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J'ai encore succombé à une nouveauté malgré ma PAL, à cause du scenario qui me parlait : Un détenu obtient une liberté conditionnelle, et une association de réinsertion l'installe dans un appartement. Mais il est très difficile pour notre personnage de se resocialiser, de ré-apprivoiser une liberté qui n'a plus rien d'évident pour lui : En l'absence de murs pour la délimiter et de passages à tabac pour la sanctionner, comment sait-on où l'on doit s'arrêter ? Ce que l'on a le droit de dire et quand il faut parler ? Comment renouer avec les sentiments qu'on a enfoui pour se blinder ? Peut-on s'autoriser un peu d'empathie sans se faire manipuler ? Se sentant paradoxalement prisonnier de ses incertitudes, ne sachant plus ce que signifie vivre « normalement », notre ancien détenu se prend à observer ses voisins d'en face. Au début, par accident, les voyant aménager en regardant par la fenêtre pour combler le vide qui l'entoure. Puis, intrigué, il profite de l'absence de rideau pour bénéficier de leur compagnie à distance, sans les inconvénients de devoir se présenter. Enfin, grisé par les images intimes que lui offre cette mère de famille tous les soirs dans le cadre lumineux de la fenêtre de sa chambre, il s'enferme dans une routine interdite : du prisonnier surveillé jour et nuit, c'est lui qui devient le surveillant de la vie de cette famille parfaite, prisonnière des apparences qu'il faut sauvegarder. A la fois fasciné et agacé par cet équilibre qui lui semble inatteignable, l'ancien détenu lutte contre ses démons. Comment retrouver la joie de vivre que ces bourgeois de l'immeuble d'en face affichent en permanence ?Et comment supporter leur bonheur et leur normalité ? Mais ces fenêtres ouvertes sur la vie des gens ne sont peut-être que des vignettes bien proprettes, des vitrines étudiées masquant une réalité bien plus grise… Qui est véritablement le plus prisonnier de sa vie ? Tout le monde n'est-il pas prisonnier de quelque chose ? Prisonniers de nos préjugés (et le lecteur en sera sûrement pour ses frais dans ce roman !), de notre routine, de nos obligations ; Prisonnier de nos secrets, de nos fantasmes… ***** J'ai énormément apprécié la plume d'Inès BENAROYA, qui saisit en quelques mots une situation, des sentiments, et sait les dépeindre avec concision, précision, justesse et empathie. Cela rend le texte clair, aéré, léger, et pourtant si pertinent, autant dans la formulation que dans la réflexion. Et il y a beaucoup de réflexions dans ce roman, car l'auteure fait d'une situation relativement simple une poupée gigogne : Alternant le point de vue du détenu puis celui de sa voisine d'en face, elle offre au lecteur différents degrés de perception. Sous les regards complémentaires du détenu mateur puis de la victime qui décide de reprendre les rênes de sa vie, l'histoire prend de l'ampleur. Que ce soit par procuration ou physiquement, ce sont finalement deux prisonniers de leur vie qui s'évadent en s'invitant l'un chez l'autre, et c'est bien là le point commun qui va les rapprocher. Et après tout, qu'est-ce que la littérature sinon regarder un morceau de vie chez d'autres personnages par le bout de la lorgnette, par les fenêtres que l'auteur veut bien nous ouvrir sur eux, et tenter de comprendre ceux qui nous entourent ? Car voir avec des yeux différents développe cette empathie qui nous permet de nous ouvrir aux autres. Une jolie plume contemporaine, très expressive, pleine de bon sens. Etes-vous prêts à regarder de l'autre côté du miroir ? Lien : http://onee-chan-a-lu.public.. + Lire la suite |
Découvrir l'émission : https://www.web-tv-culture.com//emission/ines-benaroya-quadrille-51815.html
J'aimerais bien écrire mais je n'ose pas, je n'y arriverai jamais, je ne sais pas comment faire… Combien de fois entend-on ce genre de commentaires de personnes n'osant pas franchir le cap de l'écriture. Inès Benaroya en a fait partie jusqu'à participer à des ateliers d'écriture. Dès lors, prenant de l'assurance, découvrant des techniques mais surtout laissant libre cours à son imagination, elle met un point final à un premier manuscrit. Ainsi, celle qui jusqu'à présent s'était consacrée à sa vie d'épouse et de mère de famille, avait suivi un beau parcours professionnel dans le marketing, devient romancière. Accueilli positivement chez plusieurs éditeurs, c'est finalement chez Flammarion qu'est publié, avec succès, ce premier titre « Dans la remise ». Suivent « Quelqu'un en vue » et « Bon genre » dans lesquels Inès Benaroya confirme un vrai talent à construire des ambiances, à créer des personnages aux personnalités complexes et aux choix retors, souvent en parallèle à des faits de société.
On retrouve tout cela dans « Quadrille » mais bien plus encore.
Une gentille famille, les Traven, Pierre, Ariane et les enfants, deux ados Jeanne et Guillaume. Tous les quatre partent en vacances sur une ile grecque baignée de soleil. Là, sous le ciel du Péloponnèse, ils font connaissance avec les Sainte Rose, une famille presque comme eux, les parents et deux ados. Mais ils sont tellement plus charismatiques, tellement plus solaires et tellement accueillants et généreux. On partage une grande ville, on part en mer ensemble, on festoie jusqu'à tard dans la nuit en buvant de l'ouzo et en regardant les étoiles. Les deux familles sympathisent, sans doute trop… Et le drame couve, le bleu azuréen va se couvrir de rouge sang.
Cinq ans après, alors que chaque membre de la famille Traven tente de se reconstruire, Ariane, divorcée depuis, raconte. Les souvenirs affleurent par bribes. L'étau se resserre, la plaie est vive. Ariane parviendra-t-elle à sortir la tête de l'eau.
L'intrigue est habilement menée, comme un thriller mais « Quadrille » est avant tout un roman psychologique dans lequel se démènent des anti-héros, chacun avec ses zones d'ombre, ses fragilités, ses trahisons. Un roman suavement pervers qui vous fera réfléchir sur vos prochaines rencontres de vacances !
« Quadrille » le nouveau et très réussi roman d'Inès Benaroya est publié chez Fayard.