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EAN : 9782370210807
112 pages
Raconter la vie (15/01/2015)
3.52/5   23 notes
Résumé :
Omar retrace dans ce livre un itinéraire précurseur, le sien : comment, jeune Français d’origine algérienne, il est devenu, au milieu des années 1990, l’un des premiers « barbus ». Il raconte les étapes successives de sa quête d’identité : décrochage scolaire, apprentissage accéléré de l’islam dans les mosquées de la région parisienne, voyages initiatiques à travers le monde, puis défonce sur les pistes de danse. Au terme de ces expériences, il trouve finalement son... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Cela se passe au milieu des années 1990. Omar Benlaala est un jeune parisien aux marges de la délinquance. Sa scolarité est un échec, il traîne avec ses amis du quartier et ne sait guère quoi faire de sa vie. Comme nombre d'entre eux, son avenir semble tout tracé : prison ou hôpital pour toxicomanes ou encore cimetière. Un jour, un ami lui propose de l'accompagner dans une mosquée des hauteurs de la capitale française. «Il y a du thé et des cacahuètes» lui dit-il en guise d'argument définitif. Omar est convaincu, il va suivre le mouvement.

Premier contact, donc, avec la mosquée. Et là, déjà, face aux gens agglutinés autour de la théière, une certaine fascination pour l'apparence : «sur une dizaines de convives, la moitié porte la barbe et l'habit ‘'musulman'' - un mixte entre la tunique héritée de l'arrière-pays pakistanais et la robe de l'homme d'affaires saoudien : ça en jette bien plus que ma dégaine mille fois vue et revue. L'image de Satan Petit Coeur me vient immédiatement à l'esprit. Ce personnage de Dragon Ball – dessin animé culte pour ma génération – m'a ensorcelé au point de devenir l'une des causes de ma précoce déscolarisation».

C'est d'ailleurs ce personnage qui va inspirer Omar quand il va commander « sa » tenue. Lui qui, quelques semaines plus tôt usait et abusait des substances interdites. Lui qui ne parle presque pas l'arabe, qui connaît à peine les premiers versets du Coran – il s'entraîne ferme pour mémoriser la Fatiha – le voilà paré de l'habit qui lui permet d'afficher sa réislamisation car c'est bien de cela qu'il s'agit. Autre extrait : « L'adaptation aux normes musulmanes de virilité se fait sans heurt : le turban vaut bien la casquette, et quel plaisir de glisser un bâton de khôl entre les paupières avant chaque promenade ! (…) Sur la route, regards stupéfaits et mines pantoises. Si, à l'heure où j'écris, les barbus en tenue traditionnelle sont légion à Ménilmontant, au début des années 1990, ils étaient aussi rares que la naissance d'une étoile dans le ciel de Paris. Moi, le boutonneux de service, je devenais celui dont on parle, que l'on regarde, et j'adore ça. Je teste, bien avant l'émergence des réseaux sociaux, l'effet pervers du commentaire. »

En lisant ces lignes, il est impossible de ne pas penser à toute cette jeunesse française de culture ou de confession musulmanes dont l'affirmation identitaire passe par l'habit. Qamis et barbes pour les uns, hidjab voire plus pour les unes. Il y a quelques jours, dans une station de métro située dans les beaux quartiers de l'ouest parisien, cinq ou six jeunes filles voilées sont montées dans la rame. Silence gêné, regards inquiets ou hostiles les ont accueillies. Une fausse indifférence, crispée, aussi. Elles en avaient conscience. Certaines en rajoutaient dans le bruit et l'agitation. D'autres faisaient mine de ne pas s'en émouvoir mais leurs regards en coin les trahissaient. « Ce ne sont que des adolescentes mais la plupart des gens ne le voient pas. Ils se persuadent d'autre chose », m'a dit le confrère qui m'accompagnait. A la gauche de la gauche, islamophile et militant anticolonial de longue date, il m'a avoué qu'il a mis longtemps à accepter la vision quotidienne du voile. Je n'ai pas eu besoin qu'il me dise cela pour être convaincu que cette affaire est loin d'être terminée et que le hidjab – ne parlons même pas du reste – va continuer d'entretenir les (mauvaises) passions à l'image de ces pauvres types qui, à Paris, ont agressé Latifa Ibn Zyaten, la mère de l'une des victimes de Merah parce que, justement, elle porte le voile.

Omar Benlaala a continué son apprentissage religieux. Il a mémorisé de nombreuses sourates. Il a maîtrisé la langue arabe. Avec ses camarades prosélytes, il a sillonné la région parisienne, se déplaçant de mosquées en salles de prières. Puis, est venu le temps des voyages initiatiques à travers le monde. le Pakistan, l'Inde… D'autres pays musulmans. Dans ce périple, Omar a eu de la chance. L'hydre djihadiste ne l'a pas capturé. Sa quête identitaire et religieuse l'a mené plus vers les champs de la spiritualité. Puis ce fut le retour à Paris et cette étrange combinaison : la barbe, toujours et encore, autrement dit la persistance d'un lien avec le religieux, et… la défonce sur les pistes de dance. On lit cela étonné. On relit. On se souvient des textes de Fanon ou de Werth à propos de la danse, de son caractère exutoire, de ce qu'elle dit des violences refoulées.

La quête d'Omar l'a conduit vers l'apaisement et une pratique spirituelle plus sereine. Tout cela est écrit avec talent et simplicité. Les mots choisis sont justes, l'humour y est souvent présent sans pour autant que l'auteur ne tombe dans le piège du style « wech-wech ». de temps à autre, des institutions publiques font appel à Omar Benlaala pour qu'il raconte son parcours aux jeunes des quartiers populaires. Il accepte de bon coeur, conscient des enjeux de notre époque. On lui souhaite bonne route, on attend de le lire encore – il recueille actuellement la parole et les souvenirs de ses parents immigrés algériens – et le seul conseil que l'on puisse se permettre de lui adresser est de se méfier des médias obnubilés par le djihadisme qui sévit en France, faune toujours à la recherche d'un « bon musulman » utilisable à souhait pour donner du crédit au discours islamophobe.
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En vérité, un cycle se clôt

Avant de m'affranchir de la lettre du récit, je reproduit le résumé de l'éditeur :

« Omar retrace dans ce livre un itinéraire précurseur, le sien : comment, jeune Français d'origine algérienne, il est devenu, au milieu des années 1990, l'un des premiers « barbus ». Il raconte les étapes successives de sa quête d'identité : décrochage scolaire, apprentissage accéléré de l'islam dans les mosquées de la région parisienne, voyages initiatiques à travers le monde, puis défonce sur les pistes de danse. Au terme de ces expériences, il trouve finalement son équilibre dans une pratique spirituelle apaisée. Il y a dix ans, alors qu'un nombre croissant de jeunes font le choix de l'islamisme, Omar coupe sa barbe et redevient invisible. Commence alors pour lui une nouvelle quête, ne visant plus ni l'absolu ni la distinction, celle du calme intérieur. le parcours singulier d'Omar aide à comprendre celui d'autres jeunes qui, aujourd'hui, se cherchent dans la religion. »

Un livre, pas seulement un récit, des mots et des phrases qui donnent sens au passé proche et au présent, « Je ne cours plus, je lis, j'écris ». Omar Benlaala donne à voir, à un travers son livre, une histoire, des possibles et des bifurcations, des ruptures… « N'ayant jamais mis les pieds dans une mosquée, je ne savais pas ce que j'allais y trouver. Mais parfaitement ce que je fuyais ».

Milieu des années, une ville et un quartier populaire, « leurs vêtements suintent l'humilité, leur mine l'épuisement », des rencontres plausibles…

Changement de look, barbe et ce « mixte entre la tunique héritée de l'arrière-pays pakistanais et la robe de l'homme d'affaires saoudien », sans oublier le turban « Et si, en plus, dans le package, ils fournissent le turban… »

Un monde si différent et si proche, entremêlé à ce qui lui semble séparé, monde des croyants, monde des super-héros, autre temporalité, « une discipline bien venue : apprendre me manquait ». Un monde de mots, de métaphores, « mais je n'ai pas aperçu aucune nuée de flamants escorter le groupe ». Dois-je rappeler ici que les lectures ne sont jamais littérales, hors des espaces et des temps…

Échapper à sa condition, pas forcément « devenir un virtuose », participer et être… Trouver et mettre une clé dans une serrure pour ouvrir les portes… « Je résume ma joie d'avoir trouvé un lieu de vie, des amis, ma nouvelle ambition, et tout un tas d'histoires ».

La société nous fait malades et « Au malade, il faut un remède radical. le comportement irréprochable que promet l'institution religieuse apparaît comme une panacée ». Il fut un autre temps où le radical se nommait « socialisme »…

Chacun-e se construit ses mondes plausibles, les pensées plus ou moins contraintes par les environnements et les possibles envisageables, « mon imagination se hâte de construire des mondes où je suis le héros », et ce héros est invité à parler, à prêcher, « Moi, le boutonneux de service, je devenais celui dont on parle, que l'on regarde, et j'adore ça », amour propre, rayonnement et retour à la réalité du métro parisien et ses jeux de miroirs, « Je me sens tout d'un coup moins seul, mais redeviens insignifiant… ».

Rapport avec d'autres jeunes, le respect, « j'ai taquiné le juge quand eux n'ont pas dépassé le commissariat », sociabilité et socialisation des hommes…

Voyage en Inde, au Pakistan, « Et à mon âge, mesdames et messieurs on ne craint rien. On expérimente ». Voyager alors, ce n'est pas comme aujourd'hui, « Aux yeux des douaniers, nous sommes des excentriques, pas encore des suspects ». D'autres rapports aux êtres humains, d'autres relations spirituelles, d'autres inclinaisons sensorielles, « le son, bien plus que l'image, fait la différence : le sermon est psalmodié, comme c'est de coutume pour la récitation des versets du livre »… Beauté du langage des « chants » religieux…

Un voyage expérience, « Un mois au Pakistan vaut un an sous les armes » ; dérivés religieux et commerce, « Les commerçants entourent la poule aux oeufs d'or de mille attention » ; le devoir de croyant, « ici, on responsabilise ; on n'ordonne pas » ; des interrogations « ma religiosité ne serait pas, comme la sienne, le fruit d'un conditionnement ? »…

Retour, les constatations grimaçantes, « A ma gauche, une femme aussi outrageusement fardée que je suis travesti ; nous sommes bien plus semblables que sa grimace ne le suggère : la camouflage diffère, pas la pathologie »…

Le désir d'autres moments, d'autres rencontres, « laissez-moi danser », le contact avec les femmes ; faire et défaire, « le religieux se nourrit de remords » ; retour à la drogue, « la drogue ne crée qu'un semblant d'égalité » ; la fin d'un cycle, « Entre le saint et le noceur, les premières semaines de cohabitation sont un cauchemar » ; de « lumière du quartier » à vampire…

Changement de vêture, d'accoutrement, reste la barbe « collée à ma gueule de métèque, que je me refuse à élaguer, persuadé que je ne fais que traverser les limbes », gueule de métèque, cette gueule qui ne rentre pas dans le moule d'une certaine blanchité, cette gueule aussi des schwartz, ces juifs/juives des années 30, ces immigré-e-s de l'Europe de l'est, ces immigré-e-s de autre coté de la Méditerranée… Et aujourd'hui ceux/celles qui sont et ne sont pas vraiment des « français » comme les « autres », ceux/celles qui portent aussi une casquette à l'envers, un foulard, une perruque, un turban, une kippa, des signes qui les font montrer du doigts… Mais je m'égare…

Retour sur soi, basculement du siècle « Ni les tapis, ni les parquets ne me retiennent plus ». Nouvelle spiritualité, Chypre, le dhikr… « je décide de trancher dans le vif ».

Le dernier chapitre « Anonyme ». La barbe coupée, un petit logement, un contrat, deux années à la Réunion… Retour au quartier « Un rêve se réalise. J'ai enfin acquis le seul véritable superpouvoir : l'invisibilité ». le temps aussi de l'écriture, « Je ne cours plus, je lis, j'écris ».

Un livre, un écrivain plein d'humour, loin des inventions complotistes, des simplifications racialisantes… Il est des rêves dont on ne se réveille pas, d'autres qui tournent au cauchemar, d'autres enfin qu'on espère rêver…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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C'est le livre qu'il faut lire pour comprendre le phénomène de la radicalisation religieuse. Loin des afféteries de pseudo-experts, des bazars de la pensée et des théories aussi molles que vaseuses, l'auteur nous donne de quoi réfléchir sérieusement à travers un récit amusant et détaché en ces temps de perturbations idéologiques.
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Omar Benlaala raconte son parcours. Il a 20 ans dans les années 90. Pauvre, désoeuvré, drogué, il pousse la porte de la mosquée de son quartier au moment où l'ecstasy fait un carnage chez les toxicos . Ses objectifs : « «échapper à sa condition », « devenir un autre », mais aussi s'amender auprès de ses parents. Mais ces derniers désapprouvent son engagement : « cette fois-ci, ce ne sont pas les voyous qui prennent leur fils, mais les barbus ». Sa formation religieuse se poursuit par un long voyage qui le mène au Pakistan, au Bangladesh et en Inde. Là, il sombre à nouveau dans la drogue mais redécouvre une manière plus libre de pratiquer sa foi. Dès son retour en France, il prend ses distances avec la mosquée. Et malgré encore de nombreuses années d'errance, il parvient à trouver son équilibre entre sa vie personnelle et sa foi. Si la religion est montrée comme une voie de sortie possible pour un ado en rupture, dans le cas d'Omar, la démarche se fait sans haine ni violence contre quiconque, juste dans la volonté de s'en sortir. Sa vivacité d'esprit se heurtera très vite à l'autorité et au dogme rigoristes qu'on cherche à lui imposer et c'est elle qui lui permettra de s'en sortir, dans tous les sens du terme.
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Après avoir lu "Tu n'habiteras jamais Paris" où il était question de son père en grande partie, j'ai eu envie de rependre le récit d'Omar Benlaala écrit dans la collection "raconter la vie". Un livre dans lequel il revient sur son parcours à lui cette fois-ci. Un parcours dans lequel il découvre la religion avant de vivre uniquement par rapport à elle puis d'évoluer dans les extrêmes. Omar Benlaala avec précision revient sur une trajectoire marquée par le décrochage scolaire, un rapport aux drogues complexe, sa découverte de la religion ou encore la quête d'un équilibre qu'il peine à trouver. L'auteur se livre et déconstruit les raisons qui l'ont poussé à faire tout ce qu'il a fait. Il essaie de comprendre, témoignage, constate, ne juge pas. C'est souvent de petits bouquins passionnant cette collection initiée par Pierre Rosanvallon et "La barbe" d'Omar Benlaala ne fait pas exception. N'hésitez pas à découvrir ce texte.
Lien : https://lesmafieuses.wordpre..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
(...) en quittant l'école, j'ai profondément blessé mon père, sorti de deux guerres. Mais, las d'être le poison d'une famille sans problème, je brûle déjà de reconquérir son estime, et d'entendre ma mère encenser à nouveau sa chair. Voilà le salaire auquel j'aspire. Comment s'amender, après tant d'années d'errance? Au malade, il faut un remède radical. Le comportement irréprochable que promet l'institution religieuse apparaît comme la panacée.
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A ma gauche, une femme aussi outrageusement fardée que je suis travesti ; nous sommes bien plus semblables que sa grimace ne le suggère : la camouflage diffère, pas la pathologie
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L'émir a été formel : la piété filiale est la base de toute piété. Satisfait de morceau de bravoure, convaincu d'avoir fait le plus dur, j'en oublie que j'ai disparu trois jours sans même rassurer mes parents d'un coup de fil. Au lieu de renouer le lien, comme je suis persuadé de le faire, j'aggrave mon cas ; cette fois, ce ne sont pas les voyous qui prennent leur fils, mais les barbus...
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N’ayant jamais mis les pieds dans une mosquée, je ne savais pas ce que j’allais y trouver. Mais parfaitement ce que je fuyais
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Le son, bien plus que l’image, fait la différence : le sermon est psalmodié, comme c’est de coutume pour la récitation des versets du livre
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Videos de Omar Benlaala (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Omar Benlaala
Entretien avec Omar Benlaâla à l'occasion de la publication de son livre -Tu n'habiteras jamais Paris- aux éditions Flammarion.
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