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Fable politique pour adulte, "Le continent de la douceur" nous narre l'histoire du Karst, petite principauté imaginaire et oubliée des Balkans dont toute ressemblance avec d'autres principautés n'est sans doute pas tout à fait fortuite. Il commence avec un premier chapitre très drôle et une impressionnante galerie de personnages fictifs qui font de l'accrobranche et dans laquelle débarquent Jean-Claude Juncker, Manuel Barroso ou Dominique Strauss-Kahn ! Puis on fait la connaissance de Flavio et d'Olivier, deux enfants, amis ou ennemis, qu'on verra grandir au cours du récit. On découvre aussi le couple Ida-Jan, Ida, la richissime banquière à la folle histoire romanesque et Jan, le golden boy de Wall Street, beau gosse pas très futé qui arrêtera de collectionner les femmes pour les timbres ! On suit également le personnage de QPS, intellectuel à la croyance toujours renouvelé dans le libéralisme et avatar de BHL sans en être une caricature, opposé à Griff, un écrivain nationaliste qui devient fou et fasciste. Cela donne une collection de personnages pittoresques, drôles ou risibles fonctionnant par couple et ayant tous un lien avec le Karst. La suite du récit m'a un peu inquiété par moment avec des plongées dans les mathématiques ou l'histoire européenne et une érudition très marquée. J'ai redouté de ne pas accrocher ou de me perdre dans les digressions historiques, sociales ou économiques très documentées sans toujours bien comprendre où l'auteur voulait en venir. Mais le baroque de la trame romanesque, qui m'a fait penser à des albums de Tintin, permet de s'en sortir. Riche et dense, le récit, qu'il me faudra sans doute relire, foisonne de références, de symboles, d'objets cachés et d'énigmes qu'on s'amuse à décrypter. Aurélien Bellanger réussit le tour de force de complexifier l'histoire européenne déjà bien compliquée en y ajoutant celle d'une principauté imaginaire. Et ce mélange entre ce qui est connu, historique ou réel et ce qui est fictif, imaginaire ou inventé, fonctionne magistralement, sans suture visible. Car l'auteur maitrise parfaitement la langue, le vocabulaire, la grammaire, le rythme du récit avec des chapitres courts et parfaitement calibrés. Sur le plan politique, il propose une fable satirique à la Voltaire qui questionne, sans vitriol ni lourdeur, se moquant gentiment de ses personnages, tout en douceur. Au fond, Aurélien Bellanger, en racontant l'histoire d'une principauté qui n'existe pas, nous offre une vision décalée de l'histoire européenne dans laquelle il dit beaucoup de choses sur la situation et les oppositions actuelles et qui rend finalement la lecture de cette fable politique teintée d'humour caustique très réjouissante. Et on finit par oublier que l'on avait pu se perdre par moment.
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