Joachim du Bellay est un auteur qui a des résonnances à la fois très personnelles, et très universelles.
Il m'a été présenté au collège comme le fondateur d'une littérature française, qui affirme son identité sans que ça le conduise à rejeter l'identité des autres peuples ou des autres cultures. J'ai comme beaucoup trouvé du charme à ces vers qui m'ont initié à la musique des mots, des sons et des émotions. Quand je lis Paul Valéry ou Paul Jacottet ou quand je lis des haikus, je sais au fond de moi que si je peux apprécier cette poésie, c'est grâce à Joachim du Bellay.
En plus, Du Bellay représente pour moi la défense d'une identité locale qui a valeur universelle et qui sait se relier aux autres identités locales qui ont chacune une valeur universelle. Cette notion est très loin du repli, très loin d'une uniformité dictée par des modes, dictée par un peuple, dictée par une religion ou dictée par des entreprises. Il est important d'avoir des racines, et ça n'empêche pas de respecter les racines des autres. Plus encore, les racines originales d'une culture font la noblesse de cette culture.
Ô qu’heureux est celui qui peut passer son âge
Entre pareils à soi ! et qui sans fiction,
Sans crainte, sans envie et sans ambition,
Règne paisiblement en son pauvre ménage !
Le misérable soin d’acquérir davantage
Ne tyrannise point sa libre affection,
Et son plus grand désir, désir sans passion,
Ne s’étend plus avant que son propre héritage.
Il ne s’empêche point des affaires d’autrui,
Son principal espoir ne dépend que de lui,
Il est sa cour, son roi, sa faveur et son maître.
Il ne mange son bien en pays étranger,
Il ne met pour autrui sa personne en danger,
Et plus riche qu’il est ne voudrait jamais être.
Je ne te prie pas de lire mes écrits,
Mais je te prie bien qu’ayant fait bonne chère,
Et joué toute nuit aux dés, à la première,
Et au jeu que Vénus t’a sur tous mieux appris,
Tu ne viennes ici défâcher tes esprits,
Pour te moquer des vers que je mets en lumière,
Et que de mes écrits la leçon coutumière,
Par faute d’entretien, ne te serve de ris.
Je te prierai encor, quiconque tu puisse être,
Qui, brave de la langue et faible de la dextre,
De blesser mon renom te montres toujours prêt,
Ne médire de moi : ou prendre patience,
Si ce que ta bonté me prête en conscience,
Tu te le vois par moi rendre à double intérêt.
155 – [Le Livre de poche n° 2229, p. 169]
Espérez-vous que la postérité
Doive, mes vers, pour tout jamais vous lire ?
Espérez-vous que l’oeuvre d’une lyre
Puisse acquérir telle immortalité ?
Si sous le ciel fût quelque éternité,
Les monuments que je vous ai fait dire,
Non en papier, mais en marbre et porphyre,
Eussent gardé leur vive antiquité.
Ne laisse pas toutefois de sonner,
Luth, qu’Apollon m’a bien daigné donner :
Car si le temps ta gloire ne dérobe,
Vanter te peux, quelque bas que tu sois,
D’avoir chanté, le premier des François,
L’antique honneur du peuple à longue robe.
En vain le Roy sera aux armes invincible, S'il n'est juste et ne faict la justice garder.
Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?