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Critique de Melisende


Milady continue sa traduction de titres para-austeniens et j'ai profité d'un chèque-lire pour acquérir ceux qui me manquaient encore (j'hésite d'ailleurs à prendre les traductions Milady de ceux que je possède déjà en vo…). Dans cette « nouvelle » littérature très prisée aujourd'hui, il y a de tout et pas mal de choses très médiocres… malgré tout, j'ai envie de tout découvrir pour me faire mon propre avis sur la question et parce que la simple référence à Jane Austen ou à un de ses personnages me ferait acheter tout et surtout n'importe quoi.
Jennifer Becton semble avoir reçu d'assez bons avis pour ses deux romans - Charlotte Collins et Caroline Bingley - mais je ne m'étais pas penchée davantage sur la question, préférant garder un peu de mystère et préférant surtout ne pas être trop tentée de prendre partie avant même d'avoir parcouru moi-même ses écrits.
Résultat, je suis très satisfaite de cette lecture. J'ai apprécié les personnages principaux et secondaires, j'ai suivi l'intrigue avec beaucoup d'intérêt même si le dénouement n'apporte pas énormément de surprises (comme chez Jane Austen, de toute façon) et surtout, je félicite l'auteure qui, puisant un personnage de l'oeuvre originale, ne dénature pas celle-ci et nous offre une « suite » tout à fait acceptable.

Charlotte Collins - née Lucas - est un personnage secondaire du célèbre Orgueil et préjugés de Jane Austen. Alors que sa meilleure amie Elizabeth Bennet finit par faire un beau mariage d'amour avec Mr Darcy, elle, pauvre jeune femme de 27 ans, se rabat sur Mr Collins. Ne voulant plus être un poids pour sa famille, la « vieille fille » choisit le mariage de raison…
Je sais que certaines lectrices n'apprécient pas cette figure plus secondaire mais ce n'est pas mon cas car je la comprends parfaitement et la trouve, au contraire, très « courageuse » et salue son sens du « sacrifice ». J'étais donc très heureuse de découvrir qu'une auteure lui avait consacré un roman tout entier et suis encore plus heureuse, après ma lecture de celui-ci, d'imaginer un futur heureux à cette jeune femme qui ne méritait pas de finir sa vie avec ce cher Mr Collins…

Le livre s'ouvre sur la mort et l'enterrement de celui-ci. On en viendrait presque à regretter de ne pas le croiser quelques minutes pour retrouver son emphase et son obséquiosité légendaires ! Charlotte, dorénavant veuve, porte le deuil pendant de longues années… jusqu'au jour où sa petite soeur Maria - également croisée dans l'oeuvre d'origine de Jane Austen et dans l'adaptation de la BBC de 1995 (et oui, Charlotte a plusieurs petits frères et soeurs, ne vous fiez pas à l'adaptation de 2005 !) - la pousse à sortir et à réintégrer la société pour lui servir de chaperon. Dorénavant âgée d'un peu plus de 20 ans, la jeune Maria cherche un bon parti et Charlotte - de quinze ans son aînée - accepte de la prendre sous son aile et de l'installer dans la petite maison qu'elle loue.
Les deux soeurs vont donc retrouver les salles de bal, les réunions en petit comité et vont, évidemment, faire de nouvelles rencontres… Mr Basford et son neveu Mr Westfield, deux américains faisant le tour de l'Europe, sont les principaux intéressés. Maria semble très sensible au charme du jeune étranger mais Charlotte est beaucoup plus réservée quant à la trop grande nonchalance et décontraction de son oncle ! Quels mal-élevés ces américains ! le séduisant Mr Edgington fait également son apparition dans l'entourage des demoiselles et tente de se rapprocher de notre héroïne qui, il faut bien l'avouer, ne s'empresse pas de clairement repousser ses avances.
D'autres personnages, jeunes ou plus âgés, hommes ou femmes, viennent graviter autour de ce petit noyau, créant quiproquos, mini-intrigues et autres petits mystères bienvenus qui ne sont pas sans rappeler les schémas narratifs de Jane Austen (dans Emma notamment).

La référence à la célèbre auteure anglaise ne s'arrête pas là puisque Jennifer Becton prend clairement modèle sur les personnages de la romancière pour faire vivre ses propres figures. Ainsi, il ne sera pas difficile de retrouver le séducteur faux-jeton, le jeune premier dont il vaudrait mieux se méfier, la jeune fille passionnée et exubérante, la soi-disant « amie » qui vous plante un couteau dans le dos dès qu'un homme est dans les parages… Bref, toute une palette de personnages « à la Austen ».
On pourrait regretter les parallèles trop évidents avec Raison et sentiments et ces deux soeurs que tout oppose, surtout lorsqu'il s'agit d'amour et notamment de l'histoire de Marianne, la plus jeune, qui se pâme d'amour pour Willoughby… mais je ne ferai aucun reproche au sujet de ce choix. Je trouve que Jennifer Becton réussit le pari haut la main en nous offrant des figures auxquelles on s'attache et qui ne dépareilleraient pas, à mon goût, dans le roman d'origine.
Si Charlotte m'a beaucoup plu, j'ai également beaucoup apprécié la fraicheur et la candeur (parfois un peu exagérée, il faut l'avouer) de Maria ; mais celui que j'ai préféré, c'est bien Mr Basford, l'oncle du jeune Mr Westfield. En voilà un héros tout austenien, charismatique et qui, sous des airs de farceur « je-m'en-foutiste » américain, cache un coeur noble. Il ne détrône pas Darcy, c'est évident, mais très sincèrement, il a le potentiel pour lui faire face… d'ailleurs Jennifer Becton ne s'y est pas trompée puisqu'elle nous offre un face à face assez amusant entre la décontraction américain de Basford et la rigueur toute anglaise de Darcy. On en viendrait presque à regretter que les apparitions d'Elizabeth et de son célèbre époux ne soient pas plus nombreuses (les deux personnages ne sont cités que deux ou trois fois, en tout et pour tout). Mais l'héroïne c'est Charlotte et elle méritait bien un roman et une histoire pour elle seule !

Le seul tout petit point « négatif » que je pourrais apporter à cette lecture, parce que je suis tatillonne et que rien n'est parfait (ou alors très rarement !), se situe plutôt du côté de la plume et notamment du vocabulaire utilisé. Il me semble avoir tiqué une ou deux fois pendant ma lecture, face à l'utilisation d'un ou deux termes qui m'ont paru déplacés (peu pertinents dans le contexte historique, trop familiers…) mais est-ce un petit « problème » de traduction ou une vraie volonté de Jennifer Becton en vo ?
Quoi qu'il en soit, c'est vraiment un point minime qui n'a pas vraiment entaché le plaisir que j'ai eu à suivre les aventures de ces deux soeurs. J'ai trouvé l'ensemble fluide, dans la lignée d'Austen (même si personne n'arrive à égaler son incisive ironie) et en accord avec le fond. J'appréhendais légèrement une surenchère de dialogues ou de descriptions un peu téléphonées, mais rien de tel. C'est plutôt bien dosé, immersif et assez prenant, même si l'on se doute très rapidement du dénouement.

Vraiment un très bon cru dans le monde du para-austenien, à mon goût. Je suis vraiment très heureuse que Charlotte ait enfin droit à son histoire et à sa fin heureuse et je remercie Jennifer Becton qui a su insérer de nouveaux personnages inédits, sans dénaturer l'oeuvre d'origine, bien au contraire ! Maintenant je veux savoir ce qu'il est advenu de l'horrible Caroline Bingley après le mariage d'Elizabeth et Darcy (cf. l'autre roman de l'auteure, récemment traduit par Milady) !
Lien : http://bazardelalitterature...
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