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Critique de Malaura


Après avoir recensé dans « Dernier inventaire avant liquidation », les 50 livres qui arrivaient en tête dans le coeur des lecteurs français, Frédéric Beigbeder a décidé d'établir son propre classement et de nous parler, avec « Premier bilan après l'apocalypse », des 100 livres du 20e siècle que lui-même a préférés. Livres qui l'ont bouleversé, secoué ou ébranlé ; qui l'ont laissé pantois, admiratif ou interloqué ; qui ont modifié sa relation à la littérature, qui l'ont transformé, fait évoluer ou mûrir et même, pour certains, qui lui ont donné le goût des mots et de l'écriture.
Arpentons donc les rayonnages d'une bibliothèque sacrément bien garnie et écoutons l'homme, l'écrivain, nous commenter ses choix avec délectation et une immense soif de partage et d'échange, nous offrant par-là même le désir de faire encore grimper notre PAL d'une quantité non négligeable de livres supplémentaires !
Beigbeder aime la littérature ; il vénère les livres et il a l'art et la manière de nous transmettre, avec une joie et une chaleur proprement communicatives, son engouement, sa fougue et son exaltation.

« Premier bilan après l'apocalypse » n'est pas un livre, c'est un garde-manger, dont les denrées, nullement périssables, donnent l'eau à la bouche tellement est démonstrative l'ardeur de l'auteur à partager sa passion.
C'est un livre-paquet de bonbons ; la main dans le paquet, on pite, on pioche, on se régale, on s'en pourlèche les babines car les chroniques de l'auteur sont aussi savoureuses que de petites friandises. Douces et sucrées, acidulées et piquantes, à grignoter et déguster peu à peu ou bien à dévorer comme un affamé, mais à consommer sans aucune modération !
Des bonbons avec des goûts et des emballages très différents mais tous aussi alléchants ! Peu de classiques pourtant dans le classement de l'auteur, recensés abondamment dans le précédent ouvrage, mais une liste volontairement hétéroclite se déroulant sur tout le 20è siècle.

Un catalogue foisonnant qui va de Paul-Jean Toulet avec ses « Contrerimes » (1921), du « Journal » de Valéry Larbaud (1901-1935) ou de « Paludes » d'André Gide (1895), à des auteurs déjantés comme Régis Jauffret et son « Clémence Picot » (1999), Hunter S. Thompson et « Las Vegas Parano » (1971) et même, en tête de liste, Bret Easton Ellis et son « Américan Psycho » (1991).
Un choix éclectique, bigarré et anticonformiste : Houellebecq y côtoie Cocteau, Fitzgerald y rencontre Bukowski, Modiano fraye avec Kerouac…On y trouve même le « Journal » de Kurt Cobain ou les paroles du groupe Téléphone !
On notera toutefois une inclination pour les auteurs un peu fêlés, à la vie plus ou moins dissolue. Beigbeder adore les dandys arrogants, les loosers magnifiques, les oiseaux de nuit, les mordus de sexe, les paumés mondains et les alcooliques, les égarés qui portent des lunettes noires pour masquer leurs nuits blanches.
Montherlant, Malaparte, Nabe, Pérec, Primo Levi, Philip Roth, Virgine Despentes, Salinger, Harrison…une énumération d'auteurs renommés des plus enthousiasmante mais aussi des écrivains moins connus ou malheureusement oubliés : Christian Kracht, Alain Pacadis, Viktor Pelevine….

Beigbeder possède un talent de chroniqueur incomparable, il a ça dans le sang et cet ouvrage le démontre amplement. Ses chroniques sont enjouées, vivantes, pertinentes, prenantes, équilibrées, pleines d'énergie…chacune d'elle est bourrée d'humour mais chaque livre est pourtant rigoureusement analysé par rapport à l'impact qu'il a causé sur l'auteur – le côté subjectif - et par l'intérêt qu'il peut susciter chez le lecteur - sa part d'objectivité -.
Tout cela généré avec un art de la formule juste, précise, magnifique et un style, un ton, pleins de sel et d'à-propos :
Sur Raymond Radiguet : « Radiguet est une étoile filante : par conséquent quand on le lit il faut faire un voeu » ; sur Kurt Cobain, « Eraillé de l'intérieur, il chantait avec son âme enrouée » ; sur Modiano, « c'est du Proust laconique », sur Proust, « Proust extériorisait sa peine, en la ressassant interminablement et la décortiquant comme une écrevisse ébouillantée»…

Il ressort de tous ces billets un immense respect pour les écrivains et une considération sans borne pour la littérature. « Que cherchons-nous d'autre dans les romans que ces instants d'épiphanie ? »
On n'oubliera pas non plus la superbe préface concernant la menace de « Monsieur le bourreau numérique » que l'auteur voit peser sur les «tigres de papier». L'ouvrage n'est d'ailleurs disponible qu'en version papier et l'auteur nous exhorte à ne pas rester indifférents devant le risque d'extinction qu'encourt l'objet livre. le titre de son écrit prend ainsi toute sa signification.
Espérons cependant, qu'après l'apocalypse, Beigbeder nous propose un second bilan où cette fois ne resteraient…que des femmes…bien peu citées dans la présente liste.
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