"En ce temps-là, on mettait des photographies géantes de produits sur les murs, les arrêts d'autobus, les maisons, le sol, les taxis, les camions, la façade des immeubles en cours de ravalement, les meubles, les ascenseurs, les distributeurs de billets, dans toutes les rues et même à la campagne. La vie était envahie par des soutiens-gorge, des surgelés, des shampoings antipelliculaires et des rasoirs triple-lame. L'oeil humain n'avait jamais été autant sollicité de toute son histoire : on avait calculé qu'entre sa naissance et l'âge de 18 ans, toute personne était exposée en moyenne à 350 000 publicités. Même à l'orée des forêts, au bout des petits villages, en bas des vallées isolées et au sommet des montagnes blanches, sur les cabines de téléphérique, on devait affronter des logos "Castorama", "Bricodécor", "Champion Midas" et "La Halle aux Vêtements". Il avait fallu deux mille ans pour en arriver là"
2000 ans pour en arriver là... Et on en rajoute 23 en version accélérée !
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour lire "
99 francs" alors que je suis une lectrice plutôt adepte de ton personnage si décrié, hein
Beigbeder ?
Peut-être le plaisir de trouver une lecture au titre devenu bien vintage (un peu à ton image maintenant) doublé d'un recul que j'espère réjouissant . C'est donc avec une hauteur de deux décennies que j'ai abordé enfin ton livre devenu culte et ce , que l'on t'aime ou pas.
Et tu le sais, ça devient une habitude, soit je t'encense, soit je te décalque verbalement , c'est l'amour vache, de celui qui ne fait aucune concession ni cadeau et encore une fois , je reviens vers toi à tâtons et légèrement anxieuse, notre dernier rendez-vous littéraire dans les dunes ayant été un véritable fiasco.
J'ai d'ailleurs le souvenir très net d'avoir déchaîné mes foudres à ton encontre, colèreuse et déçue de ton côté pleurnichard flirtant avec la facilité qui me rend si mauvaise.
Malgré ça. comme tu peux le constater, l'intérêt que je te porte surpasse ma rancune et je t'ecris personnellement histoire d'eviter la chronique à but publicitaire , pourtant, celle ci te ferait du bien en vue de toutes celles qui te salissent actuellement depuis la sortie de ton journal d'un hétéro dépassé (que je lirai ultérieurement).
Mais comme tu le dis toi même:
" Tout est provisoire: l'amour, l'art, la planète Terre, vous, moi.
Tout s'achète : l'amour, l'art, la planète Terre, vous, moi"...
Mais pas ma chronique, même si la suite pourrait le laisser penser.
Parce que je t'ai retrouvé , enfin !
L'Octave de "Au secours pardon!" que j'ai tant aimé ressuscite.
"
99 francs" libère ton verbe acéré , ta verve suprême à son apogée, la verge dressée face à la pintade du jour déjà périmée, cette allégresse dans ta provocation qui me régale, ton intelligence dérangeante excitant le tout venant, l'aguichant insolent, le polémiste incendiaire , ton talent irritant nié trop souvent car trop encombrant , le délateur tapageur, le bobo décadent, tout est là.
Du chaos du libéralisme nait la flatterie, trop souvent péjorative, régale toi, celle ci est dénuée de toute bouffonnerie.
En effet , le crash futur de l'état providence qu'est la publicité étant bien loin, puisqu'elle prospère depuis dans une dimension bien plus immorale, ne me donne pas d'autre choix que celui d'abonder dans le sens d'un vieux concepteur /rédacteur repenti comme toi.
Oui, le monde pue et distille les odeurs nauséabondes des milliards encaissés par des firmes fascinées par notre capacité à nous créer des besoins qu'elles ont elles mêmes fabriqués et façonnés.
Oui, on empâte chaque jour des actionnaires qui se gavent de notre docilité et de notre connerie décomplexée.
Oui, nous sommes les crétins d'un système que nous critiquons mais que nous sommes seuls à alimenter.
Oui tu y as participé, mais qui aurait pu dénoncer ce mercantilisme mieux que toi ? Viré illico presto de ta boite de pub pour faute grave ?
J'ai ri, oui, beaucoup, j'ovationne ce pied de nez irrévérencieux qui frôle le grand art, un coup de génie !
J'ai grincé des dents, aussi, beaucoup. Dépitée par ce système que j'engraisse tout en le débectant, laissant libre court au grand art du génie créatif sur le coup.
Est-ce pire d en être consciente ?
"Tu veux être allongé sur une pelouse et pleurer en regardant le ciel. La publicité a fait élire Hitler. La publicité est chargée de faire croire aux citoyens que la situation est normale quand elle ne l'est pas [...]
Dormez, braves gens" Tout le monde est malheureux dans le monde moderne " a prévenu
Charles Péguy".
Désespéré est-ce le mot qui te colle à la peau ? Celui qui te permet de libérer une certaine cruauté, certes caustique et cynique mais qui, au fond, te frappe le premier. Misérable et lamentable, voilà deux mots avec lesquels on pourrait définir notre masochiste national, Octave Parengo ( ton double) , régulièrement defoncé à la cocaïne, avalé par je ne sais quels tourments (qui t'ont toujours mutilé ?)
de la dope à l'alcool puis aux putes par peur de voir la vérité toute nue, c'est un système tout entier que tu détruis avec brio et trash à gogo, le tout livré et comprimé dans 280 pages x 3 ( si on compte ta trilogie).
Et ca fonctionne.
J'adore te haïr lorsque tu évoques toute la démesure du monde, et ce, même lorsque tu écris que tu peux toutes nous acheter pour moins de 5000 ( j'ai d'ailleurs beaucoup pensé à "
Plateforme" de ton compère
Houellebecq) parce qu'au fond la solitude et le manque de tendresse résonnent.
C'est sans aucun doute ce qui rend Octave si attachant ( tu peux le prendre pour toi).
99 francs, c'est ton lance flammes qui ambitionne un changement sans que tu daignes y croire, sans prétendre en avoir les moyens, pour autant, tu as le mérite d'éborgner un petit monde qui nous rend aveugles avec panache, pour preuve, tu m'as embarquée dès les premières pages et ce, jusqu'à la dernière.
C'est aussi ca, un livre réussi, avoir la faculté de faire rire et d'agacer, de déranger, pousser dans les retranchements, secouer, informer, vulgariser, malmener afin d'ouvrir les esprits à la réflexion, le tout parsemé de tous tes sous entendus que je savoure tant. de ce fait tu ne pourras jamais plaire à tout le monde, ni Octave d'ailleurs, mais c'est une force de ne pas travestir tes écrits au nom d'un jugement éthique ou d'une pseudo bien pensance , ce qui demande une sacrée dose de courage, encore plus à ce jour et il semblerait que tu n'aies toujours pas capitulé en 2023.
J'ai d'ailleurs eu la curiosité de lire les critiques sur ce bouquin, plutôt très mitigées dans l'ensemble, certaines sont même assez violentes et dans l'attaque personnelle.
Qu'il doit être bon d'être détesté par des lecteurs qui préfèrent vomir sur ce que tu représentes plutôt que de voir le ver dans l 'Apple... pire, le consomme allègrement , ce qui, factuellement , te donne raison sur le profil d'une société se croyant maitresse de ses émotions, envies et désirs , enivrée par une liberté fictive qui surpasse le pire de tes écrits 20 ans plus tard, d'où l'intérêt de te lire très en retard, il reste plus actuel que jamais. Les nababs ont encore de beaux jours devant eux, et toi, tu fais figure d'une extrême clairvoyance.
Tu jubiles ?
Me too ( clin d'oeil appuyé)
Il me reste donc à lire "
L'homme qui pleure de rire" pour conclure ta trilogie d'Octave Parango.
En attendant, courbette distinguée , sourire en coin, yeux qui pétillent et "applause" c'est tout ce que tu m'inspires.
Respect.
Merci Fred pour ce moment exaltant passé avec cet opus éclatant et criant de vérités (crachées).
Je conclus avec une citation à laquelle j'ai pensé tout au long de ma lecture et qui provient de Las Vegas Paran(g)o :
"Celui qui se transforme en bête se délivre de la douleur d'être un homme."
La bise séditieuse. (c'est gratuit)
PS : t'es conscient que tu ne pourrais plus écrire "mongolienne" aujourd'hui ?