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Critique de le_Bison


Quand le soleil du Maroc t'assèche le gosier jusqu'à remplir de poussière ton verre vide. Une chaleur à faire débander ton sexe qui craint d'attraper un coup d' soleil, un coup d'amour, un coup de j' t'aime. Alors je prends le bateau, vieux rafiot de croisière pour traverser la Méditerranée. Pas un yacht de luxe ni même un Costa Croisière à la dérive. Mais j'arrive à bon port, la baie de Naples, une ville bouillonnante, des décharges à ciel ouvert et l'odeur de la pizza napolitaine – plus diététique que la quatre fromages, une tuerie calorique. Participer à un concours et avoir le droit de gagner en écrivant une nouvelle, un roman sur cette ville. Organisé par le syndicat d'initiative – à moins que cela soit celui de la mafia (c'est du pareil au même, non ?).

Écrire sur une ville inconnue, aucune chance de gagner. Je ne connais personne, je ne connais rien. Pas le moindre sourire d'une napolitaine prête à m'accueillir dans son lit. Alors, je déambule, je marche, je regarde autour de moi, derrière, devant. Des pizzerias des poubelles des immondices et des pigeons. le contact est difficile, la timidité de l'écrivain n'est pas une légende. Mais je ne vais tout de même pas rentrer chez moi. Retourner auprès de ma femme… Je continue de marcher, dans des ruelles de plus en plus petites, autour des bâtiments désaffectés. Je descends dans les sous-sols, au plus près de la crasse et de l'odeur d'urine. Et là, je croise le regard d'une vieille femme endormie. Grosse, laide, elle ronfle elle pue elle me dégoute. Vulgaire et sale à m'en donner la gerbe. M'apprêtant à faire demi-tour, elle m'interpelle, dans la pénombre, avec pour seule lumière cette vieille ampoule dépolie et à nue. Me demande de m'assoir sur cette chaise cassée, sur son coffre déglingué ou sur ce poste de télévision déchainé. Bah, au point où j'en suis… Et même si l'odeur de pisse, de merde, de sperme, me soulève le coeur. Cette odeur de misère, de pauvreté et d'errance qui parfume le sol crasseux, les murs décrépis, le plafond noir de cendres. Où suis-je tombé ? « Albergo dei Poveri » me dit-elle. Je répète intérieurement, l'auberge des pauvres. Cela ferait déjà un beau titre de roman. L'AUBERGE DES PAUVRES.

Et voilà que la vieille, grosse, sale et au final pas si méchante, me raconte sa vie, sa misère, son chemin, son histoire. Mais pas seulement la sienne. Celle de cette « auberge » un peu particulière qui dans le temps accueillaient quelques personnes, laissés-pour-compte déambulant dans les rues de Naples, avant d'atterrir comme moi dans ce sous-sol immonde. Et elle continue de déblatérer ses litanies, ses rencontres, ses histoires d'amour et de déchirement. Des histoires humaines, en somme, avec de la passion, du désir, de l'envie. L'auberge des pauvres, quel bel endroit pour écrire des histoires, pour s'imaginer des scènes d'amour et de baise. Putain, quel plaisir, les mots, le sexe, la baise. Putain, quel délice ces histoires, ces passions, ces enchevêtrements de corps et de salives, ces échanges de sueur et de suc, ces va-et-vient incessant qui labourent le corps d'ondes sensuelles et de frissons frénétiques. Et ces relents aigres de pisse qui s'envolent comme des volutes de fumées, comme des effluves d'une misère encore vivante. Je me lève, la vieille s'est de nouveau endormie. Sans bruit, je m'éclipse, retourne à la vie, à la lumière, quitte ce cloaque où les serviettes hygiéniques et les capotes usagées jonchent à même le sol au milieu d'autres immondices, déchets humains, coeurs et âmes jetés dans cette poubelle. Mais je reviendrai demain. Pour que la vieille me raconte d'autres histoires, d'autres vies, celles des âmes errantes dans la cité napolitaine.

Viens près de moi, viens boire à ma fontaine, viens que je sente ton parfum, celui de l'amour, celui de ton sexe, chaud et humide. Une telle envie à faire fondre mon coeur mon âme, à pervertir mon esprit. Viens j'ai tant besoin de ton corps, de te prendre en moi, de te baiser là à même le sol, au milieu de la crasse et de l'urine. Viens à moi, libérons-nous de ces images pudiques, délivrons-nous de cette attente qui attache nos pensées. Envolons-nous vers les sommets du plaisir, dans un lit, sur un canapé, dans la rue. La radio qui braille un match de Maradona, le livreur de pizza qui retourne enfourcher sa mobylette, et nous, deux corps nus allongés sur une peau de bête. Des yeux qui s'illuminent de bonheur, des yeux qui versent des larmes salées pendant que mon sexe gicle lui aussi sa larme sucrée, des yeux qui pétillent de fraicheur et d'envie, encore encore encore. Insatiable, mon sexe débande à peine que mon coeur en redemande, de ta bouche de tes lèvres. Je ne veux pas terminer ce chapitre, ni même ce bouquin, ni même cette rencontre. Reprendre le bateau, me retrouver sur un quai de gare, quitter cette ville pour retourner dans ma demeure où je ne sais pas si quelqu'un m'attend encore. Cela fait toujours mal de quitter un endroit où l'on se sent si bien. Un départ qui déchire toujours l'âme, jusqu'aux prochaines retrouvailles. Car je reviendrais, ici, à Naples ou ailleurs, pour aller à ta rencontre… Car, Naples ou la vieille ne sont qu'une allégorie de la passion et de l'amour.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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