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Jean-Maurice Monnoyer (Éditeur scientifique)Adrienne Monnier (Auteur de la postface, du colophon, etc.)Gisèle Freund (Auteur de la postface, du colophon, etc.)Jean Selz (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782070426942
499 pages
Gallimard (24/02/2003)
4.22/5   9 notes
Résumé :

Tous ces écrits appartiennent à la dernière période de la vie de Walter Benjamin : son exil en France, de 1933 jusqu'à son suicide en 1940, quand il ne put obtenir de visa pour passer en Espagne. Ces textes - tantôt des écrits que Benjamin rédigea en français ; tantôt des traductions auxquelles il collabora directement comme les cinq fragments d'Enfance berlinoise - dressent précisément une image... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
On serait en droit de se poser des questions sur la pertinence de recueillir dans un livre des textes si disparates. On y trouve aussi bien des travaux théoriques, des études sur divers intellectuels et écrivains ou quelques lettres et souvenirs autobiographiques. Leur point commun, comme l'indique le titre, serait le français, même si cela semble parfois artificiel.
Walter Benjamin était suffisamment francophone pour traduire Baudelaire ou Proust et même rêver en français. Sauf qu'il a, finalement, très peu écrit dans cette langue. Sur la douzaine de textes rassemblés ici, seuls trois ou quatre l'ont été directement en français. Les autres sont des traductions effectuées par lui-même ou bien par des tiers ; même s'il a participé à ces traductions et parfois très activement, c'est quand même surprenant de les rassembler sous le titre « Ecrits français ».
Quoi qu'il en soit, Benjamin était indéniablement un francophile. Il avait une vraie admiration pour le pays des révolutions, la grande, celle contre la monarchie, et la ratée : la commune. Révolutionnaire convaincu, des fois communiste, et grand admirateur de Marx, Blanqui et Fourier. Quelques-uns de ses textes sont très marqués politiquement, en particulier dans la lutte contre le fascisme. Benjamin, très tôt, s'était aperçu que l'affrontement était devenu inévitable. A la glorification de l'individu qui lui parait une chose bourgeoise, il préfère s'occuper des masses, des ensembles. C'est un écrivain qui met essentiellement l'accent sur le politique, sur ce qui assemble et il voit dans l'intime une préoccupation passéiste.
Cependant, même s'il était adepte des dichotomies il faut lui reconnaître une véritable honnêteté. Et pour cette raison, c'est parfois très difficile de le suivre. Il analysait avec la même objectivité les oppositions qu'il trouvait. du reste, on trouve aussi dans ce livre quelques textes autobiographiques ou plus intimes qui laissent entrevoir une inspiration surréaliste (le surréalisme des années 20), où le rêve et l'inconscient ont une place importante.
Peut-être que dans le domaine de la philosophie la notion qui l'a le plus préoccupée est celle du temps. Mais là encore c'est très difficile de savoir à quoi s'en tenir ; pourtant il ne faudrait pas parler d'évolution, encore moins de progrès. Il se montre critique vis-à-vis de la tradition, on le sent progressiste, attiré par l'Histoire, le souvenir, mais sans nostalgie. Autre part, il se montre a contrario plein de regrets. Puis, il est très critique sur le progressisme aveugle, veut sauver la tradition, les autres traditions, non pas celle falsifiée par une Histoire constamment écrite, érigée, par le vainqueur. « Sur le concept d'histoire », est le texte qui m'a le plus intéressé, mais mit en relation avec ses autres écrits sur « le narrateur » et « L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée ». La tradition, l'actualité, le progrès, ces mots honnis par les uns et les autres, Walter Benjamin a tenté de n'en oublier aucun.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Le premier indice d’un processus qui aboutit à la chute de la narration est le développement du roman au début des Temps modernes. Ce qui distingue le roman de la narration (et du genre épique au sens restreint), c’est ce fait qu'il dépend essentiellement du livre. Le roman ne peut se propager qu’à partir du moment où l’imprimerie est inventée. La tradition orale – héritage du genre épique – est autrement constituée que ce qui fait le fond du roman. Ce qui oppose le roman à toute autre forme de prose et avant tout à la narration, c'est qu'il ne procède pas de la tradition orale et ne saurait la rejoindre.
Ce que le narrateur raconte, il le tient de l'expérience, de la sienne propre ou d'une expérience communiquée. Et à son tour il en fait l'expérience de ceux qui écoutent son histoire. Le romancier, par contre, s'est confiné dans son isolement. Le roman s'est élaboré dans les profondeurs de l'individu solitaire, qui n'est plus capable de se prononcer de façon pertinente sur ce qui lui tient le plus à cœur, qui est lui-même privé de conseil et ne saurait en donner.
Le roman révèle la situation d’un homme qui ne reçoit ni ne donne aucun conseil. Écrire un roman, c'est faire ressortir par tous les moyens ce qu'il y a d'incommensurable dans la vie. Dans l'abondance même de la vie et par la représentation de cette abondance, le roman révèle la profonde aboulie du vivant. La première grande œuvre du genre, Don Quichotte, nous montre d'emblée comment la grandeur d’âme, l'audace, la serviabilité de l'homme le plus noble sont entièrement dénuées de bon conseil et ne contiennent pas la moindre étincelle de sagesse.

Le narrateur - V
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Le génie de Baudelaire, qui trouve sa nourriture dans la mélancolie, est un génie allégorique. Pour la première fois chez Baudelaire, Paris devient objet de poésie lyrique. Cette poésie locale est à l’encontre de toute poésie de terroir. Le regard que le génie allégorique plonge dans la ville trahit bien plutôt le sentiment d’une profonde aliénation. C’est là le regard d’un flâneur, dont le genre de vie dissimule derrière un mirage bienfaisant la détresse des habitants futurs de nos métropoles. Le flâneur cherche un refuge dans la foule. La foule est le voile à travers lequel la ville familière se meut pour le flâneur en fantasmagorie. Cette fantasmagorie, où elle apparaît tantôt comme un paysage, tantôt comme une chambre, semble avoir inspiré par la suite le décor des grands magasins, qui mettent ainsi la flânerie même au service de leur chiffre d’affaires. Quoi qu’il en soit les grands magasins sont les derniers parages de la flânerie.

Dans la personne du flâneur l’intelligence se familiarise avec le marché. Elle s’y rend, croyant y faire un tour ; en fait c’est déjà pour trouver preneur. Dans ce stade mitoyen où elle a encore des mécènes, mais où elle commence déjà à se plier aux exigences du marché (en l’espèce du feuilleton), elle forme la bohème. A l’indétermination de sa position économique correspond l’ambiguïté de sa fonction politique. Celle-ci se manifeste très évidemment dans les figures de conspirateurs professionnels, qui se recrutent dans la bohème. Blanqui est le représentant le plus remarquable de cette catégorie. Nul n’a eu au XIXe siècle une autorité révolutionnaire comparable à la sienne. L’image de Blanqui passe comme un éclair dans "les Litanies de Satan". Ce qui n’empêche que la rébellion de Baudelaire ait toujours gardé le caractère de l’homme asocial : elle est sans issue. La seule communauté sexuelle dans sa vie, il l’a réalisée avec une prostituée.

*

Nul trait ne distinguait, du même enfer venu,

Ce jumeau centenaire.

"Les sept vieillards"

Le flâneur fait figure d’éclaireur sur le marché. En cette qualité il est en même temps l’explorateur de la foule. La foule fait naître en l’homme qui s’y abandonne une sorte d’ivresse qui s’accompagne d’illusions très particulières, de sorte qu’il se flatte, en voyant le passant emporté dans la foule, de l’avoir, d’après son extérieur, classé, reconnu dans tous les replis de son âme. Les physiologies contemporaines abondent en documents sur cette singulière conception. L’œuvre de Balzac en fournit d’excellents. Les caractères typiques reconnus parmi les passants tombent à tel point sous les sens que l’on ne saurait s’étonner de la curiosité incitée à se saisir au-delà d’eux de la singularité spéciale du sujet. Mais le cauchemar qui correspond à la perspicacité illusoire du physiognomiste dont nous avons parlé, c’est de voir ces traits distinctifs, particuliers au sujet, se révéler à leur tour n’être autre chose que les éléments constituants d’un type nouveau ; de sorte qu’en fin de compte l’individualité la mieux définie se trouverait être tel exemplaire d’un type. C’est là que se manifeste au cœur de la flânerie une fantasmagorie angoissante. Baudelaire l’a développée avec une grande vigueur dans "Les sept vieillards". Il s’agit dans cette poésie de l’apparition sept fois réitérée d’un vieillard d’aspect repoussant. L’individu qui est ainsi présenté dans sa multiplication comme toujours le même témoigne de l’angoisse du citadin à ne plus pouvoir, malgré la mise en œuvre de ses singularités les plus excentriques, rompre le cercle magique du type. Baudelaire qualifie l’aspect de cette procession d’infernal. Mais le nouveau que toute sa vie il a guetté, n’est pas fait d’une autre matière que cette fantasmagorie du « toujours le même ». (La preuve qui peut être fournie que cette poésie transcrit les rêves d’un haschichin n’infirme en rien cette interprétation.)

*

Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !

"Le Voyage"

La clé de la forme allégorique chez Baudelaire est solidaire de la signification spécifique que prend la marchandise du fait de son prix. A l’avilissement singulier des choses par leur signification, qui est caractéristique de l’allégorie du XVIIe siècle, correspond l’avilissement singulier des choses par leur prix comme marchandise. Cet avilissement que subissent les choses du fait de pouvoir être taxées comme marchandises est contrebalancé chez Baudelaire par la valeur inestimable de la nouveauté. La nouveauté représente cet absolu qui n’est plus accessible à aucune interprétation ni à aucune comparaison. Elle devient l’ultime retranchement de l’art. La dernière poésie des Fleurs du Mal : « Le Voyage ». « Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre ! » Le dernier voyage du flâneur : la Mort. Son but : le Nouveau. Le nouveau est une qualité indépendante de la valeur d’usage de la marchandise. Il est à l’origine de cette illusion dont la mode est l’infatigable pourvoyeuse. Que la dernière ligne de résistance de l’art coïncidât avec la ligne d’attaque la plus avancée de la marchandise, cela devait demeurer caché à Baudelaire.

Spleen et idéal - dans le titre de ce premier cycle des Fleurs du Mal le mot étranger le plus vieux de la langue française a été accouplé au plus récent. Pour Baudelaire il n’y a pas contradiction entre les deux concepts. Il reconnaît dans le spleen la dernière en date des transfigurations de l’idéal - l’idéal lui semble être la première en date des expressions du spleen. Dans ce titre où le suprêmement nouveau est présenté au lecteur comme un « suprêmement ancien », Baudelaire a donné la forme la plus vigoureuse à son concept du moderne. Sa théorie de l’art a tout entière pour axe la « beauté moderne » et le critère de la modernité lui semble être ceci, qu’elle est marquée au coin de la fatalité d’être un jour l’antiquité et qu’elle le révèle à celui qui est témoin de sa naissance. C’est là la quintessence de l’imprévu qui vaut pour Baudelaire comme une qualité inaliénable du beau. Le visage de la modernité elle-même nous foudroie d’un regard immémorial. Tel le regard de la Méduse pour les Grecs.
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Videos de Walter Benjamin (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Walter Benjamin
Par Delphine Minoui, grand reporter, lauréate du Prix Albert Londres 2006 Tout public, à partir de 10 ans
« Lumières pour enfants », c'était le titre donné par Walter Benjamin aux émissions de radio destinées à la jeunesse qu'il assura avant la montée du nazisme. Ce titre, Gilberte Tsaï l'a repris pour les Petites conférences qu'elle programme depuis 2001 dans différents établissements culturels. Elles reposent sur le pari que ni les grandes questions, ni les espaces du savoir, ne sont étrangères au monde des enfants et qu'au contraire elles font partie de leur souci, formant un monde d'interrogations restant trop souvent sans réponses. La règle du jeu en est la suivante : un spécialiste d'une matière ou d'un domaine accepte de s'adresser à un public composé d'enfants mais aussi d'adultes, et de répondre à leurs questions. À chaque fois, il n'est question que d'éclairer, d'éveiller : en prenant les sujets au sérieux et en les traitant de façon vivante, hors des sentiers battus.
Programme de la Petite conférence #2 – « Raconter la guerre, dessiner la paix, 25 ans de reportages au Moyen-Orient » par Delphine Minoui :
Rien ne prédestinait l'enfant timide, née à Paris d'une mère française et d'un père iranien, à devenir reporter de guerre. Quand elle s'envole pour Téhéran, en 1997, c'est avec l'envie d'y raconter le quotidien des jeunes de son âge, épris d'ouverture. Mais l'après 11-septembre 2001 chamboule tout. Elle se retrouve en Afghanistan, puis en Irak, pour suivre l'invasion américaine et ses conséquences sur la région. Depuis, les soubresauts s'enchaînent : révolutions du printemps arabe, attentats de Daech, crise des réfugiés syriens, putsch raté en Turquie, retour des Taliban à Kaboul. Mais Delphine ne perd jamais espoir. Sensible à l'humain au milieu du chaos, elle navigue entre ses articles et ses livres pour faire parler la paix, encore et toujours, en racontant le combat des héros anonymes croisés sur son chemin.
Entre anecdotes et confidences, la conférence donnera à voir les coulisses du reportage, où le journaliste n'est ni un super héros ni un agent du « fake news » au service d'un grand complot, mais un témoin d'exception, porteur de lumière, même au coeur de l'obscurité.
Le terrain est la colonne vertébrale de son écriture. Correspondante au Moyen-Orient pour France Inter et France Info dès 1999 puis pour Le Figaro depuis 2002, Delphine Minoui a consacré la moitié de sa vie à cette partie du monde synonyme de révolutions, coups d'État et conflits.
À lire – « Les petites conférences » sont devenues une collection aux éditions Bayard. Delphine Minoui, L'alphabet du silence, l'Iconoclaste, 2023 Les Passeurs de livres de Daraya, Seuil, 2017 Je vous écris de Téhéran, Seuil, 2015
Conception et programmation : Gilberte Tsaï – Production : l'Équipée.
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