Robin aimait bien l’atmosphère de la salle de bains quand sa mère venait de la quitter. Il y avait probablement quelque chose de très œdipien là-dedans — d’ailleurs, il n’avait jamais éprouvé le même plaisir avec sa femme ou ses anciennes petites amies. Cela devait résider dans le parfum, forcément une ancre de son enfance, mais aussi le miracle qu'elle arrivait à produire : l’été, une claque de fraîcheur, l’hiver, une écharpe de chaleur qui s’enroulait autour de lui.
Il faudrait traverser la ville sous le soleil, monstre tentaculaire qui engluait les horizons, les faisait fondre pour les tordre.
Et donc, j'ai peur de ne pas y arriver, de mourir ici, et de rester, toujours, à jamais, avec ces foutues questions en bouche. J'ai peur que personne ne le sache, et que ces secrets en restent à jamais. J'ai peur de ne pas pouvoir demander à Baptiste, s'il m'aimait, au moins en petit peu. J'ai peur de ne pas pouvoir montrer aux enfants comment faire siffler les feuilles. La peur, on croit que c'est pour les faibles. Mais la peur, c'est la force ; c'est cette force qui m'empêche de boire depuis deux jours, c'est cette force qui me sortira d'ici.
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Une phrase, une bruine dans son corps. Tout ce qu’elle n’était pas résidait dans ce nom. Il pensait à toutes les fois où sa femme s’était endormie dans ses bras, qu’elle avait ri à ses mauvaises blagues, qu’il l’avait aidé à plier les draps, ou accompagné à un rendez-vous à la banque, merde, toutes ces fois où ils s’étaient aimés sans le dire. Jamais il ne pourrait faire les mêmes choses sans y penser.
Il pensait à sa mère. Il pensait à la manière dont on avait peur de tout détruire. On avait peur de se tromper, de faire punir des innocents. Surtout, on avait peur de tout se prendre dessus, comme un château de sable qu'on aurait soigneusement construit. Alors on remettait des poignées de silence, et de changements de sujet. Et on se croyait délicats, oui, on se disait que d'autres feraient tout s'effondrer.