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Louis Énault (Autre)Michel Mohrt (Autre)Jean Bessière (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253037910
637 pages
Le Livre de Poche (01/01/1986)
  Existe en édition audio
3.94/5   837 notes
Résumé :
Ce roman, publié aux U.S.A. en 1851 par Harriet B. Stowe, est un magnifique plaidoyer contre l'esclavage qui devint rapidement, avec la guerre de Sécession, "le" classique de l'anti-racisme.
Le personnage de Tom est à ce point sublime de bonté, de beauté morale, de tendresse pour tous ses semblables que l'on hésite à le croire vraisemblable. Une telle oeuvre fait mieux qu'émouvoir et convaincre, elle trouble la mauvaise conscience d'une bonne part de l'humani... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (85) Voir plus Ajouter une critique
3,94

sur 837 notes
Je me sens toute petite devant mon écran et c'est avec humilité et respect que je vais vous parler la case de l'oncle Tom.

La case de l'oncle Tom, c'est un souvenir d'enfance. Je n'avais qu'une dizaine d'années quand je l'ai lu et je n'ai jamais oublié Tom ni ses frères de misère.

Alors qu'aux Etats Unis, deux courants s'opposent, le sud voulant conserver ses esclaves et le Nord voulant abolir l'esclavage, une femme prend la parole et écrit cet édifiant ouvrage.

Cette femme c'est Harriet Beecher Stowe. Alors qu'une loi a été adoptée en 1850 visant à punir ceux qui aident les esclaves en fuite, Harriet-Beecher-Stowe publie sous forme de feuilleton La-Case-de-l'oncle-Tom dans un journal abolitionniste.

Ce livre aurait alors contribué à une prise de conscience collective de l'horreur de l'esclavagisme et Abraham Lincoln lui même au début de la guerre de Sécession aurait dit "C'est donc cette petite dame qui est responsable de cette grande guerre".

Tom est un esclave d'un certain âge marié et père de famille. Il est bien traité à défaut d'être libre. Mais parce que son "maître" est couvert de dettes, il est vendu ainsi qu'un petit garçon de 5 ans henri.

Mon sang n'a fait qu'un tour. Imaginer un instant que l'on vous prenne votre enfant pour l'emmener loin de vous, que l'on vous sépare à vie de votre famille.

Alors la peur au ventre j'ai suivi la fuite d'Elisa la mère d'henri avec son fils. Sautant sur des blocs de glace pour éviter ceux qui la poursuivent.

Tom est d'abord acheté par une famille qui le traite bien. Il se prend d'affection pour la petite fille de la famille. Le père n'a pas le temps de l'affranchir avant de mourir. Cette petite fille était pleine d'humanité et de compassion.

Tom est revendu et cette fois c'est à un horrible personnage qui traite ses esclaves comme du bétail.
Tom ne perd pas la foi ni la sagesse et refuse de s'abaisser au rang de ses tortionnaires. Il sait qu'il va mourir mais son âme n'a pas de prix. Jamais vous ne pourrez la prendre.

Un livre bouleversant.
Pour les générations à venir un petit lexique serait le bienvenu pour expliquer les termes tels que mulâtre.

Je dis ça mais à l'époque ça ne m'avait pas gêné.

Bref j'ai encore beaucoup pleuré mais il faut avoir lu ce livre une fois dans sa vie.
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Tom est un esclave travailleur, intelligent et honnête. « Mon âme ne vous appartient pas. Vous ne pourriez pas vous la payer. » (p. 134) Il est bien traité chez Mr Shelby, mais ce dernier, affrontant des revers financiers, est contraint de le vendre pour éponger ses dettes. Tom est séparé de sa femme et de ses enfants. Rapidement acheté par Mr Sainte-Clare, Tom n'est pas malheureux, même si sa famille lui manque. Il se prend d'affection pour la jeune Eva Sainte-Clare, une enfant douce et sensible à la condition des esclaves. « L'amitié de Tom et Eva grandissait toujours. Tom aimait Eva comme quelque chose de fragile et de divin. Il la contemplait avec tendresse et respect. » (p. 91) Hélas, il est dit que la vie de Tom ne sera que peine et déchirement. La liberté tant désirée lui échappe toujours et il désespère de trouver la paix. En parallèle, on suit le destin d'Elisa, George et Henry, une famille d'esclaves qui a choisi de fuir pour éviter d'être séparée.

Ce court roman déborde d'un manichéisme simple : les méchants esclavagistes et les esclaves perfides d'une part, les bons maîtres et les esclaves honnêtes d'autre part. « Il y a deux types de maîtres. Nous faisons partie des bons maîtres qui détestons être sévères. Il est donc plus difficile d'obtenir quelque chose, et il faut beaucoup de tact et de délicatesse. Alors, je préfère laisser les choses aller. Et je ne veux pas faire fouetter ces pauvres diables. » (p. 73) Plutôt que d'opposer les blancs aux noirs, Harriet Beecher-Stowe oppose les natures humaines, montrant qu'il y a des bonnes âmes dans toutes les cultures et toutes les populations. Sans faire aveu de culpabilité, l'auteure développe une réflexion sur l'esclavage et la libération des esclaves. « C'est absurde de parler du bonheur que peuvent connaître les esclaves. Travailler toute sa vie, du matin au soir, sous l'autorité d'un maître… et cela juste pour un peu de nourriture… C'est une honte. » (p. 76)

Voilà longtemps que je voulais lire ce classique de la littérature américaine et je suis ravie d'avoir enfin procédé à cette lecture. Elle est très accessible aux jeunes lecteurs et elle résonne en moi avec tous les textes sur l'esclavage et les noirs américains que j'ai déjà lus.
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Ainsi c'est en faisant référence à ce livre que Lincoln aurait dit parlant de l'auteur : " Une petite femme qui a commencé une grande guerre".
Bien sûr Harriet Beecher-Stowe n'a pas eu cette prétention (quoique...?) mais en replaçant son oeuvre dans l'époque, on peut comprendre qu'elle ait quelque peu "remué les consciences".

Passé le début de lecture un peu laborieux à cause d'un style ma foi assez pesant, quelques maladresses, entre autre le phrasé des esclaves qui m'a semblé peu approprié, trop ampoulé, peu conforme à la réalité mais je peux me tromper, j'ai fini une fois les 150 premières pages lues par me laisser emporter par ce récit édifiant.

L'auteur nous donne ici une large vision de ce qu'était l'esclavage et n'hésite pas à bousculer les 2 camps. Nord et Sud en prennent pour leur grade. Car Harriet Beecher-Stowe n'épargne personne et c'est sûrement l'une des premières qualités du livre.
Elle arrive à donner une vision globale de l'esclavage sans se limiter à une simple critique des états du sud. Elle met les Nordistes devant leurs contradictions et n'hésite pas à les condamner pour leur inertie face au problème, leur donnant ainsi une part de responsabilité.
En gros : "c'est facile de condamner, mais vous, que faites-vous pour lutter contre ? à part vos mines scandalisées ? ".

Et pour aller encore plus loin, elle fait un parrallèle entre l'asservissement des noirs au sud et l'exploitation des ouvriers au nord. L'industrialisation contre l'esclavage. le capitalisme contre la ruralité.
Elle met chacun devant ses contradictions et livre une critique sévère de la société américaine.

En plus de tout ça, elle nous livre des portraits très précis et attachants de personnages autant maîtres qu'esclaves. Elle s'attache aux détails, nous raconte des histoires personnelles et ainsi allège le discours moralisateur.
Chaque point de vue est étudié et condamné ou louangé.

Certains lui ont reproché un discours religieux trop pesant. Personnellement, je ne suis pas croyante. Pourtant, ça ne m'a pas gênée car j'ai replacé ce prêche dans son contexte, sans oublier que l'auteur était fille de pasteur si je ne me trompe pas, et épouse d'un ministre du culte. Et surtout que le message religieux ne prônait que tolérance et bonté.
Je n'y ai vu aucune forme d'intolérance.

Un mot sur Tom maintenant.
Ce Tom si malmené, si compatissant pourtant envers ses semblables.
Là aussi, j'ai lu ici ou là un certain agacement pour sa "passivité", sa résignation.
Ce n'est pas ce que j'ai vu en lui.
Certes, on le préfèrerait rebelle et révolté contre ses maîtres, et surtout on l'aimerait violent.
Mais il n'est rien de tout cela, et là encore une fois, on parle de religion.
Mais que l'on soit croyant ou non, pourquoi est-ce qu'on ne peut pas accepter qu'un homme grâce à sa foi en Dieu trouve en lui les ressources nécessaires pour supporter son calvaire.
Peu importe pourquoi, ni comment, si le fardeau s'en trouve allégé...
Tom a choisi le silence parfois et toujours la non-violence. Peu importe que ça soit au nom de Dieu ou au nom de l'Humanité. Gandhi aurait aimé ce Tom là.
Et je l'ai aimé, ai accepté ses choix et n'ai pas tant pleuré que ça face à son destin car j'ai vu son réconfort, cette foi inébranlable qui l'a porté jusqu'à une résistance passive certes mais si apaisante au fond...

Alors, au final, ce livre a-t-il vraiment joué un rôle dans le déclenchement de la guerre de céssesion ? Oui, par la prise de conscience qu'il a engendré.
Même si l'esclavage n'a été qu'un prétexte pour cette guerre plus liée au choc de deux cultures : industrie contre ruralité.

Il est le témoignage précieux d'une époque, le réquisitoire parfois maladroit
mais tellement nécessaire contre un pays partagé mais frileux dans ses choix.

Alors : " Une petite femme qui a commencé une grande guerre". ?
Il semble en tout cas que ce livre effectivement ait eu un impact réel sur certaines décisions politiques.
Une lecture importante et marquante.
Un réquisitoire malheureusement encore d'actualité....



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George Sand
Critique de la Case de l'oncle Tom

Ce livre est dans toutes les mains, dans tous les journaux. Il aura, il a déjà des éditions dans tous les formats1. On le dévore, on le couvre de larmes. Il n'est déjà plus permis aux personnes qui savent lire de ne pas l'avoir lu, et on regrette qu'il y ait tant de gens condamnés à ne le lire jamais : ilotes par la misère, esclaves par l'ignorance, pour lesquels les lois politiques ont été impuissantes jusqu'à ce jour à résoudre le double problème du pain de l'âme et du pain du corps.

Ce n'est donc pas, ce ne peut pas être une réclame officieuse que de revenir sur le livre de madame Stowe. Nous le répétons, c'est un hommage, et jamais oeuvre généreuse et pure n'en mérita un plus tendre et plus spontané. Elle est loin d'ici ; nous ne la connaissons pas, celle qui a fait pénétrer dans nos coeurs des émotions si tristes et pourtant si douces. Remercions-la d'autant plus ! Que la voix attendrie des femmes, que la voix généreuse des hommes et celle des enfants, si adorablement glorifiés dans ce livre, et celles des opprimés de ce monde-ci, traversent les mers et aillent lui dire qu'elle est estimée, qu'elle est aimée !

Si le meilleur éloge qu'on puisse faire de l'auteur, c'est de l'aimer ; le plus vrai qu'on puisse faire du livre, c'est d'en aimer les défauts. Il ne faut pas les passer sous silence, il ne faut pas en éluder la discussion, et il ne faut pas vous en inquiéter, vous qu'on raille de pleurer naïvement sur le sort des victimes au récit des événements simples et vrais.

Ces défauts-là n'existent que relativement à des conventions d'art qui n'ont jamais été, qui ne seront jamais absolues. Si les juges, épris de ce que l'on appelle la facture, trouvent des longueurs, des redites, de l'inhabileté dans ce livre, regardez bien, pour vous rassurer sur votre propre jugement, si leurs yeux sont parfaitement secs quand vous leur en lirez un chapitre pris au hasard.

Ils vous rappelleront bientôt ce sénateur de l'Ohio qui soutient à sa petite femme qu'il a fort bien fait de voter la loi de refus d'asile et de protection aux fugitifs, et qui, tout aussitôt, en prend deux dans sa carriole et les conduit lui-même, en pleine nuit, dans des chemins affreux où il se met plusieurs fois dans la boue jusqu'à la ceinture pour pousser à la roue et les empêcher de verser. Cet épisode charmant de l'Oncle Tom (hors-d'oeuvre si vous voulez) peint, on ne peut mieux, la situation de la plupart des hommes placés entre l'usage, le préjugé et leur propre coeur, bien autrement naïf et généreux que leurs institutions et leurs coutumes.

C'est l'histoire attendrissante et plaisante à la fois du grand nombre des critiques indépendants. Que ce soit en fait de questions sociales ou de questions littéraires, ceux qui prétendent juger froidement et au point de vue de la règle pure sont bien souvent aux prises avec l'émotion intérieure, et parfois ils en sont vaincus sans vouloir l'avouer. J'ai toujours été frappé et charmé de l'anecdote de Voltaire, raillant et méprisant les fables De La Fontaine, prenant le livre et disant : « Attendez, vous allez voir ! la première venue ! » Il en lit une : « Celle-là est passable ; mais vous allez voir comme celle-ci est stupide ! »

Il passe à une seconde. Il se trouve qu'elle est assez jolie. Une troisième le désarme encore. Enfin, las de chercher, il jette le volume en s'écriant avec un dépit ingénu : « Ce n'est qu'un ramassis de chefs-d'oeuvre ! » Les grands esprits peuvent être bilieux et vindicatifs, mais dès qu'ils réfléchissent, il leur est impossible d'être injustes et insensibles.

Il faut en dire autant, proportion gardée, de tous les gens d'esprit qui font profession de juger avec l'esprit. Si leur esprit est de bon aloi, leur coeur ne résistera jamais à un sentiment vrai. Voilà pourquoi ce livre, mal fait suivant les règles du roman moderne en France, passionne tout le monde et triomphe de toutes les critiques, de toutes les discussions qu'il soulève dans les familles.

Car il est essentiellement domestique et familial, ce bon livre aux longues causeries, aux portraits soigneusement étudiés. Les mères de famille, les jeunes personnes, les enfants, les serviteurs, peuvent le lire et le comprendre, et les hommes, même les hommes supérieurs, ne peuvent pas le dédaigner. Nous ne dirons pas que c'est à cause des immenses qualités qui en rachètent les défauts ; nous disons que c'est aussi à cause de ses prétendus défauts.

On a longtemps lutté en France contre les prolixités d'exposition de Walter Scott ; on s'est récrié ensuite contre celles De Balzac, et, tout bien considéré, on s'est aperçu que, dans la peinture des moeurs et des caractères, il n'y avait jamais trop, quand chaque coup de pinceau était à sa place et concourait à l'effet général. Ce n'est pas que la sobriété et la rapidité ne soient aussi des qualités éminentes ; mais apprenons donc à aimer toutes les manières, quand elles sont bonnes et quand elles portent le cachet d'une maestria savante ou instinctive.

Madame Stowe est tout instinct. C'est pour cela qu'elle paraît d'abord n'avoir pas de talent.

Elle n'a pas de talent ! — Qu'est-ce que le talent ? — Rien, sans doute, devant le génie ; mais a-t-elle du génie ? Je ne sais pas si elle a du talent comme on l'entend dans le monde lettré, mais elle a du génie comme l'humanité sent le besoin d'en avoir : elle a le génie du bien. Ce n'est peut-être pas un homme de lettres ; mais savez-vous ce que c'est ? C'est une sainte : pas davantage.

Oui, une sainte ! Trois fois sainte est l'âme qui aime, bénit et console ainsi les martyrs ! Pur, pénétrant et profond est l'esprit qui sonde ainsi les replis de l'être humain ! Grand, généreux et vaste est le coeur qui embrasse de sa pitié, de son amour, de son respect tout une race couchée dans le sang et la fange, sous le fouet des bourreaux, sous la malédiction des impies.

Il faut bien qu'il en soit ainsi ; il faut bien que nous valions mieux que nous ne le savons nous-même ; il faut bien que, malgré nous, nous sentions que le génie c'est le coeur, que la puissance c'est la foi, que le talent c'est la sincérité, et que, finalement, le succès c'est la sympathie, puisque ce livre-là nous bouleverse, nous serre la gorge, nous navre l'esprit et nous laisse un étrange sentiment de tendresse et d'admiration pour la figure d'un pauvre nègre lacéré de coups, étendu dans la poussière, et râlant sous un hangar son dernier souffle exhalé vers Dieu.

En fait d'art, d'ailleurs, il n'y a qu'une règle, qu'une loi, montrer et émouvoir. Où trouverons-nous des créations plus complètes, des types plus vivants, des situations plus touchantes et même plus originales que dans l'Oncle Tom ? Ces douces relations de l'esclave avec l'enfant du maître signalent un état de chose inconnu chez nous ; la protestation du maître lui-même contre l'esclavage durant toute la phase de sa vie où son âme appartient à Dieu seul. La société s'en empare ensuite, la loi chasse Dieu, l'intérêt dépose la conscience. En prenant l'âge d'homme, l'enfant cesse d'être homme ; il devient maître : Dieu meurt dans son sein.

Quelle main expérimentée a jamais tracé un type plus saisissant et plus attachant que Saint-Clair, cette nature d'élite, aimante, noble, généreuse, mais trop douce et trop nonchalante pour être grande ? N'est-ce pas l'homme en général, l'homme avec ses qualités innées, ses bons élans et ses déplorables imprévoyances, ce charmant maître qui aime, qui est aimé, qui pense, qui raisonne, et qui ne conclut et n'agit jamais ? Il dépense en un jour des trésors d'indulgence, de raison, de justice et de bonté ; il meurt sans avoir rien sauvé. Sa vie précieuse à tous se résume dans un mot : aspirer et regretter. Il n'a pas su vouloir. Hélas ! est-ce qu'il n'y a pas un peu de cela chez les meilleurs et les plus forts des hommes !

La vie et la mort d'un enfant, la vie et la mort d'un nègre, voilà tout le livre. Ce nègre et cet enfant, ce sont deux saints pour le ciel. L'amitié qui les unit, le respect de ces deux perfections l'une pour l'autre, c'est tout l'amour, toute la passion du drame. Je ne sais pas quel autre génie que celui de la sainteté même eût pu répandre sur cette affection et sur cette situation un charme si puissant et si soutenu.

L'enfant lisant la Bible sur les genoux de l'esclave, rêvant à ses cantiques en jouant au milieu de sa maturité exceptionnelle, le parant de fleurs comme une poupée, puis le saluant comme une chose sacrée, et passant de la familiarité tendre à la tendre vénération ; puis dépérissant d'un mal mystérieux qui n'est autre que le déchirement de la pitié dans un être trop pur et trop divin pour accepter la loi ; mourant enfin dans les bras de l'esclave, en l'appelant après elle dans le sein de Dieu. Tout cela est si neuf et si beau, qu'on se demande en y pensant si le succès est à la hauteur de l'oeuvre.

Les enfants sont les véritables héros de madame Stowe. Son âme, la plus maternelle qui fût jamais, a conçu tous ces petits êtres dans un rayon de la grâce. Georges Shelby, le petit Harry, le cousin d'Eva, le marmot regretté de la petite femme du sénateur, et Topsy la pauvre, la diabolique et excellente Topsy, ceux qu'on voit et ceux même qu'on ne voit pas dans ce roman, mais dont il est dit seulement trois mots par leurs mères désolées, c'est un monde de petits anges blancs et noirs, où toute femme reconnaît l'objet de son amour, la source de ses joies ou de ses larmes. En prenant une forme dans l'esprit de madame Stowe, ces enfants, sans cesser d'être des enfants, prennent aussi des proportions idéales, et arrivent à nous intéresser plus que tous les personnages des romans d'amour.

Les femmes y sont jugées et dessinées aussi de main de maître, non pas seulement les mères, qui y sont sublimes, mais celles qui ne sont mères ni de coeur ni de fait, et dont l'infirmité est traitée avec indulgence ou avec rigueur. A côté de la méthodique miss Ophélia, qui finit par s'apercevoir que le devoir ne sert à rien sans l'affection, Marie Saint-Clair est un portrait d'une vérité effrayante.

On frissonne en songeant qu'elle existe, cette lionne américaine qui n'est qu'une lâche panthère ; qu'elle est partout ; que chacun de nous l'a rencontrée ; qu'il la voit peut-être non loin de lui, car il n'a manqué à cette femme charmante que des esclaves à faire torturer pour qu'elle se révélât complète à travers ses vapeurs et ses maux de nerfs.

Les saints ont aussi leur griffe, c'est celle du lion. Elle respecte la chair humaine, mais elle s'enfonce dans la conscience, et un peu d'ardente indignation, un peu de terrible moquerie ne messied pas à cette bonne Harriett Stowe, à cette femme si douce, si humaine, si religieuse et si pleine de l'onction évangélique. Oui, c'est une femme bien bonne, mais ce n'est ce que nous appelons dérisoirement une bonne femme : c'est un coeur fort, courageux, et qui en bénissant les malheureux, en caressant les fidèles, en attirant les faibles, secoue les irrésolus, et ne craint pas de lier au poteau les pécheurs endurcis pour montrer leur laideur au monde.

Elle est dans le vrai sens de la lettre sacrée. Son christianisme fervent chante le martyre, mais il ne permet pas à l'homme d'en perpétuer le droit et la coutume. Il réprouve cette étrange interprétation de l'Évangile qui tolère l'iniquité des bourreaux pour se réjouir de les voir peupler le calendrier de victimes. Elle en appelle à Dieu même, elle menace en son nom. Elle nous montre la loi d'un côté, l'homme et Dieu de l'autre.

Qu'on ne dise donc pas que, puisqu'elle exhorte à tout souffrir, elle accepte le droit de ceux qui font souffrir. Lisez cette belle page où elle vous montre Georges, l'esclave blanc, embrassant pour la première fois le rivage d'une terre libre, et pressant contre son coeur la femme et l'enfant qui sont enfin à lui ! Quelle belle page que celle-là, quelle large palpitation, quelle protestation triomphante du droit éternel et inaliénable de l'homme sur terre : la liberté !

Honneur et respect à vous, madame Stowe. Un jour ou l'autre, votre récompense, qui est marquée aux archives du ciel, sera aussi de ce monde.


Décembre 1852.
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Je précise tout d'abord que c'est la version intégrale (ici 610 pages en format poche) que je viens de lire, et non la version adaptée pour les enfants. La différence tient, je pense, au fait que dans la version originale, les portraits sont beaucoup moins manichéens et la réflexion plus développée.

L'oncle Tom en est le personnage principal, mais on suit également la route d'Elisa, son mari Georges et leur petit Henri; Tous sauf Georges font partie des esclaves de M. Shelby, propriétaire généreux et de bon tempérament, en grande partie encouragé par sa femme qui se tourne de plus en plus vers l'abolitionnisme. Suite à des revers de fortune, M. Shelby se voit contraint de vendre ce qu'il a de plus cher. Affolée, terrorisée à l'idée qu'elle puisse perdre son fils vendu à d'autres propriétaires qu'elle-même - courant sur les marchés d'esclaves où l'empathie envers les esclaves n'existe pas ou si peu - Elisa s'enfuit avec lui pour tenter de rejoindre Georges. de son côté, Tom obéit, après avoir obtenu la promesse de M. Shelby qu'il serait racheté dès que possible.

C'est ainsi qu'on suit les destins parallèles d'Elisa et de Tom, l'une poursuivie, traquée, l'autre vendu à M. Saint-Clare pour sa petite fille Eva. Il y rencontre la bonté, l'affection et l'intelligence d'un père et d'une fille pour lesquels il deviendra indispensable, avant d'être vendu à nouveau, après de tragiques circonstances, à Simon Legree, esclavagiste monstrueux et violent.
Tout l'intérêt de ce roman, outre de créer de l'empathie pour ces personnages maltraités, coupés de leur famille, qui n'aspirent qu'à la liberté et l'instruction, est de faire un tour complet de la question de l'esclavage: la cruauté dont sont traités ces hommes, femmes et enfants, l'ignorance et l'insécurité dans lesquelles ils sont entretenus, la culture sudiste des plantations et de l'esclavagisme contre la critique hypocrite des états libres du nord qui jouent le jeu des marchés d'esclaves, l'impact de la tradition des familles de planteurs, le questionnement sur la manière de bien traiter ses propres esclaves en humaniste, et l'importance de la religion, autant dans le comportement des propriétaires d'esclaves que dans l'acceptation de leur sort pour les esclaves, mais aussi la question de l'avenir de ce peuple qui, une fois affranchis, devra apprendre à vivre libre, devra s'instruire et travailler (A ce sujet, Beloved de Toni Morrison fait un portrait très réaliste de cette problématique).

Quand Harriet Beecher-Stowe a écrit ce livre, l'esclavagisme était encore bel et bien actif et légal et l'auteure, malgré la montée de l'abolitionnisme, ignorait quand et comment ou même si l'esclavagisme serait un jour banni, et c'est un point important, je pense, à retenir quand on lit ce livre.
C'est vrai que la religion y est très présente et pesante, c'est vrai que les bons sentiments y sont parfois trop bons, mais le portrait qu'elle dresse des Etats-Unis - et pas seulement du Sud - est vraiment captivant, tout comme l'est le portrait de Saint-Clare tout en ambiguïté.
Historiquement, ce roman a eu une forte répercussion; il fait partie des tout premiers best-sellers, deuxième après la bible aux Etats-Unis. Lincoln a d'ailleurs dit, en parlant de la guerre civile, "voici la petite femme qui a commencé une grande guerre", insinuant que ce roman a profondément marqué les esprits.

Je trouve que l'écrivain a déjoué les pièges de la caricature et encourage - sans juger - son peuple à se remettre en question en les incitant à se mettre à la place d'Elisa ou de Tom, mettant Blancs et Noirs à égalité à une époque où cette égalité semblait aberrante ( et cette époque n'est vraiment pas très ancienne...).

Je dirai enfin que ce livre est tout simplement émouvant et plein d'aventures, et qu'il se lit très facilement.
Lien : http://pourunmot.blogspot.fr..
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Citations et extraits (116) Voir plus Ajouter une citation
Saint-Clare sentait venir en lui je ne sais quel calme étrange... ce n'était pas l'espérance... elle était impossible... ce n'était pas la résignation... c'était une sorte de paisible repos dans un présent qui lui semblait si beau, qu'il ne voulait pas songer à l'avenir; c'était quelque chose de semblable à la mélancolie que nous ressentons au milieu de ce doux éclat des forêts aux jours d'automne, quand la rougeur maladive colore les feuilles des arbres, et que les dernières fleurs se penchent au bord des ruisseaux...
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Dans de pareilles circonstances, nous avons, nous, la lettre, cette joie amère! nous écrivons à notre femme; nous envoyons des messagers à nos enfants. Mais Tom ne pouvait pas écrire : pour lui la poste n'existait pas. Pas un seul ami, pas un signal qui pût jeter un pont sur l'abîme de la séparation!

Est-il étrange alors que quelques larmes tombent sur les pages de sa Bible, posée sur une balle de coton, pendant que d'un doigt patient il s'avance lentement d'un mot à l'autre mot, découvrant l'une après l'autre les promesses de Dieu et nos espérances !

Comme tous ceux qui ont appris tard, Tom lisait lentement. Par bonheur pour lui, le livre qu'il tenait

était un de ceux qu'on peut lire lentement sans lui faire tort ; un livre dont les mots, comme des lingots d'or, ont besoin d'être pesés séparément, pour que l'esprit puisse en saisir l'inappréciable valeur!

Écoutons-le donc ! voyons comme il lit, s'arrêtant sur chaque mot et le prononçant tout haut :

«Que -votre -cœur -ne -se -trouble -point. - Dans -la - maison - de - mon - père - il y - a - plusieurs - demeures. - Je - vais - préparer - une - place - pour - vous."

Pour Tom, il y avait là tout ce qu'il lui fallait, une vérité si évidente et si divine, que la possibilité d'un doute n'entrait même pas dans son cerveau!

Il faut que cela soit vrai.; car, si cela n'était pas vrai, comment pourrait-il vivre?

La Bible de Tom n'avait point d'annotations à la marge ni de commentaires dus à de savants glossateurs. Cependant elle était enrichie de certaines marques et de points de repère de l'invention de Tom, qui lui servaient beaucoup plus que de savantes expositions.

Il avait l'habitude de se faire lire la Bible par les enfants de son maître; et surtout par le jeune Georges; et, pendant qu'on lisait, lui, avec une plume et de l'encre, faisait de grands et très visibles signes sur la page, aux endroits qui avaient charmé son oreille ou touché son cœur.

Sa Bible était ainsi annotée d'un bout à l'autre avec une incroyable variété et une inépuisable richesse de typographie.
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Non; il se tient debout, ferme et fier, sur ce bon vieux et respectable terrain, le droit du plus fort. Il dit, et il a raison, que les planteurs américains font, à leur manière, ce que font l'aristocratie et la finance d'Angleterre. Pour ceux-là, les esclaves sont les basses classes. . . Et que font-ils ? Ils se les approprient, corps et âme, chair et esprit, et les emploient à leurs besoins. . . Et il défend cette conduite par des arguments au moins spécieux: il dit qu'il ne peut point y avoir de haute civilisation sans esclavage des masses. Qu'on le nomme ou qu'on ne le nomme pas esclavage, peu importe ! Il faut, dit-il, qu'il y ait une classe inférieure condamnée au travail physique, et réduite à la vie animale, et une classe élevés en qui résident la richesse et le loisir, une classe qui développe son intelligence, marche en tête du progrès et dirige le reste du monde. Ainsi raisonne-t-il, parce que, dit-il, il est né aristocrate. . . Moi, au contraire, je repousse ce système. . . parce que je suis né démocrate.
_ Je n'admets pas la comparaison, dit Miss Ophélia, car enfin le meilleur travailleur anglais n'est pas l'objet d'un trafic et d'un commerce, il n'est point arraché à sa famille et fouetté.
_ Il est autant à la discrétion de celui qui l'emploie que s'il lui était réellement vendu. Le maître peut frapper l'esclave jusqu'à ce que mort s'ensuive... mais le capitaliste anglais peut affamer jusqu'à la mort ! Et, quand à la sécurité de la famille, je ne sais pas en vérité où elle est le plus menacée... Celui-ci voit vendre ses enfants, celui-là les voit mourir de faim chez lui !
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John Van Trompe, jadis propriétaire de vastes bien dans le Kentucky et d’un nombre d’esclaves considérable, doué par nature d’un grand cœur avait supporté pendant quelques années, avec un malaise croissant, un système funeste à l’oppresseur et à l’opprimé. Un jour enfin, Van Trompe avait pris son portefeuille et, traversant le fleuve, avait acheté dans l’Ohio bon nombre d’hectares d’un terrain riche et productif. Après quoi, affranchissant tout son monde, hommes, femmes, enfants, il les avait expédiés dans des charrettes à ces nouvelles terres pour s’y établir. Lui-même s’était retiré dans une ferme isolée et jouissant en paix, dans cette profonde retraite, de sa conscience et de ses réflexions.
―Etes-vous homme à protéger une pauvre femme et son enfant contre les traqueurs d’esclaves ? demanda le sénateur.
― Je pense que oui ! répondit Van Trompe.
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― Oh ! Topsy, moi je t’aime ! s’écria Eva avec passion.
Et elle appuya tendrement sa petite main blanche sur l’épaule de Topsy.
― Je t’aime parce que tu n’as ni père, ni mère, ni amis, parce que tu es une petite fille pauvre et abandonnée ! vois-tu Topsy, je suis bien malade, je ne vivrai pas longtemps, et j’ai tant de chagrin de te voir méchante ! Sois bonne pour l’amour de moi, j’ai si peu de temps à rester avec toi …
Les yeux ronds et perçants de l’enfant noire se voilèrent soudain de grosses gouttes brillantes.
― Oh ! chère miss Eva ! moi tâcher d’être bonne. Je ne m’en souciais pas avant, pas du tout …

― J’ai toujours eu une sorte de dégoût des nègres, c’est un fait, dit miss Ophélia. Je n’aimais pas que cette petite me touche, mais je n’avais pas imaginé qu’elle puisse s’en apercevoir.

― N’espérer pas cacher ce genre de choses aux enfants, répondit Saint-Claire. Les faveurs, les bienfaits, rien ne saurait susciter en eux la moindre gratitude, tant que cette répugnance existe ;
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Vidéo de Harriet Beecher Stowe
Cette année, notre enseigne pour petits et grands enfants, Les Enfants de Dialogues, fête ses 20 ans !
Pour célébrer cet anniversaire, nous vous proposons un épisode spécial, avec une invitée à la hauteur de l'événement : Laure Grandbesançon, la voix des "Odyssées" de France Inter, le célèbre podcast devenu tout récemment un beau livre illustré.
Bibliographie
- Les Odyssées, de Laure Grandbesançon (éd. Les Arènes) https://www.librairiedialogues.fr/livre/18551445-les-odyssees-les-grandes-aventures-de-l-histoi--laure-grandbesancon-les-arenes
- La Case de l'Oncle Tom, de Harriet Beecher-Stowe (éd. Folio Junior) https://www.lesenfants.fr/livre/11261382-la-case-de-l-oncle-tom-harriet-beecher-stowe-folio-junior
- Fantômette, de Geroges Chaulet (éd. Hachette Jeunesse) https://www.librairiedialogues.fr/livre/1774896-1-les-exploits-de-fantomette-georges-chaulet-hachette-jeunesse
- L'Étrange cas du Dr Jekyll et de Mr. Hyde, de Robert Louis Stevenson (éd. Folio Junior) https://www.lesenfants.fr/livre/12952005-l-etrange-cas-du-dr-jekyll-et-de-m-hyde-robert-louis-stevenson-folio-junior
- Kamo, de Daniel Pennac (éd. Gallimard Jeunesse) https://www.lesenfants.fr/livre/14095293-1-kamo-kamo-l-idee-du-siecle-daniel-pennac-gallimard-jeunesse
- Les Misérables, de Victor Hugo (éd. Folio Junior) https://www.lesenfants.fr/livre/15683150-les-miserables-victor-hugo-folio-junior
+ Lire la suite
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