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EAN : 9782246783923
432 pages
Grasset (01/04/2011)
2.75/5   4 notes
Résumé :
"Mehdi Belhaj Kacem a été proche d'Alain Badiou. Il est de ceux qui connaissent le mieux, et de l'intérieur, la mécanique et les ruses de son œuvre. Badiou l'a même tenu pour l'un de ses disciples les plus prometteurs. Et voilà que le disciple en est venu, par un cheminement dont il rend compte, ici, avec probité, à considérer que l'œuvre du maître contenait d'impardonnables impostures.
Après Badiou est un livre joyeux et cruel. Plein d'humour et de savoir. C... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Les raisons qui m'ont poussée à lire cet ouvrage me sont devenues obscures, deux ans après. D'ailleurs, il est probable qu'il n'y en ait jamais eu.


Après avoir été longtemps un disciple forcené de Badiou, Mehdi se désolidarise du maître comme on retire d'un coup sec le pansement collé sur une plaie encore vive. C'est la révolte de s'être laissé subjuguer par une outre vide qui, pourtant, et à condition d'appuyer sur les bonnes touches, produisait une agréable mélodie.


S'il est certes légitime de s'éloigner des maîtres qui furent, à une époque, nos plus grands inspirateurs, la charge de la véhémence que le disciple lui adresse nous laisse penser que la rupture n'est pas aussi nette qu'elle prétend l'être. Par ailleurs, comme l'avait bien compris Oscar Wilde, « les tragédies des autres contiennent toujours des éléments de médiocrité infinie. » La compassion devient alors nécessaire pour se glisser dans la peau de la tragédie d'un autre, mais j'en possède bien peu.


Il m'aurait semblé raisonnable de critiquer Badiou pour son nihilisme, c'est-à-dire pour sa croyance absolue en des valeurs purement immanentes. Mais sa crédulité de vieille bique politico-mystique ne semble pas rendre Mehdi d'humeur chafouine et bien plutôt, il renchérit, approfondissant le nihilisme dans la plus totale ivresse :


« Pour ne pas tourner trois paragraphes autour du pot de chambre : ma conception de l'événement se démarque entièrement de celle de Badiou, bien plus encore que de celles de Heidegger et Deleuze. »


Ainsi donc, l'objet de la discorde serait-il si futile ? Facebook nous renseigne pourtant parfaitement sur la définition de l'événement : il s'agit d'un regroupement de personnes à une date et à un lieu donnés, autour d'une thématique définie à l'avance. Depuis le mois de mars 2020, tous les événements physiques sont devenus bannis. Aussi les consommateurs se réunissent-ils par l'intermédiaire de logiciels de visioconférences et se regardent mutuellement regarder leurs ordinateurs.


Mehdi reproche en outre à Badiou de n'avoir pas suffisamment tenu compte de la question du Mal avec une majuscule. Mehdi étend ce drame à l'ensemble de la philosophie qu'il rend ainsi plus ou moins responsable des péripéties tragiques du siècle passé.


« La philosophie n'ayant pas relevé la lettre du Mal immanent ; elle a joué, comme à sa déplorable habitude, à l'autruche, ou bien au Matamore anabolisé : au « surhomme » et à « l'inhumain ». »


Nous pressentons déjà que Mehdi est attiré par le Mal bien plus qu'il ne le serait souhaitable pour en devenir un adversaire triomphant. La question du Mal ne fascine-t-elle pas les individus qui s'en sentent le plus d'affinités ? Elle permet en tout cas à Mehdi de se différencier dans ce vaste champ de la branlette que l'on nomme philosophie :


« […] analyser la dialectique générale d'engendrement du Mal, édifier son Système. Voilà pour mon compte la seule définition que je sache d'une modernité philosophique digne de ce nom. »


Mehdi crache enfin le morceau : il est progressiste. Badiou ne l'était-il pas déjà ? Peut-être ne l'était-il pas suffisamment. En « jeune » philosophe de la modernité, Mehdi affirme qu'il ne conçoit pas la sexualité ni la lutte politique de la même façon que le vieux schnock qui lui a servi de gourou pendant des années. le privé et le public sont considérés comme des objets politiques d'égale valeur : dis-moi comment tu baises, je te dirais comment tu « luttes ». Dans le champ de la transparence, des ébats politiquement corrects garantissent la légitimité du droit positif – et le politiquement correct n'est autre que le progressisme. Ainsi Mehdi, par lui-même défini comme un philosophe rebelle, nous présente la tarte à la crème de la libération sexuelle avec ses jouets en plastique et ses déguisements en latex. Heureusement, nous pourrons ensuite lire Philippe Muray pour nous laver l'esprit.


« […] je tiens, et d'évidence, le SM pour une des singularités historiques les plus passionnantes philosophiquement de notre temps, exactement au même titre que l'amour courtois au Moyen Age. »


Décidément bien gourmand, Mehdi se tape ensuite la tarte à la crème de l'éloge de l'art – l'art pour tous, de la maternelle à l'EHPAD, en ingurgitation forcée du café à la verveine. Mehdi est un bon petit zozo de notre époque.


Que vous dire de plus, si ce petit exposé de connerie pour les nuls n'a déjà pas suffi à vous convaincre de passer votre chemin ? Non seulement Mehdi n'attaque pas Badiou pour les bonnes raisons, mais en plus il en rajoute, se précipitant encore plus profondément dans le nihilisme. Si Mehdi rejette Badiou comme une greffe gangrénée, ce n'est que pour nous présenter, dans l'orgueil le plus entier, « son » petit système, qui ne lui semble exceptionnel que parce qu'il est sien, et qui nous semblera, à nous qui ne connaissons pas suffisamment Mehdi pour l'aimer au-delà de ses prétentions intellectuelles, nul.


« […] j'ai senti dès l'achèvement de L'esprit du nihilisme en 2007 que ce que je n'osais encore nommer à haute voix « mon » système n'avait plus grand-chose à voir avec celui de Badiou. Entendons : rien. »


Mais d'ailleurs, quel est-il ce système ? Souhaitez-vous le connaître dès à présent pour ne pas devoir lire cet ouvrage ? Je vous livre donc en exclusivité les quelques lignes qui le définissent :


« La transgression précède la législation et pas le contraire. le Mal nécessite l'idée réparatrice du Bien et pas le contraire : le Mal n'est pas l'ombre ontologique imparfaite d'un Bien archétypique, mais le Bien éthique qui n'arrive qu'après le Mal a été fait dans le dos de la Science. le bien se déduit de la connaissance décillée du Mal et pas le contraire. »


Plongez donc hardiment dans le mal, chers amis, puisque plus personne ne comprend le bien. Plongez donc bravement vos mains dans le purin philosophique de Mehdi s'il vous prend des envies de rénover l'irrénovable. Badiou, Mehdi, même combat, le match est nul.

Lien : https://colimasson.blogspot...
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Voici une critique très élogieuse que j'ai faite de ce pamphlet dévastateur écrit par MBK contre Alain Badiou :
Lien : http://www.critiqueslibres.c..
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
De Rousseau à Lacan, le penseur extra-professoral qui engendre les plus grands professeurs de son temps, par on ne sait quelle immaculée conception, n'est rien de moins qu'un pédagogue sauvage. Au cours peu ou prou rodé d'avance (académique), il substitue une sorte de happening : Rousseau distribuant ses plaidoyers en pleine rue, Kierkegaard faisant de sa vie la première installation "realitysite" de l'Histoire, Nietzsche prenant sur soi la démence anthropologique que la philosophie professionnelle grime en "Sagesse"et en "rationalité". Quand Nietzsche proclame que "tous les noms de l'Histoire, c'est moi", justifiant le diagnostic de démence pour le sens commun, il ne dit pourtant rien d'autre que ce qu'à professé Hegel trois quart de siècle avant lui, et à la lettre. Le génie de Lacan aura consisté, en plus de l'ampleur 'Pavarotti" de son coffre proprement spéculatif, à proposer un type d'enseignement inouï, idiosyncratique, ne devant rien aux méthodes éprouvées auparavant en particulier aux méthodes universitaires académisées.
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Il y' a chez Heidegger une totale forclusion de la science, des arts autres que le seul poème (rien sur la musique, presque rien sur la peinture), et des autres procédures génériques (rien sur l'amour, et quant au politique...). Le criticisme allemand, fort de son génie philosophique, a glissé avec Nietzsche et Heidegger dans la posture prophétique jetant ses décrets sur tout, et manquant de curiosité minimale pour les pensées autre que la philosophie
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Quand untel reproche à Deleuze de "mal écrire", c'est qu'il ne comprend rien au concept: l'écriture de Deleuze est toute entière au service du mouvement conceptuel, le plus ample - au niveau, disons, des harmoniques -, de toutes les créations philosophiques importantes du vingtième siècle. Ceux qui lui reprochent de mal écrire sont ceux qui ne savent tout simplement pas lire la philosophie, et donc n'y comprennent rien, en général.
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Depuis deux siècles l'art est donc: présentation positive du Mal. Cette fonction de l'art était évidemment déjà latente dans la Tragédie attique, ou dans l'art chrétien (narration, chant ou figuration du Calvaire).Mais la spécificité de l'art moderne, qui ne commence pas par hasard avec la Terreur révolutionnaire, est qu'il a épuré la katharsis artistique jusqu'à sa limite extrême - qui veut elle-même dire épuration mimétique, et non "purgation" pharmacologique:épuration d'épuration. Qu'il se soit épuré jusqu'à sa propre extrême limite endogène veut aussi bien dire: de Sade à Pasolini et Guyotat en passant par Lautréamont, Bataille et d'innombrables autres,l'art se sera confondu avec l’expérimentation en tous sens de la Transgression. Jusqu'à la date qui est la nôtre,où les possibilités transgressives de l'art,épuisées, ne se survivent que sous la forme du parodique généralisé, tournure affine avec la "culture"du nihilisme démocratique, qui est un culte incessant du "second degré", de l’autodérision, d'un interminable rire jaune-gras du lamentable et du nul. Appelons ça: la Métaphysique de Groland.
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L'humanité s'émerveille déjà de l'horreur dans toutes les formes d'art qui existent aujourd'hui, du cinéma à la performance, de la musique "savante" depuis Schönberg (Erwartung) à la musique de mass (rock, rap, death-metal,etc.). Elle s'en émerveille donc artistiquement. Elle ne s'en émerveille pas philosophiquement, puisque quand le philosophe en personne vient à s'en émerveiller du Mal, c'est comme tout le monde: par l'entremise d l'art. En tant que philosophe, il n'a pas droit de s'en "émerveiller". C'est-à-dire de s'en émerveiller philosophiquement. C'est-à-dire encore: lui créer un concept adéquat.
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