AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Annette55


Le récit commence lorsqu' Étienne, photographe de guerre, otage, a de la chance. Il est vivant. Il rentre. Aprés plusieurs mois de captivité, ses ravisseurs l'ont conduit, les yeux bandés, jusqu'à un avion. Ils s'apprêtent à le faire libérer. Se lancer dans la joie du mot" libre", il ne peut pas. Suspendu. Il se rappelle le jour" Oú toute sa vie est devenue juste un petit caillou que l'on tient serré au fond d'une poche...."Jeanne Benameur, comme à son habitude, nous enveloppe de lenteur, tisse patiemment, en prenant son temps, la trame fragile du retour à la vie de cet homme tout petit, réfugié en lui - même, cabossé qui pense à tous les êtres laissés derrière lui. La romancière travaille les mots précisément comme l'ébéniste travaille le bois, magnifiquement....se met à la place d'Etienne, ressent la douleur extrême, l'attente, le vide, " Il y a des nuits oú tout l'espace de la mémoire se déploie, les territoires sont ouverts" ....L'enfermement creuse les failles. Jusqu'où ? Les questions fusent : Faut- il accepter qu'il n'y ait aucun refuge?Peut- on reprendre sa vie d'avant ?Si l'on a connu la peur et la barbarie, faut - il inventer la paix, la douceur, la beauté quand même? Faut- il inventer le visage neuf des jours neufs?
Parmi les voix qui enrichissent ce récit hypnotisant, sans cesse traversé par l'intériorité et l'intime de soi, la retenue, l'apaisement, la suspension du temps, il y a celle d'Irène, la mére d'Etienne qui ne réussit d'abord à renouer les fils avec son fils qu'à travers les notes de musique du piano, dans la maison familiale, redevenue un refuge, un entre - soi originel .Plane aussi l'ombre d'Emma, l'ex compagne, otage de l'attente, du vide de l'attente.....Puis Enzo, le fils de l'Italien, le taiseux, le créateur de beauté à travers le travail du bois : il est là , l'ami d'enfance sécurisant ! Enfin, la petite qui vient de loin, Jofranka, devenue avocate à la Haye, qui aide les femmes victimes de guerre ....Elle revient au village et sème le trouble entre ces trois là, entre eux, une géographie muette se met en place....
La romancière explore le thème de l'intimité, habite et habille la solitude de l'otage après sa libération sans à priori , sans faux -semblants, sans fioritures, avec grâce et apaisement, en avançant sur le fil de la liberté vraie, en équilibre instable, semblable à nos vies.
" On Croirait avoir trouvé la paix mais la vie est inventive. Elle revient déranger tout votre petit monde paisible. Et il faut bouger."
Trés difficile de trouver les mots justes pour qualifier ce beau récit , intimiste, lent, doux, entêtant , ce "confinement ", cette "suspension." Ce ré- apprivoisement !
Magnifique !
Quelle est la part d'otage en chacun de nous?

Commenter  J’apprécie          602



Ont apprécié cette critique (48)voir plus




{* *}