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Le Livre de Poche (01/01/1967)
4.17/5   27 notes
Résumé :
Pas de quatrième de couverture

Ouvrage comprenant "Les Regrets" précédé de "Les Antiquités de Rome" et suivi de "La Défense et Illustration de la Langue Française"
Préface de Jacques Borel
Edition établie par S.de Sacy
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Joachim du Bellay est un auteur qui a des résonnances à la fois très personnelles, et très universelles.
Il m'a été présenté au collège comme le fondateur d'une littérature française, qui affirme son identité sans que ça le conduise à rejeter l'identité des autres peuples ou des autres cultures. J'ai comme beaucoup trouvé du charme à ces vers qui m'ont initié à la musique des mots, des sons et des émotions. Quand je lis Paul Valéry ou Paul Jacottet ou quand je lis des haikus, je sais au fond de moi que si je peux apprécier cette poésie, c'est grâce à Joachim du Bellay.
En plus, Du Bellay représente pour moi la défense d'une identité locale qui a valeur universelle et qui sait se relier aux autres identités locales qui ont chacune une valeur universelle. Cette notion est très loin du repli, très loin d'une uniformité dictée par des modes, dictée par un peuple, dictée par une religion ou dictée par des entreprises. Il est important d'avoir des racines, et ça n'empêche pas de respecter les racines des autres. Plus encore, les racines originales d'une culture font la noblesse de cette culture.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
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Épitaphe d’un chat

Maintenant le vivre me fâche ;
Et afin, Magny, que tu saches,
Pourquoi je suis tant éperdu,
Ce n’est pas pour avoir perdu
Mes anneaux, mon argent, ma bourse ;
Et pourquoi est-ce donques ? pour ce
Que j’ai perdu depuis trois jours
Mon bien, mon plaisir, mes amours.
Et quoi ? ô souvenance grève !
À peu que le cœur ne me crève,
Quand j’en parle, ou quand j’en écris :
C’est Belaud mon petit Chat gris :
Belaud, qui fut par avanture
Le plus bel œuvre que Nature
Fit onc en matière de Chats :
C’était Belaud la mort aux Rats,
Belaud, dont la beauté fut telle,
Qu’elle est digne d’être immortelle.

Donques Belaud premièrement
Ne fut pas gris entièrement,
Ni tel qu’en France on les voit naître ;
Mais tel qu’à Rome on les voit être.
Couvert d’un poil gris argentin,
Ras & poli comme satin,
Couché par ondes sur l’échine,
Et blanc dessous comme une hermine ;
Petit museau, petites dents ;
Yeux qui n’étaient point trop ardents ;
Mais desquels la prunelle perse
Imitait la couleur diverse
Qu’on voit en cet arc pluvieux,
Qui se courbe au travers des Cieux ;
La tête à la taille pareille,
Le col grasset, courte l’oreille,
Et dessous un nez ébenin,
Un petit mufle lionnin,
Autour duquel était plantée
Une barbelette argentée,
Armant d’un petit poil folet
Son musequin damoiselet ;
Jambe grêle, petite patte,
Plus qu’une moufle délicate ;
Sinon alors qu’il dégainait
Cela dont il égratignait ;
La gorge douillette & mignonne ;
La queue longue à la guenonne,
Mouchetée diversement
D’un naturel bigarement ;
Le flanc haussé, le ventre large,
Bien retroussé dessous sa charge,
Et le dos moyennement long,
Vrai souriant, s’il en fut onq’.

Tel fut Belaud, la gente bête,
Qui des pieds jusques à la tête,
De telle beauté fut pourvu,
Que son pareil on n’a point vu.
Ô quel malheur ! ô quelle perte,
Qui ne peut être recouverte !
Ô quel deuil mon âme en reçoit !
Vraiment la mort, bien qu’elle soit
Plus fière qu’un ours, l’inhumaine,
Si de voir, elle eût pris la peine,
Un tel chat, son cœur endurci
En eût eu, ce crois-je, merci :
Et maintenant ma triste vie
Ne haïrait de vivre l’envie.
Mais la cruelle n’avait pas
Goûté les folâtres ébats
De mon Belaud, ni la souplesse
De sa gaillarde gentillesse :
Soit qu’il sautât, soit qu’il grattât,
Soit qu’il tournât, ou voltigeât
D’un tour de chat, ou soit encore,
Qu’il prît un rat, & or’ & ores
Le relâchant pour quelque temps,
S’en donnât mille passe-temps.
Soit que, d’une façon gaillarde,
Avec sa patte frétillarde,
Il se frottât le musequin ;
Ou soit que ce petit coquin
Privé sautelât sur ma couche ;
Ou soit qu’il ravît de ma bouche
La viande sans m’outrager,
Alors qu’il me voyait manger ;
Soit qu’il fît en diverses guises
Mille autres telles mignardises.

Mon Dieu ! quel passe-temps c’était
Quand ce Belaud virevoltait,
Folâtre autour d’une pelote !
Quel plaisir, quand sa tête sotte
Suivant sa queue en mille tours,
D’un rouet imitait le cours !
Ou quand, assis sur le derrière
Il s’en faisait une jartière ;
Et montrant l’estomac velu,
De panne blanche crêpelu,
Semblait, tant sa trogne était bonne,
Quelque Docteur de la Sorbonne !
Ou quand, alors qu’on l’animait,
À coups de patte il escrimait,
Et puis apaisait sa colère,
Tout soudain qu’on lui faisait chère.

Voilà, Magny, les passe-temps,
Où Belaud employait son temps ;
N’est-il pas bien à plaindre donques ?
Au demeurant tu ne vis onques
Chat plus adroit, ni mieux appris
À combattre rats & souris.
Belaud savait mille manières
De les surprendre en leurs tanières,
Et lors leur fallait bien trouver
Plus d’un pertuis, pour se sauver :
Car onques rat, tant fût-il vite,
Ne se vit sauver à la fuite
Devant Belaud. Au demeurant
Belaud n’était pas ignorant :
Il savait bien, tant fut traitable,
Prendre la chair dessus la table,
J’entends, quand on lui présentait ;
Car autrement il vous grattait,
Et avec la patte friande
De loin muguetait la viande.

Belaud n’était point mal-plaisant :
Belaud n’était point malfaisant ;
Et ne fit onq’ plus grand dommage
Que de manger un vieux fromage,
Une linotte, & un pinson
Qui le fâchaient de leur chanson ;
Mais quoi, Magny, nous-mêmes hommes
Parfaits de tous points nous ne sommes.
Belaud n’était point de ces chats
Qui nuit & jour vont au pourchas,
N’ayant souci que de leur panse :
Il ne faisait si grand dépense,
Mais était sobre à son repas,
Et ne mangeait que par compas.
Aussi n’était-ce sa nature
De faire partout son ordure,
Comme un tas de chats, qui ne font
Que gâter tout par où ils vont.
Car Belaud, la gentille bête,
Si de quelque acte moins qu’honnête
Contraint possible il eût été,
Avait bien cette honnêteté
De cacher dessous de la cendre
Ce qu’il était contraint de rendre.

Belaud me servait de jouet :
Belaud ne filait au rouet,
Grommelant une litanie
De longue & fâcheuse harmonie ;
Ains se plaignait mignardement
D’un enfantin miaulement.
Belaud (que j’aie souvenance)
Ne me fit onq’ plus grand’ offense
Que de me réveiller la nuit,
Quand il entroyait quelque bruit
De rats qui rongeaient ma paillasse :
Car lors il leur donnait la chasse,
Et si dextrement les happait,
Que jamais un n’en échappait.
Mais, las ! depuis que cette fière
Tua de sa dextre meurtrière
La sûre garde de mon corps,
Plus en sureté je ne dors ;
Et or’, ô douleurs non pareilles !
Les rats me mangent les oreilles ;
Même tous les vers que j’écris,
Sont rongés de rats & souris.

Vraiment les Dieux sont pitoyables
Aux pauvres humains misérables,
Toujours leur annonçant leurs maux,
Soit par la mort des animaux,
Ou soit par quelque autre présage,
Des Cieux le plus certain message.
Le jour que la sœur de Cloton
Ravit mon petit Peloton,
Je dis, j’en ai bien souvenance,
Que quelque maligne influence
Menaçait mon chef de là-haut ;
Et c’était la mort de Belaud :
Car quelle plus grande tempête
Me pouvait foudroyer la tête !
Belaud était mon cher mignon ;
Belaud était mon compagnon
À la chambre, au lit, à la table ;
Belaud était plus accointable
Que n’est un petit Chien friand,
Et de nuit n’allait point criant
Comme ces gros marcoux terribles
En longs miaulements horribles :
Aussi le petit mitouard
N’entra jamais en matouard ;
Et en Belaud, quelle disgrâce !
De Belaud s’est perdu la race.

Que plût à Dieu, petit Belon,
Que j’eusse l’esprit assez bon,
De pouvoir en quelque beau style
Blasonner ta grâce gentille,
D’un vers aussi mignard que toi !
Belaud, je te promets ma foi,
Que tu vivrais, tant que sur terre
Les Chats aux Rats feront la guerre.
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Ô qu’heureux est celui qui peut passer son âge
Entre pareils à soi ! et qui sans fiction,
Sans crainte, sans envie et sans ambition,
Règne paisiblement en son pauvre ménage !

Le misérable soin d’acquérir davantage
Ne tyrannise point sa libre affection,
Et son plus grand désir, désir sans passion,
Ne s’étend plus avant que son propre héritage.

Il ne s’empêche point des affaires d’autrui,
Son principal espoir ne dépend que de lui,
Il est sa cour, son roi, sa faveur et son maître.

Il ne mange son bien en pays étranger,
Il ne met pour autrui sa personne en danger,
Et plus riche qu’il est ne voudrait jamais être.
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Je ne te prie pas de lire mes écrits,
Mais je te prie bien qu’ayant fait bonne chère,
Et joué toute nuit aux dés, à la première,
Et au jeu que Vénus t’a sur tous mieux appris,

Tu ne viennes ici défâcher tes esprits,
Pour te moquer des vers que je mets en lumière,
Et que de mes écrits la leçon coutumière,
Par faute d’entretien, ne te serve de ris.

Je te prierai encor, quiconque tu puisse être,
Qui, brave de la langue et faible de la dextre,
De blesser mon renom te montres toujours prêt,

Ne médire de moi : ou prendre patience,
Si ce que ta bonté me prête en conscience,
Tu te le vois par moi rendre à double intérêt.

155 – [Le Livre de poche n° 2229, p. 169]
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Espérez-vous que la postérité
Doive, mes vers, pour tout jamais vous lire ?
Espérez-vous que l’oeuvre d’une lyre
Puisse acquérir telle immortalité ?

Si sous le ciel fût quelque éternité,
Les monuments que je vous ai fait dire,
Non en papier, mais en marbre et porphyre,
Eussent gardé leur vive antiquité.

Ne laisse pas toutefois de sonner,
Luth, qu’Apollon m’a bien daigné donner :
Car si le temps ta gloire ne dérobe,

Vanter te peux, quelque bas que tu sois,
D’avoir chanté, le premier des François,
L’antique honneur du peuple à longue robe.
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En vain le Roy sera aux armes invincible, S'il n'est juste et ne faict la justice garder.
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Joachim du BELLAY – Anthologie intime de l'Olive lue par Jacques Roubaud (1971) Une cassette audio enregistrée par Jacques Roubaud après 1971 à l'attention de sa mère.
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