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sur 302 notes
Un fil d'Ariane né de l'utérin,
amniotique douceur d'un corps douleur …
Deux coeurs douleur.

Ce sont les premiers mots qui me viennent à l'esprit, chahutée par ma lecture, émotion non contenue …. un peu de brume aux yeux. Jeanne Benameur a fait mouche !

Elle, c'est Léa. Une vibration. Un mouvement perpétuel. Une grâce qui étire chacun de ses gestes, aiguise ses muscles, courbe son corps au plus juste, pour occuper l'espace, tout l'espace, tout de grâce. Si elle pouvait, Léa, elle deviendrait poussière, poussière d'air, légère, particule anonyme, volatile, juste un souffle de lumière qui rejoindrait un ciel, vaste - plein.
Elle danse.
Elle ne sait faire que ça, Léa, danser - pour altérer son vide.
Qu'elle est belle, ainsi, sculptée par l'effort !
Elle promène alentours l'apparence de son corps - équilibre parfait, tranquille.
Lisse à l'extérieur .... Diffractée à l'intérieur.
Léa porte ses peurs sous la peau comme des « éclats de bombe », c'est « un champ de mines » qui danse jusqu'à épuisement, juste pour éviter l'explosion !
Elle est ainsi depuis l'enfance, ainsi dans ses amours, aussi : Dé-liée, touchable mais Injoignable, abordable mais Introuvable. Toujours quelque chose en elle qui ne se donne pas.
Pourquoi ?

Elle, c'est Romilda. Immobile. Frêle et fragile. Toute de noir vêtue : celui du deuil, de la guerre, de la honte, là bas, en Italie, il y longtemps, très longtemps … Elle, depuis, n'est Personne. Elle vit seule, recluse exilée en bord de mer aux falaises vives, calfeutrée de silence, mutilée dans ses chairs. Taiseuse.
Vibration d'Amour désaccordée. Disloquée.
Romilda, c'est un livre : « Tu, Mio ». Livre refuge, Toi et Moi, homme – amour, Toi et Moi, femme – enfant, Toi et Moi dans la plainte sourde et tue … Son livre, son seul soleil - Caché.
Comment dire ?

La narration mélange passé, présent, sous forme de petits tableaux imbriqués : sorte de puzzle distillant ses fragments d'histoire au compte goutte.
Autant de souvenirs acérés, d'épines au coeur, de questionnements blafards, d'effroi, d'horreur, d'infernales déchéances …
Autant de retenues aussi.
Jeanne Benameur sait les mots justes, tamisés, ceux qui, économes, transpercent pourtant la page pour nous éclabousser les yeux d'images fortes et le coeur d'émotions crues.
Magie de l'écriture, bouillonnante, explosive, tempétueuse à la rythmique saccadée qui jette sa rage sur la feuille, magie de l'écriture qui affute nos sens par la douceur et la poésie qu'elle infuse.

"Aimer c'est juste accorder la lumière à la solitude.
Et c'est immense."

Immense, comme cette immense histoire d'amour – charnelle et viscérale.
Immense, cet « accouchement » décalé, ombres lavées évaporées, où la lumière enfin Re-liée peut s'accorder sans crainte aux gestes et à la voix.

Ne restera, limpide, que le cristal.





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"Laver les ombres, en photographie, signifie mettre en lumière un visage pour en faire le portrait"

Laver les ombres, c'est aussi s'abandonner à la tempête des mots, laisser déferler les lames, couler les larmes, se laver, s'épancher, s'épurer, se retrouver.

C'est habiter les yeux ouverts l'espace de l'amour maternel, c'est donner à son corps d'enfant jeté dans la vie sans un mot, à ce corps contrôlé, contraint à la discipline et rompu à l'exercice impitoyable de la danse, tout entier adonné au mouvement, une place enfin stable dans l'espace.

C'est lui ouvrir l'espace du coeur.

Laver les ombres, c'est "avoir le coeur net", au propre et au figuré. C'est permettre au coeur de battre de nouveau à l'unisson d'un autre.

Encore une fois, un secret de famille-lourd, très lourd- mure une mère dans le silence, et emmure sa fille dans une danse élégante, épuisante, excluante. le dire enfin ouvre les deux prisons, intérieure et extérieure.

Mais l'originalité de ce très beau récit tient en deux mots: Léa, la fille, est danseuse et Romilda, la mère, est italienne.

Et la langue de Jeanne Benameur, claire comme une épure, tranchante comme le rasoir, juste comme un accord, sait si bien dire le mouvement contrôlé de l'une et l'effroi de l'autre, étrangère à sa langue, étrangère à son corps, étrangère à sa vie,- qu'elles ne peuvent que se rejoindre, une nuit de tempête mémorable et cathartique, dans la petite maison près de la falaise vive, celle qui continue de crouler dans les vagues de la mer..

"Est-ce qu'aimer , ce n'est pas vouloir rejoindre sans relâche?"
"Aimer c'est juste accorder la lumière à la solitude. Et c'est immense"écrit joliment Jeanne Benameur

Un roman au sujet classique- un secret de famille qui , délivré de sa gangue de silence, renforce encore les fils tissés entre la fille et la mère et surtout donne à la danseuse encagée et à la mère mutique une liberté nouvelle, d'aimer, de nommer, de chérir...- mais surtout un poème rythmique comme une danse..

"Un rond de danse et de douceur" disait Eluard: oui, au final, un ballet de douceur retrouvée.

Une chorégraphie où tous les corps peuvent prendre place - le corps jeune et sculptural de Léa, le petit corps vieilli, presque effacé par la honte et la douleur, de la mère - mère et fille unies dans la même sarabande.

Laver les ombres, c'est un "rêve dansant" comme le merveilleux ballet de Pina Bausch, où les corps , tous les corps, les maigres et les lourds, les jeunes et les vieux, les gracieux et les maladroits, sont beaux et émouvants, parce qu'ils disent leur histoire en s'inscrivant humblement dans l'espace, avec les autres...

Merci à Moovanse et à Latina, qui m'ont fait découvrir Jeanne Benameur...

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Tout en pudeur, avec délicatesse, en lien avec les éléments - l'océan, la tempête, avec le corps - Jeanne Benameur nous raconte une histoire terrible.

Avec beaucoup de finesse dans l'écriture, elle nous happe dans ses filets et on ne peut plus lâcher le livre.

Elle parle des relations mère-fille, une mère qui a vécu un amour dévorant, qui la mènera au-delà de l'indicible et de sa fille qui ressent un mal être sans savoir d'où il vient.

Jusqu'au jour où la mère décidera de tout lui raconter. Tout ? Peut-être pas.

Tant de choses sont dites dans ce petit livre court. Une vraie pépite.
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Trouver la vérité,
Sa vérité,
La vérité de celle qui l'a enfantée.

Lea et Romilda
Un huit clos qui s'entremêle dans cette danse du vide !
Deux présents qui
« S'autistent »,
S'isolent dans le silence.

Vide de mots,
Que le mouvement avide remplit de gestes.
Habiter ce corps dans l'espace,
Pour ne pas ployer sous le fardeau du secret,
Qui déteint dans le regard de cette mère
Qui vague ,dis'vagues…
Dans le flux et reflux
D'une acceptation de l'innommable…

Romilda offre son corps et s'imprègne
De ceux qui la pénètre.
La souffrance de ces hommes habille sa nudité de honte !
Qu'elle refuse de transmettre,
De partager,
De divulguer
D'exposer …

Mais le corps de Léa vibre pour vivre !
Elle s'éparpille dans l'instant pour s'y déployer
Pour y exister,
Pour y résister.

La danse comme une fuite dans l'air
Qui l'enrobe de cette robe de liberté.

Quel étrange ballet que celui du corps de la mère qui
Capitule…
Et le corps de sa fille qui s'expose aux regards mais
Lutte pour Entrevoir,
La Vérité
Du corps de sa mère…

Deux corps qui dansent ce secret…ce mystère…comme un pas de tango…
Qui abîme le passé,
Quête le présent,
Affirme la transparence du futur…

Tout se dire pour se rapprocher
Pour fusionner …
Entre danse et mère…
La nécessité,
L'urgence ,
De se dire ,
De s'abandonner,
Enfin…
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Comment exprimer ce que l'on ressent sans paroles ? Trop de paroles non dites peuvent parfois blesser mais trop de paroles dite le peuvent tout autant. Jusqu'où une mère doit-elle aller pour dévoiler des choses à sa fille, des choses qu'elle voudrait tant oublier, des choses sales mais qu'elle a faites pourtant par amour. Sa fille doit-elle forcément tout savoir de son propre passé ?
Léa est une jeune femme qui adore la danse plus que tout. Pour elle, c'est avec le corps qu'elle parle et c'est aussi grâce aux corps des autres qu'elle trouve son inspiration, son bonheur, sa joie de vivre. Elle aime regarder les choses bouger et c'est avec Bruno, peintre qui ne rêve que d'une chose, la peindre elle, qu'elle partage sa vie. Cependant, elle refuse de se dévoiler...Pourquoi ? Elle n'en sait rien, au fond d'elle, il y a comme une fêlure qui lui interdirait de se donner toute entière mais cela, elle ignore pourquoi.

Romilda fut elle aussi une jeune femme, bien avant d'être mère. Elle, au contraire, elle se donnait sans relâche, probablement trop ! Pourquoi ? Elle, au contraire de celle qui deviendra sa fille, l'a toujours su ? C'est par amour, un amour violent et déchirant qui la pousse , trois ans durant, à se donner aux autres...

Un roman saccadé, haché qui amène, petit à petit le lecteur à reconstituer toutes les pièces du puzzle. Une écriture démembrée mais pourtant extrêmement puissante, comme une tempête, la même tempête qui amènera Romulda et Léa à se retrouver, à se déchirer mais pourtant, à continuer de s'aimer. Un amour que seules une mère et une fille peuvent partager et que rien ne pourra jamais égaler, un amour qui résiste à tout et même au pire des ouragans !
Un petit bijou de livre que je ne peux que vous recommander !
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Il y a quelques temps, une critique de Moovanse m'avait fait noter quelque part qu'il fallait absolument que je lise « Laver les ombres » de Jeanne Benameur. Voilà qui est fait.
Au départ, c'est vrai que c'était pas gagné parce que l'histoire d'une chorégraphe… Autant la musique, oui, autant la danse, non… le tutu ne me sied point, quant aux collants, ils me boudinent.
Heureusement, j'ai pris sur moi (bon ça n'a pas été un effort surhumain non plus) parce que, quelle lecture !!!

Laver les ombres, comme l'ont écrit Michfred et Nastie92 dans leurs excellents billets, signifie en photo, mettre en lumière un visage pour en faire le portrait.
Hombre quels portraits !!!

Léa, chorégraphe. Elle danse pour se sentir vivante, pour occuper l'espace. La vie, c'est le mouvement.

« Sa pensée, c'est la vibration. C'est tout.
La justesse du mouvement justifie son souffle sur terre.
Il n'y a pas d'autre façon de vivre.
La concentration totale sur chaque vibration d'archet et une absence tout aussi totale à soi même. Alors seulement quelque chose a lieu.
Elle est en mesure.
Elle respire. La peur reflue.
Elle continue.
A nouveau, peu à peu, elle entre dans l'espace. Elle y a droit. Alors son temps lui appartient. Et elle, elle appartient au monde. »

Bruno, peintre. Il capte le mouvement pour le figer.
Lui, statique. Elle, ne tenant pas en place. La relation est compliquée, comme un défi.

« Elle ne sait offrir au regard que le corps conscient. Même à Bruno. Tenir la pose, c'est s'abandonner. Ce paradoxe, elle ne peut pas. Les peintres attendent le moment du renoncement. Elle le sait. Comme la petite chèvre de M. Seguin, le moment où cesse la lutte. Renoncer à imaginer son propre corps. L'oublier. le confier à celui qui, de l'autre coté, peint. Parvenir juste à habiter le lieu ».

Romilda, mère de Léa. Ombre des ombres, le coeur lourd.

« C'est quoi la peur toujours, la menace dans tes yeux, maman, c'est quoi ? C'est quoi ce que tu avais à me dire ?
La vieille dame redresse le buste. Elle a la tête baissée mais dans le redressement du buste il y a comme un défi.
Léa ne la reconnait pas »

Laver les ombres, comme pour les purifier.

Première ombre, ombre à paupière. Celle présente sous les paupières de Romilda.
Laver les ombres, se libérer des fantômes qui la hantent depuis si longtemps. Démaquiller sa vie.
Deuxième ombre, l'ombre du doute. Celui qui lui fait redouter de perdre Léa. Celui qui la fait hésiter à se libérer d'un poids trop lourd à porter pour terminer sa vie plus sereine.
Et puis il y a l'ombre qui plane sur la vie de Léa. Cette peur liée à l'enfance qui la laisse toujours à la frontière. A l'océan de tous les possibles, elle reste sur le sable.
Enfin la plus terrible des ombres, celle du père, adoré par Léa. Laver son ombre, pas pour le mettre en lumière mais pour s'en délivrer. Pas de portrait pour cette espèce de porc très…
C'est dans un climat de tempêtes intérieures et extérieures (les vents font rage et l'Océan menace dans cette ville côtière) que dansent les ombres.

L'écriture de Jeanne Benameur me fait penser à l'océan. Oui un rythme océanique, des phrases courtes sans fioritures, des mots qui vont à l'essentiel comme une série de vagues. Et puis l'accalmie avant une nouvelle série émotionnelle plus forte encore. Marée haute qui vient lécher nos côtes les plus intimes, marée basse qui laisse entrevoir nos chants de bataille. Et puis cette houle qui serre le coeur, laisse une boule dans la gorge. Les embruns qui viennent mouiller les yeux…
Que j'aime cette écriture, pudique et délicate qui ne se cache pas pour dire l'inqualifiable.

Pas d'hésitation pour l'histoire de Léa, cette danseuse 5 étoiles.

Ps : n'insistez pas, pour le tutu et le collant, c'est toujours NON !!!
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Ah ! Jeanne Bénameur ; quel plaisir de la lire.
Je me demande toujours comment elle peut nous émerveiller avec des histoires aussi douloureuses. Un peu comme Sorj Chalandon, bien que dans un autre style.
Ici, c'est l'histoire d'une mère et d'une fille, unies par une grande tendresse. Entre elles, les mots sont rares, inutiles.
Léa, devenue danseuse, les remplace par les mouvements du corps.
E puis un jour, la mère, vieillissant, décide de parler, de se raconter.
Et là, c'est l'éboulement, l'effondrement.
« Il faut marcher dans les mots de la mère, là, dans la cuisine. A l'intérieur »
« La fille voudrait perdre l'alphabet. Ne plus comprendre. Rien. »
Ce sont un peu les rapports des personnages des « Demeurées ». Beaucoup d'amour, mais à l'abri des mots, pour se protéger..
Jeanne Bénameur semble fascinée par les mots et leur pouvoir, par le langage du corps, et elle en parle si bien, qu'on est fasciné avec elle.
Elle a un talent fou pour provoquer les émotions du lecteur.
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Je fais connaissance avec Jeanne Benameur à travers ce beau roman.Deux femmes: la mère et la fille. L'une qui voudrait aimer mais fuit l'amour malgrès elle, rongée par une peur qu'elle n'identifie pas; L'autre qui s'est donnée corps et âme à l'Amour et en porte seule le secret destructeur.Dans un huis clos, elles vont se parler, se dévoiler, se révéler.La tourmente intérieure et le tumulte des émotions sont en miroir à la tempête qui se déchaîne à l'exterieur de cette petite maison qui les protège cette nuit là...Sensible, émouvant, ce texte parle avec beaucoup de délicatesse du besoin de dire et de la peur de perdre en retour; Il questionne sur la capacité d'aimer sans se perdre.
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"Laver les ombres, en photographie, signifie mettre en lumière un visage pour en faire le portrait" : cette définition, placée en exergue, correspond parfaitement à ce que Jeanne Benameur fait dans ce livre.
Dans son style si particulier elle dresse le portrait de Lea, jeune femme tourmentée et fragile.
Lea s'exprime pleinement à travers son art, la danse, mais cette liberté qu'elle éprouve sur scène, elle en est bien loin dans la vie, en particulier dans ses rapports avec les hommes.
Comme souvent, un secret de famille est à l'origine de ce mal-être qui l'empêche de vivre et d'aimer.
Mais un soir de tempête, la mère de Lea se met à parler...
Si le début, moins percutant que d'autres ouvrages du même auteur, me laisse un peu de marbre, mon intérêt est allé crescendo jusqu'à ce que Lea rejoigne sa mère.
À ce moment-là, j'ai retrouvé la Jeanne Benameur que j'aime tant : celle qui est capable de m'émouvoir par ses petites phrases finement distillées, celle qui sait comme personne faire jaillir une émotion puissante à partir de quelques petits mots anodins, celle qui sait merveilleusement bien analyser l'âme humaine, celle qui fait preuve d'une délicatesse inouïe vis-à-vis de ses personnages.
Celle dont j'ai adoré "Otages intimes", "Profanes" et "Les demeurées".
Il se dégage toujours une force incroyable des romans de Jeanne Benameur, et celui-ci ne fait pas exception.
J'aime qu'un texte me bouscule, m'interpelle, m'émeuve, me remue au plus profond de mon être. J'aime quand que je trouve certains passages tellement beaux que je repars en arrière pour les relire, que je m'y attarde de longs moments pour mieux les savourer, pour mieux m'en imprégner, pour mieux vibrer.
Jeanne Benameur lave les ombres dans ce livre et nous dévoile petit à petit le portrait de Lea et de sa mère.
C'est fort, c'est émouvant, et qu'est-ce que c'est beau !
Merci à cet auteur dont les livres sont de formidables vecteurs d'émotions et d'humanité.
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Léa aime la danse, Léa vit pour la danse, Léa parle avec son corps, Léa est chorégraphe. "Danser c'est altérer le vide. Pourquoi inscrire un mouvement dans le rien ? Elle voudrait tant pouvoir juste contempler et habiter simplement, sans bouger. Elle envie ceux qui le peuvent. Elle, elle n'y arrive pas. Elle est un mot étranger jeté dans le silence. Elle se sent intruse. Depuis toute petite. Alors elle danse. Il faut qu'elle trace, avec son corps, les lignes qui permettent d'intégrer l'espace. Seule la beauté du mouvement peut le sauver. C'est sa façon de trouver place dans la vie. Léa est chorégraphe par nécessité." Et bien que ce mouvement soit sien et qu'elle maîtrise cette partie de son être, sa grande lacune se révèle être en amour, elle ne sait pas communiquer et elle ne sait pas rester. Elle a maintenant 38 ans et Bruno, peintre, est son compagnon, et c'est pour elle un défi que de préserver "cet amour tout neuf pour un homme de l'immobile".

Léa prépare sa prochaine création pour la scène Da sola. Elle a besoin de sa mère, elle veut sa mère pour son spectacle. Alors qu'elle entend un avis de tempête chez sa mère et qu'elle lui téléphone pour se rassurer, celle-ci lui annonce qu'elle a besoin de lui parler. Un air grave qui hâte Léa chez elle malgré la tempête. Départ qui fut précipité aussi par sa tentative de se livrer en tant que modèle à Bruno, mais c'est une chose qu'elle ne parvient pas à faire. Rester dans l'espace immobile est impossible pour elle, c'est se dévoiler, se mettre à nu, elle se sent violée dans son intimité et son jardin secret.

En parallèle nous découvrons la vie de Romilda à Naples en 1940, chapitres intercalés dans l'histoire. Qui est cette femme ? Quel est le lien avec Léa et sa mère ? Romilda est une jeune femme qui souffre, qui aime, qui vit mais sans plus trop savoir pourquoi. Une femme qui s'appelle Suzanne. Où est son rêve ? Des désillusions. "Tatouée, à l'intérieur. Elle est l'envers du monde. Une bête de guerre et de nuit. Pour les viols, les tortures, ils ne paient pas. Pour elle, oui. Et très cher. Romilda a un pris. Elle apprend. A n'être plus personne."

Un roman d'une écriture toujours aussi plaisante. Des phrases courtes pour poser la réflexion, pour donner une intensité. Toujours donc les mots choisis, les mots justes, l'économie pour la véracité, un impact. Une tempête s'installe dans ce roman, une tempête réelle par le climat mais aussi une tempête des souvenirs, des mots, des sentiments, de l'amour. Léa cherche des vérités qui lui permettront de donner un certain poids à son existence, sa mère doit se délester d'un poids. Bruno aime Léa, comment le lui dire comment la garder… L'amour révélé est synonyme pour lui de grande solitude à cet instant, aimer sans l'autre… "Il regarde le ciel par la fenêtre. le gris des nuages. il mesure qu'il aime pour la première fois. Et c'st violent. Parce que, dans le même temps; il mesure à quel point chacun est seul. Une épiphanie double. Maudite. L'oiseau est seul dans le vol des oiseaux, le mouton dans le troupeau et chaque pierre sur le chemin." Les livres qui portent, les livres qui soutiennent, la fuite dans les mots, la fuite dans l'amour écrit, les mots qui dansent dans la tête. Car Romilda, car Suzanne, car Léa, auront toujours un livre près d'elles, toujours le même.Toute une histoire autour des vibrations, des mots, des sentiments, de la lumière qui lave les ombres….

Vous l'aurez surement deviner, j'ai beaucoup aimé ce roman. J'aime la danse pour le mouvement qu'elle souligne, pour sa légèreté, sa liberté… Je ne pouvais que l'aimer. Une danse, voilà ce qu'est ce livre, avec le tango passion, avec la valse belle et envoûtante, mais aussi avec les livres, la danses des mots, des espoirs, des rêves… Toutes les émotions peuvent au final s'exprimer dans la danse. Les émotions de la vie, d'une vie qui peut être dure, qui peut amener des sentiments paradoxaux ou équivoques, qui peut faire du bien comme du mal. Mais la vie aussi de la parenté, du lien maternel inébranlable, irremplaçable, fort, puissant. Et l'amour de l'être charnel, l'homme ou la femme, celui qu'on désire, qui nous aimante, mais cet amour si difficile à garder, qui peut blesser, et même détruire… se livrer n'est pas si simple.
Lien : http://madansedumonde.wordpr..
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