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EAN : 9782330006426
111 pages
Actes Sud (04/04/2012)
3.55/5   130 notes
Résumé :

Un père, une mère et quatre enfants noués par le silence. La violence muette de ces liens et celle, assourdissante, d'un pays qui entre en guerre.

Algérie 1958. Mi-Arabes, mi-Français, ils s'exilent dans une ville de la façade atlantique.

Jamais ils n'y retrouveront leur ciel, ni leur place. C'est la cadette qui raconte, rompant l'omerta familiale. C'est dans sa bouche que naît enfin la parole, entre silence et cri.
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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
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Une aquarelle!
Une écriture si délicate,si innocente
qui se délie,
se répand,
s'incruste,
dans les pores d'une sensibilité d'enfant
qui aborde un sujet difficile:
L'Exil.

Pourquoi ce livre me laisse chancelante?
Déboussolée?
Déracinée?

La fuite.
Le départ.
Absence d'une terre qui l'a vu naître.
Ne pas avoir de choix.
Des racines dans le vide…qui n'arrive pas à enlacer ce nouveau terreau imposée par la vie.

Pourquoi me chuchote-t-elle ces vulnérabilités de toutes ces enfances surgisantes?
La mer qui lui parle
d'un passé perdu qu'elle ne retrouvera plus.
Creuser le sable pour y retrouver le briquet de l'intime enterré .
Les tempêtes intérieures qui se voilent d'un départ sans retour.
Une famille voilant la vérité en rêvant de cet ailleurs qui n'est plus ce nid de coeur abandonné.
Devoir s'enraciner à nouveau.
Mais ne pas réussir.
Benameur est une magicienne qui fait claquer ses phrases pour entrouvrir nos carapaces d'adultes désenchantés.
Elle réenchante nos coeurs d'enfant.
Merci!
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Ca t'apprendra à vivre, un titre qui résonne comme une initiation ou comme une punition. C'est un peu les deux sensations qui me sont venues en refermant ce livre autobiographique.

C'est une Jeanne Benameur (née d'un père Tunisien et d'une mère Italienne) remplie de l'insouciance d'une enfant de cinq ans qui va quitter sa terre natale d'Algérie pour arriver à La Rochelle et découvrir que la vie n'est pas un long fleuve tranquille.

Première initiation punitive :
« Il n'est pas sûr que parmi les harkis ne s'infiltrent pas les hommes du FLN. C'est notre lot. Nous sommes détestés des deux cotés parce que nous n'appartenons complètement à aucun ».
Première fêlure, il faut choisir un camp, s'opposer à l'autre. Première leçon, ça t'apprendra à vivre, première claque à l'âme, ça t'apprendra à vivre.

La narratrice va perdre son innocence au fur et à mesure que vont tomber les masques familiaux.
De la prison où son père (qu'elle adore) est gardien à la geôle intérieure où elle va se réfugier pour sauver les illusions qu'elle peut encore sauver, il n'y a qu'un pas qu'elle franchit de plus en plus.
« Et je t'entends bâtir une maison dans le sud de la France, à Saint Raphael… oui, une maison de famille… elle vient de sortir de terre, de ta bouche. Je t'écoute. Je te regarde .Tu as l'air modeste de celui qui possède un palace et ne veut pas en faire étalage. Tu continues à parler de « la maison », sans en ouvrir toutes les portes mais on devine.
Je n'ose plus te regarder. Tu mens, papa. Nous n'avons rien. Ni ici ni ailleurs. Nous n'avons que nos mots. Pas de pierres pour faire de vrais murs. Pas d'herbe pour un vrai jardin. Rien. Nous n'avons jamais eu de maison à nous.
Tu continues à mentir et à me tenir la main. Comment peux-tu ? »

Son père, sa mère, son frère et ses soeurs… oh oui si elle avait un marteau, elle re sculpterait le quotidien.
« Maman, je n'en peux plus de t'appeler en silence. Je t'appelle partout et je ne sais même pas que je t'appelle. Je t'appelle du fond de moi. Tu ne peux pas m'entendre »

« Alors tu vas au lit de ma soeur A. et la même chose, tu dis la même chose à son épaule, la même.
J'attends. Je veux une chanson pour moi toute seule.
Tu quittes la chambre.
Aussitôt ma soeur A. se lève, s'habille, elle te rejoint tout de suite.
Moi, j'attends.
Au bout d'un moment des coups résonnent sous le lino de la chambre. Tu as pris ton balai et tu tapes au plafond de la cuisine, juste sous mon lit.
C'est ça ta chanson pour moi toute seule ? Il n'y a pas de paroles. Il faut que je me lève.
Je t'appelle du dedans. Je n'ai pas de balai pour taper contre ton coeur ».

Ca t'apprendra à vivre c'est probablement une partie du journal intime de la petite Jeanne, journal qui fait prendre conscience au père…
« Mon père, en soulevant la table, l'a trouvé.
Quand il me le redonne, il a l'air gêné, si triste. Il dit qu'il ne savait pas que perdre Moussy m'avait fait tant de peine, que s'il avait su…
S'il avait su quoi ?
S'il savait tout ce qu'il y a derrière !
Il me regarde. D'un seul coup, il a les larmes aux yeux.
Ca me fait du bien ».

Quand le coeur et l'âme de l'enfance se fragmentent, on appelle ça grandir, murir, devenir adulte.
Quelques morceaux reviennent de ci de là au cours du parcours, viennent taquiner des plaies plus ou moins cicatrisées.
Apprendre à vivre, quel effrayant concept. Heureux ceux qui n'ont rien appris dans ce domaine et ont gardé leur Regard d'enfant. Je crois que Jeanne Benameur a réussi malgré tout. En tous cas, elle a réussi à me toucher avec ses maux d'enfant.
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1958, une petite fille de cinq ans, ses trois aînés, leur papa tunisien et leur mère italienne. Guerre d'Algérie, une prison dans l'Est des Aurès, dirigée par le papa ; c'est là qu'ils vivent tous les six.
Apprendre à se cacher, à composer avec les deux parties en conflit :
« Nous sommes détestés des deux côtés parce que nous n'appartenons complètement à aucun. »

Exil en France, dans un appartement trop grand, inconfortable, froid, sale. S'habituer au pays, au climat, raconter aux copines ce qu'elles veulent entendre : une certaine image de l'Orient (des palais, des sultans, des trésors et des princesses voilées...).
Une mère déprimée, un couple parental qui connaît des turbulences. La petite fille assiste à ces drames d'adultes qui se jouent devant elle mais dont on ne lui parle pas. Elle quête désespérément l'attention maternelle, elle attend des preuves d'amour en retour. Elle en a, mais les mêmes que celles de ses frère et soeurs, ça lui semble trop mécanique, ça ne lui suffit pas...

J'ai longtemps aimé ce genre de témoignage, notamment sous la plume d'Annie Ernaux. J'y reviendrai peut-être, mais je sature depuis quelque temps.
J'ai suivi mollement ce récit saccadé - assemblage de souvenirs juxtaposés, d'impressions. La forme est elliptique, il faut lire entre les lignes, deviner qui est ce 'tu' changeant. Je n'avais pas envie de faire cet effort.

Je n'ai trouvé aucun intérêt dans cette auto-fiction, peut-être en raison de ce style qui évoque un journal intime, aux vertus thérapeutiques pour l'auteur, certainement, mais qui m'a ennuyée du début à la fin...
En commençant cet ouvrage, je sortais d'un livre vif, pertinent, à la plume recherchée, efficace, percutante - cela doit expliquer aussi en partie ma déception.
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Le silence, comme un cri, déchire le roman " Ça t'apprendra à Vivre" de Jeanne Benameur. C'est le silence qui relie les êtres de cette famille, un silence qui les cimente. La famille a fuit, et l'exil a du mal à trouver des mots pour rompre ce silence : " On se taisait, les uns pour les autres, les uns par-devers les autres. Ma mère distribuait les rôles muets." p 33.


Dans ce court roman autobiographique, Jeanne la petite fille a pris la plume avec des mots d'enfants, des désirs d'enfants, pour raconter les moments les plus lourds, comme pour se décharger de quelque chose, de souvenirs, de deuils, pour éclaircir les noirs, nommer ces espaces de sa mémoire laissés en blanc, effacés un jour par le chagrin : au coeur de cette quête une certitude, "Nous, on est entre. Nous, on est toujours entre, on ne sait pas pourquoi. "p 12.


Après l'exil en 1958, suite à des événements tragiques suggérés, cette famille aux deux frontières arabe, et italienne, comme celle divisée de Camus, tâtonne pour apprivoiser leur nouvel environnement, mais c'est encore une prison, là où travaille son père, un lieu qui nourrit l'inquiétude.

La personnalité du père est une énigme, portée par une inquiétude cancéreuse, et une suspicion rampante, le " il faut tout dire à Papa " résonne comme un appel au secours, une peur qui devient douloureuse et peut être délirante.

A travers des anecdotes, les plus diverses, Jeanne explore le quotidien de la famille, ses acteurs, leurs réactions : par exemple,"maman dans mon lit", "le pull de mon père", "la secrétaire", "la garderie de l'école".
Peu à peu, se dessine la vie de la petite fille, ses menues joies comme ses peines, ses relations avec son frère et ses deux soeurs, les difficultés qu'elle éprouve à parler avec sa mère, à l'intéresser.


Peu à peu apparaît au grand jour l' impossibilité d'atteindre son père, en comprendre sa rage, pour l'apaiser, elle ajouterait, comme pour symboliser, l'étrangeté de son père : "le sien de nom, si on le changeait, hein ? Eh ben, il en mourrait."p108

Il y a finalement un flot de questions dans ce livre, notamment une interrogation lancinante sur la violence que le père porte, et que ses enfants ne comprennent pas. Les petites anecdotes, ne concluent pas , ne donnent jamais les réponses, elles construisent un puzzle surprenant, qui tient, mais à quel moment les pièces iront-elles s'éparpiller?


L'émotion, imbibe chaque mot, lui donnant une saveur poétique, des mots simples mais qui juxtaposés explosent : tant de choses à ne pas dire, je me tue à te faire exister, ne rien dire juste, habiter sa peau.
Un roman construits par touches, de 30 petites nouvelles, et au bout, le paysage poignant d'une famille, avec les mots et les gestes d'une petite fille, pour éclairer leur humanité déracinée.
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Son père en est le directeur, la prison, sa maison, assiégée !
1958, une petite ville d'Algérie. Terrée dans sa chambre, une petite fille de cinq ans ne doit pas bouger. Elle raconte l'assaut qu'elle vit sans le comprendre. Il faut se cacher, les matelas sont contre les fenêtres, les balles sifflent. Ses yeux ont vu des fusils qui doivent riposter face aux bérets noirs.
Deux clans, les Français, les Arabes, et eux au milieu.

Les souvenirs éclatés de la petite occupent ces chapitres courts, tels des flashs du passé qui refont surface. On pourrait croire à des anecdotes si presque tous ces souvenirs n'étaient pas aussi tristes, tristes, tristes. Chacun renferme une vérité pénible, dérangeante, rarement directement écrite mais souvent habilement cachée dans les brefs faits évoqués.
On a l'impression que le sort s'acharne à briser les rêves de cette petite dernière, détruire ses moments de joie. On a du mal à imaginer qu'une si petite fille soit déjà si mûre, jamais dupe, mais jamais rebelle, jamais cruelle.

L'enfant s'adresse à sa soeur aînée qui se sert d'elle et de son autre soeur pour justifier, auprès du père, une sortie, dont le but est d'assouvir sa passion pour un militaire, dans le dortoir de la caserne. Les pièces en chocolat achetées pour que les petites ne caftent pas alors que la mère est complice.
Puis les « tu » se succèdent, ce sera pour son frère, sa mère, son père.
Elle lance un cri muet vers sa mère qui ne la remarque pas, qui ne lui parle pas. Sa demande d'attention et de chaleur coule douloureusement entre les mots et serre le coeur. Pourquoi cette indifférence de la mère envers la benjamine de cette fratrie ?
Elle est sensible à la tristesse intérieure du père pour qui elle adopte le comportement d'une petite fille parfaite.
Les évènements explosent dans un style haché. Les hommes égorgés, les pleurs de la mère, le port détesté du départ où un bateau les attend, l'installation dans un appartement trop vaste et froid…

On découvre la présence de l'écriture, un cahier, un « faux » journal romancé pour que celui qui le découvrira et ne respectera pas la consigne ne comprenne pas : « Toi qui ouvres ce cahier, referme-le sans le regarder, il ne t'appartient pas. » Masquer la révolte intérieure, la souffrance.
Ce roman serait-il l'envers du faux journal ? Ce microcosme familial ne serait-il pas une reproduction de notre société : indifférence, mensonge, faux-semblants, dissimulation ?
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Elle se rend compte de notre présence que quand on la gêne. Ah ! elle a autre chose à faire qu'à toujours s'occuper de nous !

Mais moi, je sais l'avoir pour moi toute seule. je sais l'arrêter.
Les mains encore marquetées d'épluchures, vaguement essuyées au tablier, elle s'assoit.
Elle écoute.
elle continue à éplucher ses fichus légumes qu'on aimera pas dans la soupe, mais très lentement, comme ailleurs.
Elle écoute.
Je lui lis mes rédactions.
On fait îlot dans la cuisine.
Ma mère devient une femme qui rêve, le pouce calé contre l'épluchoir qui glisse. Je lui jette un coup d'oeil, ç y est, elle est une autre et elle écoute. Elle et moi, nous appareillons ensemble loin de l'appartement, dans mes mots.
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Il tape comme un professionnel
mais il n’y a pas de match,
c’est gagné d’avance contre
l’adolescent frêle monté en graine,
qui ne riposte pas.
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Je jongle dans une zone où la vérité est toujours infirme,des paralysies de langue protégeant les mensonges organisés.
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ça hurle. Je ne veux plus rien entendre. Rien. J'entends étouffé. Je suis du bois tout resserré. Je suis du bois. Je n'ai plus de jambes plus de pieds. je suis quelque chose de dur et de léger dans l'air. Plus de poids. Je n'existe pas.
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Dans nos corps resserrés par des générations de l'exil répété, nous savons le peu d'espace qu'on nous laisse.
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Videos de Jeanne Benameur (38) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jeanne Benameur
Après notre entretien avec Chloé Deschamps, créatrice du compte Instagram @aquoibonlespoetes, nous poursuivons notre exploration de l'univers poétique. Dans la 2ème partie de cet épisode spécial Poésie, nous sommes en compagnie de Laure, libraire à Dialogues.
Bibliographie :
- le Pas d'Isis, de Jeanne Benameur (éd. Bruno Doucey) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20130380-le-pas-d-isis-jeanne-benameur-editions-bruno-doucey
- Made in woman, d'Hélène Dassavray (éd. La Boucherie Littéraire) https://www.librairiedialogues.fr/livre/16144462-made-in-woman-helene-dassavray-la-boucherie-litteraire
- Prends ces mots pour tenir, de Julien Bucci (éd. La Boucherie Littéraire) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20480403-prends-ces-mots-pour-tenir-bucci-julien-la-boucherie-litteraire
- Faiseur de miracles, de Fadhil Al-Azzawi (éd. Lisières) https://www.librairiedialogues.fr/livre/15531936-faiseur-de-miracles-suad-labiz-ed-lisieres
- Brûler, Brûler, Brûler, de Lisette Lombé (éd. L'Iconoclaste) https://www.librairiedialogues.fr/livre/17378935-bruler-bruler-bruler-lisette-lombe-l-iconoclaste
- Des Frelons dans les coeurs, de Suzanne Rault-Balet (éd. L'Iconoclaste) https://www.librairiedialogues.fr/livre/17378693-des-frelons-dans-le-coeur-suzanne-rault-balet-l-iconoclaste
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