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Critique de laplumedeflavie


Attention un peu spoiler

La politesse de François Bégaudeau ou comme une petite envie de meurtres entre amis. Lecture désopilante, en tous cas au début.

L'auteur brosse un portrait sans concession du monde littéraire français et régle sans doute des comptes personnels au passage.

C'est un roman construit en trois parties chronologiques avec en guise d'introduction à l'ensemble une lettre post-apocalyptique (procédé dont le caractère artificiel dérange un peu tout de même) entre le narrateur et sa nièce aspirante écrivain qui lui demande en substance "alors tonton raconte comment c'était avant".

En première partie, l'auteur narre son tour de France littéraire et nous dépeint des salons littéraires à périr d'ennui et des interventions en ZEP à dégouter quiconque d'entrer en littérature. Plongé dans ce grand bain sans aucun contrôle des événements et des réactions de ses contemporains, l'auteur essuie poliment les affronts et ravale sa fierté magré les marques d'indifférence qu'il reçoit sans cesse. A force de "prendre sur lui", il se bloque le dos. Je l'ai lu comme une peinture du monde réel de l'auteur où sans cesse s'affronte la réalité de ce qu'il vit, la passivité polie de ses réponses et de ses réactions, tandis qu'en voix off, sa conscience de soi analyse les événements avec un temps de retard et se désole de son piteux être au monde. le texte est brillant, parsemé de remarques incisives et désabusées. Cette première partie se boit comme du petit lait.

Deuxième partie, "la revanche". Même joueur joue encore. le narrateur revit peu ou prou le même périple héxagonal, mais comme dans un rêve de compensation où son inconscient soulagerait ses soupapes, il a décidé de ne plus se laisser faire et de se défouler. Il répond tout haut ce qu'il pensait tout bas, rembarre méchamment les autres et n'a plus jamais mal au dos. Une sorte de relecture de sa journée avec ce qu'il aurait aimé répondre du tac au tac. Nous avons clairement quitté la réalité pour un jubilatoire jeu de massacre intéreur où s'exprime enfin sa volonté de toute puissance horriblement bridée au quotidien par la conscience de sa propre finitude et le manque de considération des autres. C'est jouissif de suivre le narrateur dans cette revanche sur le réel.

La dernière partie, "la belle" dans l'univers des jeux, se trouve être la plus originale, mais aussi la plus inaccessible. le narrateur y dépeint un monde littéraire et social post-apocalyptique où les egos ne s'affrontent plus, où la politesse n'est même plus nécessaire car les individus ne sont plus en concurrence. C'est un morceau de bravoure qui fourmille d'idées loufoques, mais qui déroute et perd le lecteur. Au final, le livre s'essoufle et la tentation est grande de refermer La politesse (sans ménagement) en se disant qu'on en a déjà tiré le meilleur. Il semblerait que la critique ne soit pas nouvelle (les "cent pages de trop" qu'il évoque plusieurs fois). Il semblerait que François Bégaudeau ait décidé de s'asseoir sur ces bons conseils de la critique (il a bien raison si cela lui donne mal au dos) et de ne pas couper dans ce centifolia qui lui est cher, peut être pour les quelques lecteurs qui sont fans de lui au point de goûter chaque page de cet auteur pourvu qu'elle soit de lui, peut être par manque de courage de se relire une fois de plus et de procéder au difficile exercice de l'autocritique. Il semblerait enfin que son éditeur ait décidé de ne pas le vexer et de publier l'oeuvre dans toute sa longueur et dans toutes ses longueurs, se disant sans doute que comme cela ne concerne que la fin du livre, cela ne nuit pas au pouvoir "page -turner" du début. Toujours est-il que cette troisième partie devient vite illisible. Des lectures que j'ai pu faire des autres critiques de ce livre, j'ai cru comprendre que personne n'a pu venir à bout de l'Apocalypse selon Saint Bégaudeau. Dommage car une troisième partie plus courte aurait sans doute rendu l'ensemble du livre plus percutant.

Dernier point dont il fallait parler, le "name dropping" incessant. Certains y verront la volonté de montrer qu'il connait son sujet, à savoir le monde littéraire, d'autres y verront plutôt une galerie de portraits au vitriol pour procéder à un bon réglement de comptes. Pour ma part, je pense que François Bégaudeau est un auteur technique qui pèse ses formules, cisèle ses emplois de figures stylistiques et ne rechigne pas à employer toutes sortes de méthodes et d'outils. Je le soupçonne d'avoir recours au name dropping comme à une sorte d'accélérateur des moteurs de recherche. Imaginez un peu, si tous les gens cités dans ce roman l'achète, le lise et en parle, cela fait déjà un bon début de notoriété. Or comme la nature humaine est ainsi faite que si l'on parle d'une personne, elle s'en souciera forcément, c'est un outil intelligent pour piéger des lecteurs susceptibles de créer le phénomène. de plus, à bien y réfléchir, quand il tape fort, c'est souvent sur des personnages anonymes, il ne faudrait tout de même pas se fâcher avec quelqu'un d'important !



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