Alors que la société patriarcale considérait souvent les filles comme des bombes d’irrationalité prêtes à exploser aux moindres stimuli, Sarah avait l’impression d’avoir une courbe émotionnelle aussi rebondissante qu’un boulet de plomb, et cet état avait commencé à l’inquiéter depuis quelque temps.
Ce matin-là, le sermon d’Alexis ne collait en rien avec l’image qu’elle avait conservée de ce jeune homme, de l’époque où elle et lui étaient, disons… plus proches. L’homélie était saccadée, maladroite. Alexis bégayait sans cesse ; on aurait dit un gamin de troisième année du primaire qui récitait un exposé oral, les yeux plantés sur sa feuille de notes, les fesses serrées.
Assise à l’arrière de la nef, le plus près possible de la sortie, Sarah observait d’un œil scrutateur la marée humaine à l’intérieur de l’église de Saint-Odilon-de-Cranbourne. Tout le monde portait du noir de la tête aux pieds, à l’exception des maladroits qui avaient ignoré le code vestimentaire exigé par les célébrations de funérailles catholiques.
Si la plupart des curés du Québec étaient aussi attirants sexuellement qu’un tronc d’arbre, Alexis avait tout pour lui : en plus d’avoir un regard capable de faire fondre du beurre sans micro-ondes, il ressemblait comme deux gouttes d’eau à l’acteur Kit Harington, qui incarnait Jon Snow dans Game of Thrones. Sans les problèmes d’alcool.
Elle espérait seulement qu’il ne vomisse pas dans le calice doré qui reposait sur l’autel.
Vidéo de Dominic Bellavance