel Beckett l'a composée directement en français.

Ecrit à la premier personne, d'un trait lapidaire, ce Premier amour est magnifique et déchirant.

L'histoire démarre juste après la mort du père du narrateur.
A cette époque, il se trouve chassé de sa chambre, où il serait bien resté. Dans ce but, il a même proposé, en échange, de bricoler dans la maison :

« Je leur proposais notamment de m'occuper de la serre chaude. Là, j'aurais volontiers passé trois ou quatre heures par jour, dans la chaleur, à soigner les tomates, les oeillets, les jacinthes, les semis. Il n'y avait que mon père et moi pour comprendre les tomates, dans cette maison. »

Puis, sur un banc, survient sa rencontre avec Lulu. Dès cette première fois, il remarque : « Je sentais l'âme qui s'ennuie vite et n'achève jamais rien, qui est de toutes peut-être la moins emmerdante. Même le banc, elle en avait eu vite assez, et quant à moi, un coup d'oeil lui avait suffi. C'était en réalité une femme extrêmement tenace. »

Il pose ses mollets sur ses cuisses, elle lui masse les chevilles. Il est troublé : « On n'est plus soi-même, dans ces conditions, et c'est pénible de ne plus être soi-même, encore plus pénible que de l'être, quoi qu'on en dise (...) Ce qu'on appelle l'amour c'est l'exil, avec de temps en temps une carte postale du pays, voilà mon sentiment ce soir. »

Il demande à Lulu de revenir moins souvent, puis finit lui-même par quitter le banc, pour aller se réfugier ailleurs, en l'occurrence dans une étable, où il découvre qu'il l'aime : « C'est dans cette étable, dans pleine de bouses sèches et creuses qui s'affaissaient avec un soupir quand j'y piquais le doigt, que pour la première fois de ma vie, je dirais volontiers la dernière si j'avais assez de morphine sous la main, j'eus à me défendre contre un sentiment qui s'arrogeait peu à peu, dans mon esprit glacé, l'affreux nom d'amour. »

Il revient près du banc et la retrouve, bouleversé : « Elle tenait ses mains enfouies dans un manchon. Il me souvient qu'en regardant ce manchon je me mis à pleurer. Et cependant j'en ai oublié la couleur. Cela allait mal. »

Il accepte de la suivre chez elle, y reste : « Je ne me sentais pas bien à côté d'elle, sauf que je me sentais libre de penser à autre chose qu'à elle, et c'était déjà énorme (...). Et je savais qu'en la quittant je perdrais cette liberté. »

Mais dès la naissance de son enfant, le narrateur fuit la femme et la maison qui l'ont hébergé, fuit les cris de l'enfant, physiquement.
Sa fuite est vaine : « Je me mis à jouer avec les cris un peu comme j'avais joué avec la chanson, m'avançant, m'arrêtant, m'avançant, m'arrêtant, si on peut appeler cela jouer. Tant que je marchais, je ne les entendais pas, grâce au bruit de mes pas. Mais sitôt arrêté je les entendais à nouveau, chaque fois plus faible certes, mais qu'est-ce que cela peut faire qu'un cri soit faible ou fort ? Ce qu'il faut, c'est qu'il s'arrête. Pendant des années, j'ai cru qu'ils allaient s'arrêter. Maintenant, je ne le crois plus. Il m'aurait fallu d'autres amours, peut-être. Mais l'amour, cela ce ne se commande pas
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