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Citations sur Mémoires d'un témoin du siècle (4)

20.02.1958 : Les dons de la civilisation occidentale

Je suis dans une salle de cinéma où j’ai devant moi deux femmes égyptiennes. Elles fument. Leurs traits indiquent des personnes qui ont tout donné à la vie pour lui prendre ses jouissances. La société occidentale a créé ce type qui n’est plus la femme et qui ne sera jamais l’homme, et nous en fait cadeau. Ce type est le meilleur instrument qu’on pouvait trouver pour désintégrer la société. La civilisation occidentale a livré le monde à la femme, au Juif et à l’atome. Si le monde résiste à la désintégration avec cette trinité, ce sera un miracle. (pp. 389-390)
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12.07.1964 : Civilisation apocalyptique

Le développement de la civilisation occidentale à l’échelle mondiale pose plus d’un problème, notamment dans l’ordre métaphysique. Son échelle transgresse d’abord la loi des cycles qui a été formulée pour la première fois par Ibn Khaldoun et qui a été reformulée par l’Occident depuis Giovanni Battista Vico (1725) par une suite d’historiens ou de philosophes comme Montesquieu, Spengler, Toynbee. Car la notion de cycle est inconciliable avec un phénomène de civilisation qui recouvre toute la surface de la terre. Le cycle n’est concevable que là où il reste un champ disponible pour une nouvelle expérience, une nouvelle renaissance, c’est-à-dire pour une répétition de la naissance d’une civilisation. L’échelle mondiale de la civilisation actuelle exclut ou restreint cette possibilité.

Jadis, une société obscure comme la société arabe anté-islamique pouvait attendre son tour de saisir le flambeau de la civilisation. Ce n’est plus possible. De ce fait, l’humanité semble entrée dans une ère nouvelle, l’ère où le temps historique semble figé, où les situations relatives des sociétés semblent désormais immuables. Les peuples n’attendent ou ne doivent plus attendre l’heure de leur chance : leur chance est déjà engagée dans une situation où chacun semble irrémédiablement voué à la place qu’il occupe dans le monde. Ceci est sensible en particulier du point de vue du rapport des forces.

Jadis, un petit peuple obscur comme le peuple mongol pouvait brusquement émerger du néant et bouleverser en un clin d’œil tous les rapports de force existants dans le monde. Désormais, l’épopée des nomades n’est plus possible dans un mode mécanisé et surabondamment pourvu en moyens de puissance scientifique accumulés entre les mains de deux ou trois peuples civilisés ou développés qui ne sont pas disposés à laisser entrer de nouveaux venus dans leur club. Et même s’ils ouvraient leurs portes, celui qui peut se présenter ne peut être qu’un parent pauvre disposant par exemple de bombes-atomiques jouets. Du point de vue sociologique, la conclusion est la même.

Jadis, l’irruption d’un nouveau venu parmi les nations civilisées pouvait s’expliquer par les brèches et les lacunes que la vie de ces nations présentait. Le « barbare » pouvait s’engouffrer par une brèche pour combler de telles lacunes. En général, la brèche se présentait sous forme d’une insuffisance militaire et administrative, et la lacune sous la forme d’un affaissement culturel particulier à une période de décadence. Mais la brèche et la lacune qui appellent un nomade acteur de l’histoire ne sont plus concevables dans un monde où la puissance atomique, et d’une manière générale la puissance technique, compense toutes les faiblesses morales et militaires. La bombe atomique et la machine bouchent donc désormais les perspectives de l’humanité qui ne pourra plus se renouveler comme jadis, parce que les éléments jeunes sont désormais condamnés à vivre sous la loi des vieilles nations, des nations usées mais puissantes.

La perspective d’une compensation morale ouvrant la voie à une nation-missionnaire, capable de rajeunir spirituellement le monde, devient elle-même hypothétique dans ces conditions. Si bien que l’humanité semble engagée irrémédiablement dans l’ère où rien de nouveau ne peut apparaître dans son histoire, sinon le banal entassement des inventions techniques qui ne peuvent plus rien changer de fondamental à son destin.

On est bien obligé d’en conclure que les peuples se sont engagés dans l’ère de la civilisation apocalyptique, la civilisation de la fin des temps, ainsi que l’annonçait le Prophète il y a 14 siècles. (pp. 500-502)
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Après avoir fait de moi l’étudiant malheureux, puis le paria sans travail, voici qu’on voulait faire de moi un policier, un mouchard. Le « psychological-service » me plaçait entre un dénuement extrême et la détresse des miens, et un chantage policier tirant prétexte d’un dossier de « collaboration » pour me faire accepter une sinécure dans le plus vil travail de mouchardage. On voulait mon suicide moral pour la gloire de l’Eglise de « Dieu », pour la « mission civilisatrice de la France », pour le repos de l’âme du savant, le chrétien Massignon. Cet homme me parut plus odieux que je ne pensais, plus vil, plus haineux que je ne pouvais croire. Je savais qu’il était l’instigateur du nouveau stratagème, comme cela allait m’être confirmé plus tard indirectement dans un propos échappé à l’une des créatures de ce Rodin moderne, la femme Scelles-Milly dont le mari parle constamment à ses « frères musulmans » du spirituel, qui me dira quelques mois plus tard :

– On ne veut pas vous demander du « renseignement ».

Je ne savais pas encore à quels bas-fonds fangeux touche l’âme chrétienne aussi bien chez la femme que chez le prêtre lui-même, toujours prêt au service de Moloch, toujours prêt au rôle de mouchard, de policier. Je ne pouvais, je ne peux pas encore croire que le front d’un « croyant » puisse s’incliner dans la fange, même au service d’une Patrie. Quant au service de Dieu, c’est une autre question que l’âme catholique, responsable du colonialisme et complice du capitalisme, ignore totalement. Je quittai donc Tercé avec un profond dégoût pour l’homme « civilisé », pour l’homme de la « mission civilisatrice ». Mais je dois dire que je n’éprouvai aucune déception quant au travail que je pensais obtenir.

Dans la ville, on commentait la fameuse évasion de l’Emir Abdelkrim al-Khettabi qui avait eu lieu la veille ou l’avant-veille. La presse du « psychological-service » parlait du « vieux chef berbère ». Je reconnaissais la touche de Massignon, l’auteur du « Dahir Berbère », c’est-à-dire l’esprit même du colonialisme français avec sa trilogie : berbérisation, christianisation, francisation de l’Afrique du Nord. (pp. 330-331)
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Boucheloukh
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