Si la pandémie - ou tout autre sujet - vous lamine le moral, passez votre chemin. Attention, livre déprimant. Surtout si vous réunissez les symptômes suivants : rébellion contre le vieillissement, saturation côté couple, insatisfaction généralisée, tendance à un bovarisme aggravé par l'aigreur et la mesquinerie.
Car ce roman, écrit par un homme, (mais qu'a-t-il bien pu vivre ou observer!) met en scène une sorte d'Emma, revisitée par
Hervé Bazin et sa Folcoche, ou bien par la comtesse de Ségur et la MacMiche.
Elle s'appelle Marie (et non, je ne vous dirais pas que c'est l'anagramme d' « aimer », comme dit joliment
Ronsard), et donc on aurait pu s'attendre à de la douceur et à de l'amour. Raté ! Marie est une vieille revêche, mariée à un instituteur falot nommé André, alors qu'elle est fille de commandant aux armées au Moyen-Orient dans les années 30. A eux la belle vie, réceptions et frous-frous, boys et grande maison. Les « coloniaux » comme on disait alors, avaient la belle vie. Enfin, certains.
Et au lieu d'épouser le fils du Général, chef de son papa, elle a choisi l'instit. La bourde ! Petit fonctionnaire à la retraite maigrichonne, qui aurait pu devenir directeur d'école (ça pose un peu, quand même, surtout dans la petite ville de Linteuil), André ajoute à sa médiocrité le fait d'être malade, très mal en point, le cancer lui ronge les poumons mais il ne va pas aller voir le médecin, trop cher. Et que diraient les gens ?
Car on retrouve ici tout ce qui fait la médiocrité de ces petites âmes : la peur du qu'en-dira-t-on, l'économie poussée à l'extrême (elle fait sécher les filtres à café en papier pour les réutiliser!), le désir de « paraître » surtout devant les « gens bien », et surtout, cette frénésie d'argent qui la fait entasser billets et bons du Trésor sous les sacs de charbon. Car chez ces gens-là, Monsieur, on anticipe.
Et l'amour dans tout ça ? Amoureuse au début de son André, il l'insupporte maintenant (le pauvre homme n'ose même pas exprimer sa douleur, alors qu'il souffre comme un damné), elle se laisse émouvoir par un Dr Python (sic!) mais au final on ne conclut pas. Pourtant, ça en aurait jeté, un amant docteur.
Déçue de sa vie médiocre, persuadée que personne ne l'aime (en même temps...), s'attachant comme une dingue à son premier fils, Pierre, souffrant d'une jalousie folle quand elle voit que son mari s'entend bien avec ses enfants, voire même, rit et joue avec eux, notre provinciale déchue n'aime personne, ne prend soin de personne, tout en se faisant passer pour généreuse, dévouée, etc.
Le livre est drôle à force d'être cruel, on n'arrive même plus à s'apitoyer sur les personnages, mari et enfants maltraités, relations et voisins bernés. Si tout de même, le dernier tableau soulève un peu le coeur, de dégoût et de compassion tardive.
Ma conclusion : par ces temps moroses, mieux vaut en rire qu'en pleurer. Mais quand même...