C'est avec grand enthousiasme que je termine "
L'envol du moineau", roman que j'ai contre toute attente adoré !
Il est évident que l'auteure a fait des recherches historiques approfondies pour réussir à créer cette pièce magistrale mais aussi pour décrire comment vivait la population pendant la colonisation britannique des Amériques au 17e siècle. Bien que bon nombre des personnages présents dans le livre aient réellement existé - on le découvre dans la note de l'auteure à la fin - le lecteur sent aussi qu'ils ont été fort probablement grandement romancés pour les besoins de l'histoire, ce qui convient tout-à-fait.
À travers les yeux de
Mary Rowlandson, c'est un roman que j'ai trouvé empreint de violence et de cruauté, autant de la part des Amérindiens que des Anglais, mais la partie lumineuse prend le pas sur tout le reste, surtout grâce à l'âme des Amérindiens, à leur esprit d'ouverture, à leur attachement à la nature, à la vie sauvage, à la famille, au clan. Bien souvent, même vu du passé, les peuples autochtones semblent agir plus humainement, en harmonie, et se respectent mutuellement mieux que nous ne l'avons peut-être jamais fait, encore aujourd'hui. J'ai aimé ce que j'y ai lu et appris. Ce roman m'a beaucoup touchée.
Avant d'être fait prisonnière, moment qui survient assez tôt au début du roman, le lecteur a le temps de comprendre dans quel contexte social et religieux évolue notre personnage féminin. Épouse d'un pasteur fort apprécié (que j'ai trouvé totalement antipathique), celui-ci est tout de même rigide dans ses manières de penser et d'agir, et à cette époque, une femme qui ose dire ce qu'elle pense, surtout si c'est pour contredire l'autorité masculine, est mal vue, mise au ban de la société, sans plus de questions que cela. Mary a toujours vécu en se pliant aux commandements de son mari, en s'adonnant à la prière, en suivant son prochain, en faisant ce qu'il faut; elle ne voit pas comment elle pourrait envisager autre chose, ce sont les us et coutumes et c'est tout ce qu'elle connaît. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir sa propre opinion sur l'esclavage ou sur le colport de ragots...
Or, bien qu'elle soit arrachée violemment à son village, bien qu'elle ait été témoin d'horreurs sans nom les premiers jours, son quotidien change peu à peu, imperceptiblement, malgré elle. Parce qu'elle s'aperçoit qu'être captif chez les autochtones n'est pas du tout comme être captif chez les Anglais; au lieu de faire seule le travail pour tous les autres, elle fait partie du clan, comme un tout. Comme dans une famille, on attend d'elle qu'elle participe aux tâche avec les autres. La ligne est ténue mais elle est là. Il y a une notion d'égalité entre les rangs sociaux chez les Amérindiens qu'elle ignorait jusque là, entre hommes et femmes également. C'est un pouvoir attrayant. Sa captivité se mue lentement en autre chose, une prise de conscience de ce qu'est en fait la liberté. Elle s'aperçoit que le monde dans lequel elle vivait ne lui ressemble pas du tout, que son existence se passe à côté de la plaque, qu'elle était peut-être plus prisonnière avant mais sans le savoir. Elle était un oiseau en cage dans son carcan...
Lentement l'appel du Seigneur s'éloigne tandis que celui de la nature se fait plus fort. À travers les cieux immenses des plaines, Mary apprend à se libérer de liens qui ne se voient pas à l'oeil nu. Elle apprend ce qu'est le véritable amour, la puissance des sentiments; pas le mariage "juste parce que". Toute sa vision du monde prend une couleur nouvelle et c'est un délice d'observer sa transformation au fil du temps. Friction culturelle, iI se passera beaucoup de choses, pas toujours évidentes à comprendre pour nous qui sommes à l'extérieur du cercle...
En réalité, la captivité de la vraie
Mary Rowlandson aura duré onze semaines; le temps passe donc vite même si j'ai parfois eu l'impression de lire un récit qui se déroulait sur quelques années mais peu importe, ce roman se déguste tel un bon vin. Si vous ne l'avez pas encore lu, n'hésitez plus ! Il donne des envies de grands espaces, de bols d'air pur et frais des montagnes et de clairs de lune à vous en éclater la rétine !
CHALLENGE PLUMES FÉMININES