Jardins d'artistes

Quand on ne peut aller marcher à la campagne ou dans les parcs et jardins, quand le besoin est pressant d'un bon bol d'air frais, de coquelicots, de pâquerettes et de colchiques dans les prés qui fleurissent, fleurissent, de sentir le parfum des fleurs et de contempler les beautés du printemps, bref quand le manque se fait impérieux de voir autre chose que nos quatre murs, quel plaisir de pouvoir oublier ses frustrations en allant puiser un peu de ces beautés florales dans de beaux livres.
Avec « Jardins d'artistes » de Jackie Bennett, ce plaisir a été double puisqu'elle nous propose dans cet ouvrage de (re)découvrir des jardins d'artistes, à la fois par des photos de ces lieux mais aussi par des peintures réalisées par ses propriétaires peintres ou par leurs amis. Quel délice oxygénant et poétique que fut cette balade dans ces jardins appartenant à ces illustres artistes…
Au fil des pages, on voit défiler sous nos yeux les jardins et demeures d'artistes (et atelier) dont la notoriété n'est plus à faire et, pour d'autres, dont on découvre le magnifique lieu de vie. Qu'on aime et estime ou non les oeuvres de ces peintres, ils possédaient tous de fabuleux jardins.
Le jardin de Giverny de Monet est bien entendu évoqué, peut-être le plus incontournable et l'un des plus visités. Mais il y a aussi le jardin de Cézanne à Aix-en-Provence, la maison bleue de Frida Kahlo (Mexique), celui de Rubens à Anvers (Belgique) ou encore ceux de certaines communautés d'artistes : ceux des préraphaélistes (avec celui de Morris avec son ami Rossetti au manoir de de Kelmscott (Angleterre)), celui des expressionnistes allemands Kandinsky et Munter à Murnau (Allemagne) ou des impressionnistes américains de la Nouvelle Angleterre et d'autres encore comme de Vinci, Dali, Renoir, etc. En tout, c'est la visite d'une vingtaine de jardins. Bien entendu, j'ai mes préférences mais c'est une affaire de goût et je crois que chacun d'entre eux, tous comme les jardiniers moins célèbres, y a mis un peu de son coeur et de sa personnalité. C'est pour cette raison que chacun de ces jardins a une beauté et un charme particulier et que tous sont à découvrir. Monet aurait dit « Hormis la peinture et le jardinage, je ne suis bon à rien ». Allez, va, on vous pardonne sans peine, surtout après être allés nous balader près de vos nénuphars.
L'auteure Jackie Bennett introduit chacun des jardins et artistes en décrivant l'époque et le mouvement artistique, ajoutant parfois la topographie du jardin, les dates importantes du ou des peintres et les artistes ayant résidé dans ces lieux. Elle décrit ensuite la vie, le travail (et les amours) de ces peintres dans leur univers floral. Autant d'informations sur l'histoire de l'art et sur ces artistes en particulier que le lecteur un peu curieux apprécie en poussant la porte de chaque jardin.
A chaque chapitre, j'ai pris le temps d'admirer les peintures, les photographies des jardins, les textes détaillant la vie de ces artistes dans ces lieux magiques ainsi que leurs quelques citations à propos de leurs jardins et de leur bonheur à y séjourner. Selon mes goûts et intérêts, je m'arrêtais et me reposais un peu plus longuement dans le jardin de l'artiste, sinon je poursuivais mes rêveries de promeneuse solitaire. Je me baladais parmi les « pavots » d'Emil Nolde, les « iris » de Van Gogh, « les nymphéas » de Monet, la glycine du Japon d'Hornel, les pois de senteur du merveilleux jardin du manoir de Kelmscott, les coquelicots du jardin d'Appledore... On peut facilement imaginer combien ces lieux furent pour chacun d'eux un havre de paix bucolique, un lieu d'inspiration et de travail mais également ou plus encore de repos et de ravissement. Sans aucun doute, un petit coin de paradis.
Peut-être ai-je pris plus de temps à contempler les peintures et photographies que d'ordinaire. Sans aucun doute, cette lecture ne s'est pas faite sans penser au contexte actuel si particulier. Peut-être, l'année dernière à cette même période, aurais-je été dehors à me balader dans un jardin, à exhaler le parfum de ces dizaines de fleurs, sauvages ou cultivées par l'homme. Peut-être d'ailleurs n'aurais-je pas pris le temps de rédiger ces quelques mots pour faire l'éloge de mon plaisir à sa lecture. Peu importe. Toujours est-il que j'en profite aujourd'hui pour le recommander vivement à tous les amoureux de paysages, de nature et d'art...
C'est ce qu'on appelle véritablement un beau livre, tant il est un régal pour les yeux. On le feuillette au gré et au rythme de ses envies, on le reprend avec autant de plaisir. C'est toujours un beau voyage onirique.
Durant ces jours sans avoir l'occasion d'aller me ressourcer et flâner nonchalamment dans un jardin (une forêt, un parc, près de la mer, etc.) alors que le printemps s'éveille, que j'entends les rouges-gorges et les pinsons, que je vois de ma fenêtre les chats dans le parc se prélasser au soleil, se tordre le cou en essayant de voir où se nichent les oiseaux, que j'admire de loin les rosiers, les campanules et les capucines si colorés, j'ai particulièrement apprécié toutes les évocations qu'offre ce livre d'art et champêtre. Et j'ai quelques fourmis dans les jambes à l'idée d'aller visiter certains de ces jardins (celui de le Sidaner à Gerberoy, de de Vinci dans le Château du Clos Lucé, avant d'espérer pouvoir aller en Ecosse, en Allemagne ou encore au Mexique…)
Probablement ressentirai-je avec encore plus d'émotions et d'exaltation ce moment précis où je pourrai de nouveau aller me promener autour des parterres de fleurs, fouler de mes pieds ces herbes vertes et grasses, si excitée que je serais capable de me rouler dans les champs, lorsque je pourrai retrouver ce petit chemin qui sent la noisette, ou cet autre celui des pins. J'aurai alors le sourire aux lèvres et les yeux virevoltant d'un paysage à un autre, tels des papillons, un petit goût de liberté dans le coeur, repensant à tous ces petits coins de paradis et à tous ces artistes qui dans leurs créations ont célébré la nature et ses beautés…