AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782370553331
160 pages
Le Tripode (01/09/2022)
4.09/5   710 notes
Résumé :
Salué par la critique depuis vingt ans mais encore méconnu du grand public, Mathieu Belezi livre avec Attaquer la terre et le soleil un roman magistral, qui incarne la folie et l'enfer de la colonisation de l'Algérie au 19e siècle.
Attaquer la terre et le soleil narre le destin d'une poignée de colons et de soldats pris dans l'enfer oublié de la colonisation algérienne, au dix-neuvième siècle. Et en un bref roman, c'est toute l'expérience d'un écrivain qui su... >Voir plus
Que lire après Attaquer la terre et le soleilVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (136) Voir plus Ajouter une critique
4,09

sur 710 notes
Après avoir déjà écrit une trilogie sur l'Algérie (« C'était notre terre », « Les Vieux Fous » et « Un faux pas dans la vie d'Emma Picard »), l'écrivain Mathieu Belezi remporte le prix littéraire « le Monde » 2022 pour ce roman qui plonge les lecteurs dans les débuts violents de la colonisation française de l'Algérie en 1845.

« Attaquer la terre et le soleil », ce sont deux voix qui s'alternent et qui se font écho au fil d'un récit bouleversant et d'une puissance évocatrice incroyable.

D'une part, Séraphine Jouhaud, une femme colon venue de Marseille avec son mari, leurs trois enfants, sa soeur et son beau-frère. Des familles françaises venues peupler une colonie agricole vendue comme une terre promise par l'État, mais qui n'est finalement qu'un lopin de terre peu fertile, entouré de palissades qui les préservent d'une population hostile.

D'autre part, un soldat anonyme suivant aveuglement les ordres d'un capitaine sanguinaire venu apporter une prétendue « civilisation » aux autochtones, en imposant sa vision de la « pacification » à coups de baïonnettes, massacrant, pillant, violant et brûlant village après village.

Mathieu Belezi raconte la désillusion coloniale en étalant d'une part la cruauté des soldats et de l'autre la peur et la souffrance des colons. La famine, le manque d'hygiène, les ravages du choléra et du paludisme, la chaleur étouffante, les conditions de logement déplorables, les récoltes infructueuses, les animaux sauvages et la crainte de se faire décapiter par les yatagans affûtés de rebelles bien décidés à repousser l'envahisseur. Une bien belle histoire coloniale… dont personne ne ressort vainqueur.

Après avoir lu ce roman qui évoque régulièrement Dieu afin de traduire l'effroi des narrateurs, c'est à mon tour de le citer car, Mon Dieu, quelle claque cette narration ! Mathieu Belezi nous installe en effet au coeur des pensées de ses protagonistes, là où les mots ne sont pas encore dompté par la ponctuation et se retrouvent étalés sans majuscules au rythme effréné de pensées qui se bousculent à vive allure, restituant le chaos et la folie ambiante. Un roman écrit d'un souffle par un auteur qui invite le lecteur à retenir le sien, en l'immergeant dans l'absurdité et la bêtise humaine, et dont il ressort écoeuré, bouleversé, en apnée, au bord du vertige et proche du KO.

Coup de coeur !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
Commenter  J’apprécie          16012
Prix du Livre Inter 2023.

Prix littéraire du journal le Monde.

En me faisant partager la vie des premiers colons poussés par la France à traverser la Méditerranée, en me plongeant au plus près des atrocités commises par l'armée française en Algérie, Mathieu Belezi a réussi une vraie performance littéraire.
C'est pourquoi le Prix littéraire du journal le Monde et le Prix du Livre Inter 2023 qui ont été décernés à Attaquer la terre et le soleil sont une formidable opportunité pour faire connaître et faire lire un livre qui sort des sentiers battus. Si le style de Mathieu Belezi est fluide, la disposition de son texte surprend. Peu de points et de majuscules, des virgules rares, d'autres signes de ponctuation absents et, si c'est surprenant, cela ne m'a pas du tout gêné.
Entre Rude besogne et Bain de sang, me voilà plongé dans la réalité dure, atroce, insoutenable de ce que nos actions de « pacification » ont apporté à l'Algérie, au XIXe siècle. Notre volonté de civiliser, bref de coloniser un pays par la force, par tous les moyens, décidée en haut lieu, comme on dit, ne recule devant aucun sacrifice, aucun massacre. Les colons, pour la plupart braves gens du peuple séduits par la propagande officielle, se retrouvent plongés dans des épreuves, des souffrances difficilement soutenables et la plupart y laissent la vie, emportés par des maladies terribles, ou tués par les autochtones qui n'acceptent pas d'être spoliés de leurs terres.
Séraphine, mariée à Henri et mère de deux garçons et d'une fille, raconte dans Rude besogne. Rosette, sa soeur et son mari, sont du voyage aussi. Cela donne un récit émouvant, sensible, déchirant comme dans cette page où elle détaille son quotidien sans occulter les moindres détails les plus concrets qui font que notre vie est supportable ou non. Quelles douleurs ! Quelles épreuves !
Quand le soldat prend le relais avec Bain de sang, le contraste est énorme. La liste des méfaits causés par l'armée française s'allonge, dans des conditions extrêmes certes, mais avec la baïonnette qui transperce tous les êtres vivants qui se présentent, hommes de préférence, les femmes ayant droit au traitement que l'on imagine avant de passer de vie à trépas…
Mathieu Belezi est encore original lorsqu'il glisse, en italiques, un paragraphe de commentaires qui se voudraient objectifs, ce qui irrite beaucoup notre soldat qui s'écrie : « suffit ! suffit ! » avant d'obéir aveuglément aux ordres de son capitaine, véritable fou furieux qui se distingue par sa fougue et sa volonté d'occire le maximum de ceux qu'il appelle des « guenillards ».
Quand Séraphine répète régulièrement « sainte, sainte mère de Dieu » et se pose de plus en plus de questions sur sa foi aveugle, le soldat répète, à chaque intervention sanguinaire : « on n'est pas des anges »…
Attaquer la terre et le soleil est un livre absolument nécessaire qui permet d'éclairer de manière très concrète les ravages causés par la colonisation, ravages qui se poursuivent indéfiniment. Ici, tout se fait sous l'autorité du général Mac-Mahon, gouverneur général d'Algérie (1864-1870) avant d'être Président de la République en 1873 pour six ans. Cet éminent personnage qui pousse au maximum la colonisation de l'Algérie, rend même une visite aux colons qui tentent de survivre dans leur village fortifié, sans même descendre de son cheval de parade…
Pendant que les uns sont décimés par de terribles maladies, choléra, fièvre jaune, terribles diarrhées… les autres s'acharnent à exterminer les gens du pays refusant de se soumettre, à détruire, à violer, à piller sans état d'âme. Je n'avais jamais lu un livre aussi juste, aussi original.
Attaquer la terre et le soleil est une petite merveille de littérature !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1306
Avec son mari, ses trois enfants et sa soeur, Séraphine débarque en Algérie au tout début de la colonisation du pays par la France, dans les années 1830-1840. Au terme de leur pénible voyage, les colons ne trouvent que les cailloux d'une terre ingrate qu'il va leur falloir tenter d'exploiter dans des conditions effroyables : la boue et le froid l'hiver, la canicule l'été ; la saleté et les épidémies de choléra qui les déciment dans leurs misérables baraquements de planches ; le manque de tout et la peur qui les étreint, entre attaques arabes, pillards, vipères à cornes et lions du désert… Pendant qu'ils s'échinent et tombent comme des mouches, un escadron de soldats français s'emploie à « pacifier » les territoires conquis, sans autre stratégie que de razzier, violer et massacrer.


Raconté dans des mots d'autant plus frappants qu'ils décrivent l'horreur à hauteur de gens simples, au fil de leur narration humble, morne et résignée de ce qui fait leur banalité quotidienne – un enfer d'une violence inouïe dont ils sont absurdement devenus les acteurs, misérables pions sacrifiés dans une partie motivée par de bien plus gros intérêts que les leurs –, le texte est d'une intensité rare, en tout point saisissante. Alors que, dans sa sidération impuissante, Séraphine n'a plus la force que de ponctuer son récit d'une litanie de « sainte et sainte mère de Dieu » et que, du côté des soldats, l'on s'efforce, avec des termes de soudards, de se redonner du coeur au ventre à coups, faute d'autres motifs, d'exonérants « nous ne sommes pas des anges », c'est une bien peu glorieuse épopée que l'on fait mener par ces pauvres hères, abandonnés à leur misère et à leur peur, à leur lâcheté et à leur cruauté, pour implanter sur ces terres d'Algérie une présence française qui se veut irréversible.


Sans majuscules ni points, la narration s'écoule comme le fleuve du temps et de l'Histoire. le processus infernal dans lequel les protagonistes se retrouvent pris s'est enclenché bien avant le début de leur récit et se poursuivra bien au-delà de leur bref passage dans l'histoire de cette terre. Ils ne sont que de modestes rouages, mais à travers eux et leur parcours aussi pathétique que sanguinaire, s'enracine un mal profond, une colonisation construite sur la pourriture du sang et de la violence, qui, démentant toute prétention dite « civilisatrice », n'annonce qu'un désastre sans fond.


Peinture ultra-réaliste de l'horreur, c'est avec une efficacité sans pareille que, sur un ton d'autant plus implacable qu'égal et factuel, ce roman dénonce les viles réalités de la colonisation. L'on en ressort saisi par cette abjection, on ne peut plus clairement débarrassée des fards dont l'Histoire tend habituellement à l'enjoliver. Jamais je n'avais été aussi tentée d'associer un livre au célèbre Cri de Münch.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          10412
Attaquer la terre et le soleil est un roman sur la colonisation de l'Algérie au XIXe siècle.
Deux voix racontent. L'une donne le point de vue des colons et l'autre, celle des soldats.
La première c'est celle de Séraphine venue avec sa famille, son mari, ses trois enfants et sa soeur.
Ils ont dû depuis Paris suivre les voies d'eau, sur des bateaux plats, pour arriver jusqu'à Marseille où ils étaient pas moins de cinq cents à embarquer à bord de la frégate le Labrador, et supporter des jours et des nuits de traversée avant de poser les deux pieds sur cette terre d'Algérie.
Elle raconte alors la vie de misère qui est la leur, loin de ce qui leur avait été promis…
Les conditions qu'ils vont rencontrer à leur arrivée seront déplorables. Ils vont devoir supporter des mois de mauvais temps, vent, pluie, sous des tentes militaires avant que soient construites des cabanes. Une chaleur extrême va alors s'installer et bientôt l'arrivée du choléra qui va décimer une partie de sa famille et de la colonie. À cela s'ajouteront le travail du sol particulièrement rude, les attaques des lions sur leurs vaches et moutons, les pillages des récoltes par les Arabes et le massacre de ceux qui n'étaient pas assez prudents…
Les chapitres qui lui sont consacrés ont pour titre Rude besogne ce qui n'est pas un vain mot…
L'autre voix est celle d'un escadron de soldats pillards qui, sous le prétexte d'apporter les lumières de la civilisation se laissent aller à leurs plus bas instincts, pillant, violant, massacrant brûlant les villages, abattant le bétail, les arbres fruitiers. À leur tête, un capitaine tout ce qu'il y a de plus grotesque s'il n'était pas ce fou sanguinaire !
Les chapitres qui relatent cette violence inouïe de la part des soldats français, Mathieu Belezi les nomment Bain de sang, voilà encore une dénomination bien adaptée au contenu.
Attaquer la terre et le soleil, en l'occurrence, celle de l'Algérie, de Mathieu Belezi est un roman que j'ai lu d'une traite et en apnée.
L'auteur y décrit à travers ces deux voix très différentes par le style et se complétant parfaitement, le destin d'une poignée de colons et de soldats pris dans l'enfer oublié de la colonisation algérienne au dix-neuvième siècle.
Que ce soit, le froid, la pluie, la chaleur, la maladie ou la souffrance Mathieu Belezi sait nous les faire sentir et ressentir au plus profond de nous-même tout comme il sait nous plonger dans cette horreur et cette folie de massacres et nous en écoeurer jusqu'à la nausée.
Toute la folie et l'enfer que fut cette colonisation sont évoqués dans ce superbe bouquin avec puissance et réalisme.
Une écriture avec peu de points, des retours à la ligne fréquents et sans majuscules, tels des vers libres, apportent force, vie et réalisme au récit.
Lauréat du prix du journal le Monde en 2022 et Prix du Livre Inter 2023, Attaquer la terre et le soleil de Mathieu Belezi s'attache à démontrer la folie des hommes et l'absurdité de la colonisation, rappelant que l'horreur en Algérie n'a pas commencé avec la guerre d'indépendance comme on pourrait le croire parfois.
Un véritable coup de coeur !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          962
« Une civilisation proliférante et surexcitée trouble à jamais le silence des mers. »
Claude Lévi-Strauss

Mon chemin de lectrice n'aurait sans doute jamais croisé celui de Mathieu Belezi sans plusieurs billets d'ami.es babeliotes qui ont retenu mon attention. Je ne peux que les remercier pour cette lecture percutante qui m'a emportée dans l'enfer de la colonisation française de l'Algérie au 19ème siècle.
Je ne savais absolument rien de cette partie de l'Histoire, la lecture sert aussi à cela : apprendre, comprendre.

De format très court, ce n'est pourtant pas un roman qui amène une respiration entre deux gros livres. En effet, l'auteur réussit à déclencher dès les toutes premières pages de très fortes émotions. Je dirais même que le récit m'a empoignée, bouleversée.
Je n'ai pas pu lire ce roman d'une seule traite malgré la petite centaine de pages, tellement il m'a touchée et retournée.

*
Ce roman choral donne la parole d'une part, à Séraphine Jouhaud, une française venue en Algérie avec sa famille et d'autres colons pour fonder une colonie agricole ; et d'autre part, un soldat dont nous ne connaîtrons jamais le nom, qui, appartient à un groupe de militaires chargé de pacifier la région et apporter la « civilisation » à ces « peuples barbares ».

« Je les connais vos guenillards, vos hyènes aux chicots sanguinaires qui égorgent mes pauvres soldats venus de France tout exprès pour le pacifier votre foutu pays, pour le nettoyer de sa vermine, nom d'un bordel ! et c'est comme ça que vous nous remerciez ! »

J'ai trouvé ces deux récits très différents.
Séraphine retrace son épuisant parcours depuis la France, laquelle leur a offert des terres algériennes pour s'installer et démarrer une nouvelle vie pleine de promesses. J'ai ressenti ses espoirs d'une vie meilleure, très vite remplacée par la fatigue du voyage, l'inquiétude face à la tache colossale de cultiver des sols ingrats, l'appréhension devant les nombreux dangers, réels et potentiels, auxquels elle et les siens vont devoir faire face.
Car le paradis qu'on leur a promis va très vite se transformer en enfer. Une image me vient à l'esprit, celle du tableau de Théodore Géricault, « le radeau de la méduse » : les colons deviennent des naufragés ballotés sur les terres hostiles d'Algérie, endurant un climat particulièrement rude, attentifs aux bêtes sauvages, craignant les maladies et les attaques de la population locale.
Je me suis sentie proche de Séraphine, j'ai eu de l'empathie, détectant très vite les fêlures qui se dessinaient dans son coeur, repérant les éclats de joie et de certitude qui s'écaillaient et sautaient jusqu'à laisser sourdre une plaie béante, une tristesse indicible.

« Et puis, parce que tout doit être oublié ou pardonné dans cette vie, nous avons fini par enfouir bien au fond de nos entrailles nos peines les plus vives, celles qui jamais ne s'éteignent, et poussés par cet inexplicable instinct de survie nous avons recommencé à nous battre contre le soleil, contre la terre revêche, contre ces Arabes jour et nuit à l'affût et qui n'attendaient que le moment propice pour nous sauter dessus et nous écharper »

Le récit du soldat est tout autre.
C'est un récit d'une extrême brutalité et qui met vraiment mal à l'aise face à la barbarie de ces soldats français qui arrivent en conquérants, en despotes, sûrs de leur bon droit et de l'approbation du gouvernement français, tuant, violant, détruisant tout sur leur passage.
Le soldat répète inlassablement « Nous ne sommes pas des anges ». Et c'est rien de le dire !
Mais l'inhumanité appelle l'inhumanité.
La souffrance appelle la souffrance.
Le sang appelle le sang.
La mort appelle la mort.

« oui, nous sommes sûrs que vous êtes fier de nous, capitaine
et quand nous passons à travers les portes défoncées pour retrouver l'air libre et le soleil, quand le silence retombe sur nos épaules qui fument, quand notre coeur s'ébroue dans nos poitrines noyées de sang ennemi, c'est alors que l'envie nous vient de sortir les pipes, de les bourrer jusqu'à la gueule, d'envoyer dans nos poumons une charge de tabac à nous faire péter la cervelle, ça vaut tout l'or de ce foutu monde ces moments-là, et ceux qui ne fument pas s'en vont tranquillement égorger les ânes et ce qui leur passe sous la main, une brebis, des poules, un chien boiteux qui n'a pas le temps de s'échapper »

Donc deux voix, deux points de vue.
Et face à leur regard sur leur monde, leur temps et leurs actes, notre regard de lecteur deux siècles plus tard. Avec le recul de l'histoire et du temps qui passe, on peut s'interroger sur l'ignorance, la naïveté ou l'inconscience des uns, et les actes ignobles et honteux des autres.

Comment des familles françaises peuvent-elles s'installer en toute quiétude sur des terres qui ne leur appartiennent pas et penser pouvoir vivre en paix du fruit de leur travail ?
Comment comprendre l'attitude des soldats et cette vision de la pacification par la violence et l'oppression ?

La conquête de l'Algérie a été d'une intense brutalité, entre massacres de la population, viols, destructions de récoltes, spoliations des terres, pillages des villages. En prêchant l'agression et l'occupation forcée au nom de la civilisation des peuples autochtones, il n'est pas étonnant que cette violence extrême ait semé les graines de la rancoeur, de la haine et de la révolte.

*
L'écriture de Mathieu Belezi est très belle, lyrique et tendue, poétique et crue, emplie d'amour et de haine, de sauvagerie et de colère, de survie et de mort. Elle est incisive, amère, vive et tranchante, disséquant sans faux-fuyant les émotions des personnages, excisant avec une profondeur poignante et affligeante, l'indicible, l'indescriptible.

Mathieu Belezi trouve les mots qui racontent ces destins pris dans l'engrenage de l'Histoire et de ses intempéries.
Les mots martèlent, ils sont comme des coups de marteau, des coups de poing, des coups de scalpel, des coups dans le coeur. Et les mots font mouche. Imagés, d'une justesse incroyable, ils ont laissé des scènes éprouvantes dans mon esprit.
A travers la cruauté et les larmes, j'ai ressenti la colère, la rage, « le bruit et la fureur », la douleur, la peur, le désespoir. Et malgré la chaleur éblouissante et écrasante de ce soleil algérien, je n'ai vu que la noirceur de la terre que l'on saccage et qui finit par accueillir dans ses profondeurs les restes de cette lutte à mort.

« Ça veut dire que nous serons sans pitié, nom d'un bordel ! ça veut dire que nous n'hésiterons pas à embrocher les révoltés un à un, à brûler leurs maisons, à saccager leurs récoltes, tout ça au nom du droit, de notre bon droit de colonisateurs venus pacifier des terres trop longtemps abandonnées à la barbarie, comprenez-vous bien, soldats, ce que cela signifie ? »

Et puis, l'auteur égratigne la ponctuation, enlevant les points, les majuscules. Cela donne l'impression d'un long monologue.

*
Pour conclure, ce roman est excessivement réaliste, dur, souvent éprouvant pour décrire la barbarie de la colonisation française en l'Algérie et il n'épargne personne, ni les colons, ni les colonisés.
Le style allégé de la ponctuation classique, sous forme de flux de conscience, est très original et marque le récit par l'atmosphère accablante qu'il suscite.
Un petit roman à lire pour découvrir l'envers de la colonisation.
Commenter  J’apprécie          5840


critiques presse (6)
Liberation
06 juin 2023
Attaquer la terre et le soleil (le Tripode) est un texte court dont chaque mot semble avoir été pesé au trébuchet. Dès les premières pages on est envoûté par l’écriture sèche et poétique de Mathieu Belezi, écrivain français établi en Italie où Libé l’avait rencontré fin mars, qui raconte le quotidien de Séraphine, femme colon arrivée dans les années 1840 en Algérie avec son mari, ses enfants, sa sœur et son beau-frère.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeSoir
21 novembre 2022
Civils et militaires vivent leurs difficultés en alternance dans Attaquer la terre et le soleil.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LaCroix
19 septembre 2022
Mathieu Belezi publie un texte acide et fulgurant sur ce passé qui hante son oeuvre, les débuts de la colonisation.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeMonde
08 septembre 2022
L’écrivain prolonge dans ce roman magnétique, d’une puissance rythmique impressionnante, une série consacrée à la colonisation de l’Algérie, commencée avec C’était notre terre.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
30 août 2022
Mathieu Belezi fait entendre la voix d’un colon et celle d’un soldat dans l’Algérie des années 1840. Un grand roman de l’effroi et de la folie humaine.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
25 août 2022
Dans un roman de l’absurde et de l’effroi, l’écrivain évoque la conquête de l’Algérie à travers les voix d’une femme colon sans espoir et d’un soldat cynique. Bouleversant.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (87) Voir plus Ajouter une citation
- Nom d’un bordel, votre têtue caboche de moricauds finira-t-elle par comprendre ?
Et sa voix d’ogre résonne dans le silence comme une voix venue du ciel
- La France a pour mission divine de pacifier vos terres de barbarie, d’offrir à vos cervelles incultes les ors d’une culture millénaire ! Que ça vous plaise ou non !
Et ceux qui refusent notre main tendue seront renversés, écrasés, hachés menu par le fer de nos sabots et de nos baïonnettes !
Roule et tempête comme une charge de cavaliers, mais pas un de ces chiens ne se montre pour lui offrir sa soumission, il a beau attendre dans ses bottes de sept lieues et sa gandoura de pacha, ce qu’il attend n’arrivera jamais, nous qui avons usé nos grolles sur toutes les routes de ce foutoir à moricauds, on en est certains
on se regarde en tétant le tuyau de nos pipes, et on se dit qu’il ne faudrait pas qu’un de ces jours il tourne fou, notre capitaine, non, il ne faudrait pas, parce que si ça lui prenait de tourner fou au milieu de ces déserts de sable et de rocaille, qu’est-ce qu’on deviendrait nous autres ?
Commenter  J’apprécie          280
Suffit ! Suffit ! Quel miracle devrait donc venir du ciel ! les miracles c’est nous soldats qui nous en occupons, c’est nous soldats qui débarrassons cette terre d’Algérie de ses fanatiques, qui créons des villes, des routes, asséchons vos marais de malheur, inventons le sulfate de quinine, plantons des milliers d’arbres pour sucer les miasmes de vos terres maudites, alors ne venez pas nous reprocher de forcer la porte de quelques maisons pour réchauffer nos os qui ont froid et sont fatigués, ne venez pas nous reprocher d’égorger quatre ou cinq moutons pour donner à manger à nos ventres qui ont faim, laissez-nous au contraire nous vautrer sur la paille sèche, nous rouler tranquille dans la laine des tapis, nous remplir les poumons de ce tabac turc qu’on trouve à tous les étals des boutiquiers d’Alger
- Si nos jours sont de plus en plus sombres et sanglants, qu’au moins nos nuits se dépoitraillent et s’ouvrent à tous les débordements de nos corps ragaillardis !
Crient les uns
- Oui, que nos nuits pétaradent !
Répondent les autres
- Qu’elles débordent de foutre et de cris étouffés !
Répondent et s’excitent quelques-uns.
Commenter  J’apprécie          321
Et sans qu’il nous soit demandé notre avis, sans que nous puissions émettre une quelconque protestation, nous autres colons qui n’avions rien fait de mal avons été plongés dans les flammes d’un enfer à peine imaginable
enfer qu’avec ma naïveté de femme je croyais limité aux dessous de la terre, là où règnent le diable et ses démons aux fourches assassines, et que j’ai vu de mes propres yeux sortir de ses obscurités malfaisantes pour envahir la terre et y semer la terreur, triompher de notre communauté de colons en fauchant à grands coups de faux hommes, femmes et enfants dans leurs cabanes de planches, et cela en toute impunité, je dis bien en toute impunité puisque le ciel et ses représentants divins jamais ne sont intervenus
sainte et sainte mère de Dieu, pourquoi nous avez-vous abandonnés ?
Jamais ne se sont portés à notre secours pour éteindre ces flammes qui nous dévoraient
dites-moi au moins pourquoi
jamais n’ont fait un geste pour retenir la lame de cette faux qui nous coupait le souffle
oui, dites-moi au moins pourquoi.
Commenter  J’apprécie          343
- Le gouvernement de la France, conscient des luttes quotidiennes que vous devez mener, s’occupe et de votre santé, et de votre sécurité, soyez-en sûrs !
S’occupait-on vraiment de nous dans les bureaux des palais d’Alger et dans les ministères parisiens ? Nous n’en étions pas si sûrs, nous tous colons d’Algérie, et c’est sans doute pour cela qu’un beau jour on a vu arriver le gouvernement de l’Algérie en personne, et le général Mac-Mahon, et le général Canrobert, en grandes tenues militaires sur leurs beaux chevaux piaffant d’impatience, ils nous ont félicités, flattés, encouragés, du haut de leurs montures sur lesquelles ils se tenaient comme des pachas ils voyaient loin, ils voyaient grand, prêts à verser sans compter le sang de leurs soldats pour que nous puissions récolter fortune et bonheur.
Commenter  J’apprécie          361
Soyez sûrs, braves gens ici rassemblés, que le gouvernement de la République veillera sur vous comme un père veille sur ses enfants. Le jour comme la nuit, en toutes occasions il sera là pour vous donner un coup de main. Quoi qu'il arrive ne désespérez jamais du gouvernement de la République. Il a les yeux grands ouverts, l'oreille aux aguets de la moindre de vos plaintes, et il fera tout ce qui est en son pouvoir – absolument tout ! – pour que la rude besogne de chacun soit récompensée à son juste prix. Parce que vous êtes la force, l'intelligence, le sang neuf et bouillonnant dont la France a besoin sur ces terres de barbarie. Et que cette force, cette intelligence et ce sang neuf sont infiniment précieux.
Commenter  J’apprécie          396

Videos de Mathieu Belezi (15) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mathieu Belezi
Payot - Marque Page - Mathieu Belezi - le Petit Roi
autres livres classés : algérieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (1514) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3009 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..