“Je suis encore très loin de moi —
c’est moi que je veux devenir.
(…)
Ma jeunesse est comme une croûte :
une blessure vit au-dessous.
du sang y suinte chaque jour.”
"un bleu qui se tait, sait se taire :
il abreuve la lumière (...)
Méditerranée,
pressentiment
de l'histoire du monde,
halte à la folie
de la poursuite de la marche terrestre,
Méditerranée succube créatrice de dieux :
toi qui protège, platane,
elle ne perdit jamais ses feuilles."
Personne ne sera le bord de mon chemin.
Laisse seulement tes fleurs se faner.
Mon chemin coule et va tout seul.
Deux mains sont une trop petite coupe.
Un coeur est une trop petite colline
pour y reposer.
Oh, toi, je vis toujours sur la plage
et sous l’avalanche des fleurs de la mer;
l’Égypte s’étale devant mon coeur,
l’Asie point peu à peu.
L’un de mes bras est toujours dans le brasier.
Cendre est mon sang. Passant devant
poitrine et ossements
je sanglote toujours mon désir d’îles tyrrhéniennes
Une vallée apparaît et des peupliers blancs
un Ilyssos aux rives de prairies,
l’Éden, Adam et une terre
de nihilisme et de musique.
Nous portons en nous des germes de tous les dieux
TARDIF
III
Être encore une fois comme avant :
irresponsable et sans savoir la fin,
sentir la chair, soif et tendresse,
conquête et perte,
saisir et tendre vers cet autre - vers quoi ?
Rester assis le soir, voir dans le gosier de la nuit,
il se rétrécit mais le fond il y a des fleurs,
des parfums montent brefs et tremblants,
et derrière naturellement la pourriture,
puis c'est entièrement sombre,
tu sais à quoi t'en tenir,
tu jettes ton argent et tu sors -
aimé tant de mensonges
cru à tant de paroles
venues de la courbe des lèvres -
et ton propre coeur
si changeant sans fond si momentané -
aimé tant de mensonges
cherché tant de lèvres
( " Enlève-ce rouge de ta bouche,
donne-la-moi toute pâle " )
et toujours plus de questions -
Silencieuse nuit. Maison silencieuse.
Je suis des plus calmes étoiles,
Je porte ma propre lumière
Jusqu’au bout de ma propre nuit.
Des cavernes, des cieux, de la boue,
Du bétail je suis rentré dans mon cerveau.
Et ce qui s’accorde encore à la femme
Est une sombre et douce onanie.
Je masse le monde. Je râle le rapt.
Et la nuit je roule nu dans la joie:
La force de la mort, la puanteur des cendres
Ne me rejettent pas, Ich-Begriff, dans le monde.
Jamais plus seul…
Jamais plus seul qu’en août :
heure de l’accomplissement – dans les campagnes
les incendies rouges et dorés –
mais où est la volupté de tes jardins ?
Les lacs clairs, les cieux tendres,
les champs propres brillant doucement,
mais où sont victoire et preuves de victoire
de cet empire que tu représentes ?
Là où tout se prouve par le bonheur
et échange regards et anneaux
dans l’odeur du vin, dans l’ivresse des choses,
tu sers, toi, l’antibonheur, l’esprit.
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Vois les étoiles, les serres
Vois les étoiles, les serres
de la lumière et le ciel et la mer,
quels chants crépusculaires de bergers
poussent-ils jusqu’ici,
toi aussi, les voix appelées et ton cercle médité,
descends les marches silencieuses
et suis le messager de la nuit.
Pars
quand tu auras vidé les mythes et les mots,
tu ne verras plus
une nouvelle cohorte de dieux,
ni leurs trônes sur l’Euphrate
ni leur écriture, ni le mur –
verse, Myrmidon,
le vin obscur dans la terre.
Puis
quel que soit alors le nom des heures
tourment et larmes de l’être,
tout fleurit dans l’écoulement de ce vin nocturne ;
Eone coule en silence,
il reste encore à peine un coin de rive –
rends maintenant au messager
la couronne, le rêve et les dieux.
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Tu dois tout te donner
Donne à ton bonheur, donne à ta mort,
échangés rêves et soupçons,
cette heure, ses désirs
pleins de bruissements d’ombrelles,
faucille et signes de l’été
sortis des campagnes,
cruches et coupe d’eau
abaissées avec douceur et lassitude.
Il faut que tu te donnes tout,
les dieux ne te font pas de cadeaux,
donne-toi le léger flottement
parmi les roses et la lumière,
ce qui un jour bleuit comme ciel,
abandonne-toi à son charme
écoute en silence les derniers sons.
Même si tu étais l’isolé,
même si tu as accompli l’obscur,
ah, déjà passe la pure, la calme,
l’éteinte route,
ah, déjà l’heure, cette
légère dans la lumière du fuseau,
celle que de sa quenouille
la Parque tresse en chantant.
Fus-tu le grand abandonneur
des larmes s’accrochaient à toi
et les larmes sont de l’eau dure
qui s’écoula sur les pierres,
maintenant tout est accompli
plus de larmes plus de colères
tout ébloui par les vagues
toi dans les roses et la lumière.
Heure douce. Ô vieillir !
Déjà offert le blason :
taureau parmi les porteurs de flambeaux
mais les torches baissées ;
maintenant des plages, des Lidos,
d’une mer orange, profondément
et en essaim les sphingidés
amènent par ici les ombres.
Tu te donnas tout à toi seul,
donne-toi le dernier bonheur,
reprends les bois d’oliviers,
reprends les colonnes,
déjà les membres se détachent,
et dans ta dernière vision
des messagers descendent
roses et lumières.
Sorbiers
Sorbiers — non rouges encore,
non encore dans cette couleur
où ils évoluent en ardeurs tardives,
baies pour oiseaux, automne, mort.
Sorbiers — encore un peu blêmes,
pourtant regarde : déjà liés en bouquets
annonçant à mi-profondeur
les heures de l'adieu :
peut-être jamais plus,
peut-être cette dernière fois.
Sorbiers — cette année comme toujours :
en teintes d'abord ternes
puis en rouge
colorés pleins mûris offerts à Dieu —
mais toi, quand t'es-tu coloré,
quand as-tu été plein et mûr ?
SUR TES PAUPIÈRES J'INCLINE LE SOMMEIL
Sur tes paupières j'incline le sommeil,
j'envoie le baiser sur tes lèvres,
alors que seul je dois porter
la nuit le souci le rêve.
Autour de tes traits j'étends le deuil,
j'étends la joie,
alors que nuit et frissons mortels
tissent seuls dans ma poitrine.
Tu es trop faible pour donner à fond
et tu ne porterais pas mon moi,
c'est pourquoi je dois me soulever le soir
et t'envoyer baiser et sommeil.