La liberté, ça ne se compte pas au nombre d'heures qu'on passe à travailler ou à faire quoi que ce soit, non. C'était ce sentiment, fort, de ne plus appartenir à qui que ce soit. Juste être un humain parmi les humains, pour eux, avec eux, sans hiatus. Être à sa place. Et œuvrer, l'esprit libre.
Relié à tous. Attaché à aucun.
La nuit creuse sa route dans le cœur de chacun. Des paupières se ferment. D'autres abritent sous leur si mince membrane des visions que celui ou celle qui dort oubliera quand ses pieds se poseront au matin sur le sol, que le corps reprendra son poids sur terre. Pourtant parfois les visions reviendront, inattendues, au détour de la journée et quelqu'un ralentira son pas, se souviendra, s'interrogera peut-être. Dans le sommeil certains ont ri d'autres ont pleuré, parlé, crié. Quelques-uns ont volé, légers si légers, dans ce même corps du jour comme soulevé et tenu par un souffle. Libres. Le matin appesantit les corps mais quand on se souvient du vol, où qu'on soit, on sourit, on soupire, les ailes repliées. L'obscurité a fait son travail. Elle rend au jour les dormeurs.
Chaque jour un peu différents.
Avec un uniforme sur le dos, il n'avait rencontré que le sang. Le sien et celui des autres, il n'y a aucune différence quand le sang quitte les corps, on ne peut plus reconnaître à qui il appartient, ça coule dans le terre, c'est tout.
Ces moments ont existé. Ce bonheur qui a été vécu, rien ne peut faire qu'il ne l'ait pas été. Même la mort. La mort ne balaie rien. Le chagrin peut tout brouiller. Un temps. Comme à chaque fois que l'on est séparé de ceux qu'on aime.
Il avait peur de ne bientôt plus savoir aimer qu'à distance. Est-ce qu'on peut perdre la faculté d’aimer tout près de soi ?
Aucune foi, aucun dogme, ne protègera. Vif nous sommes et mort nous serons. C'est tout. Et c'est assez.
Il y a des mots qu'on ne peut prononcer qu'une seule fois, comme le trait sur la feuille.
Polir la douleur dans l’ombre de chaque arbre resserré par la nuit.
Sentir l’écorce de chaque chose.
Et savoir que tout est là, toujours. Même si nuit après nuit le chagrin se dérobe. Comment expliquer que le chagrin s’en va et qu’aucune consolation ne prend sa place. P 36.
Le frottement de nos vies les unes contre les autres, c'est à ça que je crois.
Je me demande, des fois, ce qui fait et défait tout ça, ce fatras, nos vies. Je me demande. L'église, c'est pas pour moi. Mais je voudrais bien pourtant qu'il y ait quelque chose derrière tout ça. Ça me soulagerait, rien que de savoir que c'est pas juste des affaires de sexe et de sang et d'argent, tout ce qu'on vit. Je voudrais bien, oui, qu'il y ait quelque chose d'autre.