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Critique de tynn


tynn
20 février 2015
"Tu te souviens, Léon?"

Une mère, harassée, veillant dans l'ombre son dernier fils, retrace en monologue et incantations de malheurs répétés, les épouvantables années de l'installation familiale comme colons agricoles sur terre algérienne.

Les colons de la première heure: forts de leur bon droit de propriétaires de terres françaises, ils font face hargneusement, armés de courage à revendre, de volonté de se battre et de résister à la chaleur infernale des étés, à la sécheresse, au froid glacial des hivers neigeux et venteux, à la vitrification de leur champs par les sauterelles, au déluge, aux tremblements de terre et aux maladies.

Mais le combat semblait perdu d'avance pour la jeune veuve Emma Picard, et ses quatre fils, venus d'Alsace, confiants dans le discours du gouvernement français du second Empire qui leur offre 20 hectares de terres dans un pays de cocagne.

"Seigneur Dieu qu'avions nous fait nous autres pour être punis de la sorte?"
Un Dieu enragé pour une femme pétrie de culpabilité.

Avec le lyrisme d'une tragédie antique, Mathieu Belezi clôt ici sa trilogie sur l'Algérie Française et fait revivre les débuts de la colonisation, dans les destins bien différents des grands propriétaires terriens venus exploiter le pays. Une vie de chien et de misère assez proche de celle des autochtones, une vie de malheurs due à l'entêtement, à la persévérance destructrice et à l'attachement viscéral à la terre. Une tragédie humaine dans une période où le pays subit famine et catastrophes naturelles majeures.

La narration ne lâche pas un instant le lecteur, oppressante, sans chapitre et paragraphe, partagée entre les souvenirs de femme vieillie avant l'âge, qui ressasse à la frontière de la folie, et le récit vibrant et dramatique du quotidien de la ferme dans les collines.

Dans la nuit africaine, tout est dit... le fils n'a pas prononcé un mot et la femme s'est tue.

Sombre et magnifique!
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