Pu Yi a eu une destinée absolument extraordinaire: choisi à l'âge de 2 ans pour devenir empereur de Chine, il fut renversé dès 1912, alors qu'il n'avait pas encore 6 ans. Pourtant la nouvelle République lui permit de rester dans la Cité Interdite et maintint son train de vie. Dans une cour parvenue au dernier état de décadence, il reçut par le truchement de son précepteur et mentor écossais une éducation occidentale. Expulsé de Pékin,
Pu Yi se plaça sous la protection des Japonais à Tianjin. L'Empire du Soleil Levant était alors dans une phase d'expansion agressive et, après avoir envahi la Mandchourie, il en fit un Etat fantoche dont
Pu Yi devint le souverain (sans réel pouvoir). Sans doute celui-ci a-t-il espéré redevenir un jour empereur de toute la Chine ? Mais les Nippons révélèrent leur nature d'impitoyables prédateurs, en envahissant toute l'Asie du Sud-Est. A la fin de la guerre,
Pu Yi fut arrêté par les Soviétiques, qui le remirent aux Chinois dès la victoire de
Mao Zedong. Logiquement, il aurait dû être exécuté comme criminel de guerre. Mais les communistes le préféraient vivant (et repentant !), plutôt que mort. Au terme d'une "rééducation" exemplaire, il devint un très modeste citoyen, entièrement soumis au nouveau pouvoir.
Cette page d'histoire est passionnante et très mal connue des Français. La personnalité de
Pu Yi semble encore plus intéressante. Faible, presqu'isolé, politiquement impuissant, passant de la notoriété à l'anonymat, voyant souvent sa vie menacée, probablement de tendances homosexuelles, qui était-il vraiment derrière son apparence falote ? un roseau qui pliait mais ne rompait pas ? un homme prêt à tout pour sauver sa peau, faute d'avoir réalisé toutes ses secrètes ambitions ? On est en droit de douter de la sincérité de son repentir final. Pourtant, la description du processus de "lavage de cerveau" m'a semblé horrifique.
Edward Behr (1926-2007), journaliste et biographe, s'est documenté avec soin sur le sujet choisi. L'ouvrage se lit facilement. Bien entendu, pendant cette lecture on pense au film formidable de B. Bertolucci (1987).
P. S. La dernière partie - relativement paisible - de la vie de
Pu Yi renvoie au destin d'autres personnes qui auraient pu/dû être pendus, notamment l'empereur Hiro-Hito, que les Américains ont "décidé" d'exonérer de ses responsabilités dans la seconde guerre mondiale - pour des raisons purement politiques.