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Brit Bennett (Autre)
EAN : 9782746751293
348 pages
Autrement (19/08/2020)
4.1/5   837 notes
Résumé :
Quatorze ans après la disparition des jumelles Vignes, l'une d'elles réapparaît à Mallard, leur ville natale, dans le Sud d'une Amérique fraîchement déségrégationnée. Adolescentes, elles avaient fugué main dans la main, décidées à affronter le monde. Pourtant, lorsque Desiree refait surface, elle a perdu la trace de sa jumelle depuis bien longtemps : Stella a disparu des années auparavant pour mener à Boston la vie d'une jeune femme Blanche. Mais jusqu'où peut-on re... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (160) Voir plus Ajouter une critique
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sur 837 notes
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°°° Rentrée littéraire #34 °°°

Les trois chapitres ( « les jumelles disparues », « cartes », « lignes de coeur » ) sont éblouissants, convoquant l'esprit de la grande Toni Morrison avec une voix d'auteur douce et compatissante pour les failles de ses héroïnes, embrassant avec fermeté et acuité toute la complexité de la quête d'identité et de la transmission brutale du racisme, mais aussi des merveilles de l'amour.

Dès les premières lignes, on est embarqué dans cette saga familiale multigénérationnelle. Superbe idée que d'inscrire la lignée des soeurs jumelles Vignes dans la ville fictive de Mallard ( Louisiane ), un lieu exclusif pour les Noirs à la peau claire qui pourtant, n'a pas sauvé leur père ( la tragédie initiale, il a été atrocement lynché sous leurs yeux ), n'a pas sauvé leur mère, déclassée, obligée de faire des ménages pour des Blancs ), annonçant une vie restreinte pour les jumelles alors que Stella rêve d'études universitaires scientifiques et Desiree de théâtre. Elles s'enfuient à 16 ans pour New-Orleans jusque ce que Stella abandonne sa soeur, définitivement.

La construction, alternant passé, présent, permet d'embrasser toutes les problématiques du prix à payer pour être soi-même, chacune négociant le présent tout en repoussant le passé. C'est absolument passionnant , très addictif aussi, de découvrir pas à pas les conséquences imprévues de choix forts qui changent la vie, on mesure parfaitement ce que Desiree et Stella ont perdu en fuyant, ce qu'elles ont gagné, ce qui reste, et ces blessures du passé qui ne disparaissent jamais.

J'ai été moins convaincue par la deuxième moitié qui est plus centrée sur les filles des jumelles, deux cousines du même âge, des opposés polaires ( Kennedy la blonde superficielle et gâtée, Jude la très noire timide et pragmatique ). L'ajout de personnages comme le petit-ami de Jude, s'il permet d'ouvrir sur une autre quête d'identité que celle de la couleur de peau, surcharge le discours. Surtout, j'ai trouvé les personnages finalement très linéaires, chacun dans le rôle que l'auteure leur a distribué et n'en bougeant pas.

Mais il y a Stella. Si celui de Jude est le plus attachant ( magnifiques passages sur son enfance difficile de noire à peau très noire dans une ville d'Afro-américains à peau très claire qui exhibe leur blancheur avec une arrogance dingue ) , celui de Stella est captivant. C'est celle qui ose la transgression ultime au temps de la ségrégation : se faire passer pour une blanche. Cette thématique du « passage racial » est abordée de façon très originale : que se passe-t-il si le personnage usurpateur n'est jamais découvert et ne se repent jamais ? Une scène est notamment très marquante, douloureuse : le cri de Stella qui s'oppose violemment à l'arrivée d'une famille noire dans son quartier blanc huppé, de peur que son mensonge ne soit révélé et qu'on ne découvre qu'elle n'est pas celle qu'elle prétend. A force de se dire blanche, elle l'est comme devenue.

Malgré quelques réserves qui nuance l'accueil dithyrambique de la plupart des lecteurs, ce roman est très fort et excelle à évoquer les silences, les secrets de famille tout en abordant avec justesse l'identité afro-américaine explorée sous de multiples perspectives.
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Voilà une histoire qui couvre trois générations et que Brit Bennett, pour son second roman, maîtrise parfaitement.
L'autre moitié de soi tourne autour de deux soeurs jumelles : Desiree et Stella Vignes. Un jour du mois d'août 1954, elles ont subitement disparu, quitté ce quartier improbable de Mallard, en Louisiane, pour se rendre à La Nouvelle-Orléans. D'emblée, je suis plongé dans le racisme de ce sud des État-Unis car voilà que quatorze ans après sa disparition, Desiree revient tenant par la main, sa fille, Jude, noire, comme Sam, son père, un avocat qui brutalise sa mère.
Or, à Mallard, de génération en génération, on essaie de devenir de plus en plus blanc afin d'échapper au racisme ambiant. Adele, la mère des jumelles, a pour ancêtre le fondateur de la ville mais son mari a été assassiné par quatre Blancs devant ses filles ! Alors, Adele doit les élever seule, faire le ménage chez de riches Blancs. Puis, elle oblige Desiree et Stella à arrêter l'école pour l'aider.
C'est à La Nouvelle-Orléans où Desiree travaille, à dix-huit ans, pour le FBI, que subitement aussi, Stella disparaît. Celle-ci n'avait qu'une obsession, se faire passer pour une Blanche et elle y réussit parfaitement, basant toute sa vie sur le mensonge.
Avec Jude donc, la troisième génération intervient. La voilà championne d'athlétisme sur 400 mètres, admise à l'UCLA, elle qui, tellement noire de peau, est en bute aux moqueries dès l'école primaire, à Mallard.
Early Jones, chasseur de primes, payé par Sam, le mari violent, pour retrouver sa femme, Desiree, joue un rôle important. Jude est tombée amoureuse de Therese Ann Carter qui se fait appeler Reese et a décidé de changer de sexe. Ils vivent ensemble à Los Angeles où vit… Stella Sanders, dans un quartier huppé où elle affiche une haine viscérale envers les Noirs…
Toute cette histoire s'imbrique parfaitement avec des sauts dans le passé permettant d'expliquer, de comprendre. Stella qui a épousé son patron, a tout, l'argent, le luxe, ne travaille pas mais n'est pas heureuse, même si sa fille, Kennedy, l'a occupée quelques années.
Au fil de ma lecture, je sens bien arriver l'inéluctable : la rencontre entre les deux filles, tellement différentes, des soeurs jumelles. Tout cela, Brit Bennett l'analyse finement, trouve beaucoup de situations, d'événements différents pour maintenir mon attention en éveil.
Comme chacun s'en doute, la grande question est de savoir si les deux jumelles se retrouveront un jour, elles qui sont si éloignées géographiquement, socialement, culturellement.
Avec suffisamment de tact et beaucoup de douceur, l'autrice mène son roman à son terme, démontrant qu'il est toujours possible à chacune et à chacun de se réaliser, de trouver sa voie, quitte à changer complètement.
Desiree, Stella, Adele, Early, Reese, Jude, Kennedy peuplent ce roman et m'ont passionné jusqu'au bout. La couleur de leur peau, leur sexe assumé ou changé, leur choix de vie amoureuse et professionnelle, tout cela est superbement raconté.
Au fil des pages d'un livre, lu grâce à Lecteurs.com et aux éditions Autrement que je remercie, malgré les importantes questions que chacun se pose, j'ai vu leur personnalité se révéler puis se réaliser et cette lecture m'a tenu en haleine jusqu'au bout.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Mallard, une ville si petite qu'elle ne figure sur aucune carte. Et pourtant, elle est particulière cette ville , dont les habitants en majorité afro-américains ont une peau si claire que le doute ne s'immisce même pas dans l'esprit de ceux qu'ils croisent sur leur chemin.

Lorsque Desiree, l'une des jumelles Vignes revient quatorze ans après avoir quitté la ville, elle est accompagnée de June, une enfant plus noire que l'ébène. Sa jumelle Stella a disparu sans laisser de trace.
Pour June, dans cette communauté où la valeur se juge à l'aune de la nuance de peau, la vie est rude. le soutien inconditionnel de sa mère et de sa grand-mère ne suffira pas pour qu'elle-même ne décide de quitter l'endroit. Jusqu'à ce que son destin ne la conduise sur les traces de sa tante disparue.

Le propos va bien au delà du thème du racisme. C'est la question de l'identité et du poids des racines familiales qui apparaît en filigrane du récit de ces deux générations de femmes engluées dans des stéréotypes bien difficiles à occulter. Chaque rencontre et coup du sort sont autant de pistes pour de nouveaux questionnements et de nouvelles impasses logiques.

Et tout cela s'appuie sur un socle d'état des lieux de la société américaine contemporaine avec ses incohérences et ses certitudes ancrées comme une hérédité incontournable.


L'écriture et la traduction sont sans reproche, et le fil narratif suffisamment bien conçu pour créer l'addiction tout au long des presque 500 pages du roman. Une lecture marquante.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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S'il y a une raison de lire ce roman , c'est bien l'angle sur lequel l'autrice choisit d'aborder le sujet du racisme...
On est dans une toute petite ville de Louisiane appelée Mallard, qui n'est pas inscrite sur les cartes...
Cette ville crée par des "gens de couleur", ne l'est presque plus (noire ), car "on ne s'y marie jamais avec plus foncé que soi"... Tout un programme ! Et c'est ainsi que Mallard est une ville de Noirs, mais des noirs-blancs...
En 1968, y disparaissent les jumelles Vignes, Desiree et Stella, parties à la grande ville , voir si l'herbe y est plus verte... C'est qu'à Mallard, la vie n'était pas rose, vu qu'elles ont dû abandonner leurs études pour subvenir douloureusement aux besoins de la famille, composée d'elles d'eux et de leur mère.
Très vite, Desiree perdra la trace de sa jumelle, Stella, qui partira à Boston mener la vie d'une femme blanche, en transgressant toutes les lois, mais vu que tout le monde n'y voit que du feu...
Une vie de femme libre, une vie de femme riche, aussi...
Et Stella ne donnera plus jamais signe de vie à sa famille...
Desiree , elle, rentrera à Mallard , victime d'un mauvais mariage, avec sa fille sous le bras, une fille plus noire que noire, dans une ville de blancs racistes , ( de blancs-noirs, comme je l'ai dis plus haut...)
La vie de Stella, sera confortable mais basée sur un mensonge, un énorme mensonge. Peut-on mentir sur son identité ? Peut-on se couper des siens sans dégâts ? Peut-on ignorer ses racines ?
Je dois dire que c'est l'histoire qui m'a le plus fascinée, dans le sens "étonnement", car paradoxalement, le personnage de Stella m'apparaissait si froid, si antipathique , et si vulnérable et (parfois ) digne de pitié.
Puis le roman passe à la génération suivante, leurs filles, L'une est blonde , riche et gâtée, l'autre est noire comme l'ébène, travailleuse, méritante...
Et si j'ai aimé suivre cette famille sur trois générations, je me suis interrogée sur la pertinence d'amener "sur la table", un autre sujet de discrimination , celui des LGBT... le racisme était déjà assez puissant comme thème.
Puis , au fil de ma lecture, j'ai évolué grâce au talent de Brit Bennett , . Pourquoi pas ? Les combats se rejoignent et l'on ressort de ce livre avec une vraie envie d'un monde plus tolérant... ce qui est la grande réussite de ce roman : dire sans donner de leçons, sans lourdeur, suggérer et laisser le lecteur avancer à son rythme sans rien lui imposer, avec nuances et subtilité...
♫ Freedom ♫
Un livre sur le racisme, sur les LGBT, sur la tolérance mais aussi un roman qui questionne sur nos racines, celles du lieu de notre enfance, celles de la famille. Des thèmes qui touchent tout le monde , blancs ou noirs , hétéros ,homos, ou trans.
Si la décision du personnage de Stella interroge sur la capacité à couper les ponts sans dégâts, j'ai été surprise que Jude, la fille de Desiree, mette de la distance entre Mallard et elle ( on la comprend), mais entre sa mère et elle ? Pas ou peu de visites, on est dans les années 80 et le manque d'argent ne justifie pas tout...
Ce qui amène à un autre sujet , celui de la transmission. Qu'est ce qui fait qu'une famille est une famille soudée , avec ce que ça comporte comme liens, comme attentions, comme amour, comme besoin de se voir? Parfois, les fondations sont tels des sables mouvants et elles ne retiennent pas les enfants...
Un très beau roman conseillé par ma bibliothécaire préférée , qui m'a dit texto : "prenez-le , ça va vous plaire ! " Et bien, elle avait raison....
Des thèmes forts, abordés avec subtilité et force...
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Quand à seize ans Desiree et Stella Vignes quittent Mallard, un trou perdu de Louisiane où les habitants noirs à la peau claire pourraient passer pour des blancs, c'est Desiree qui étouffant et rêvant d'une autre vie a entraîné Stella. Mais les jumelles, loin d'avoir les mêmes aspirations, ne tardent pas à se séparer pour des destins opposés, pourtant pavés des mêmes difficultés. Parce qu'il faut très longtemps pour devenir quelqu'un d'autre, et que le prix à payer de vivre dans un monde qui n'est pas fait pour vous est la solitude.

Un roman magnifique où il est question de quête d'identité et de couleur de peau dans une Amérique encore très ségrégationniste. de quête d'identité sexuelle aussi. Des domaines, nous suggère Brit Bennett, où il importe de ne pas juger ceux qui choisissent la fuite, le mensonge, ou le travestissement — un chemin à coup sûr douloureux, qu'ils empruntent sans plaisir, mais qui leur est indispensable pour exister.

" On croit qu'être unique, ça fait de soi quelqu'un d'exceptionnel. Non, ça fait juste quelqu'un de seul. Ce qui est exceptionnel, c'est d'être reconnu et accepté. "
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critiques presse (8)
Bibliobs
07 décembre 2020
Dans son dernier roman « L'Autre Moitié de soi », l'écrivaine Brit Bennett questionne l'identité noire, en suivant la trajectoire de deux jumelles, dont l'une décide de se faire passer pour blanche.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LePoint
09 novembre 2020
Il est facile de nommer héritière de leur Prix Nobel toutes les pousses talentueuses de l'Amérique littéraire noire. Mais dans son regard intransigeant sur le fait d'assumer ou de fuir jusqu'à la folie son identité, de sculpter sa liberté, Bennett pourrait bien devenir une digne petite-fille de Toni Morrison.
Lire la critique sur le site : LePoint
Culturebox
30 septembre 2020
A travers le destin de deux soeurs jumelles nées dans une "ville de couleur" où les Noirs sont blancs, Brit Bennett interroge sans tabou la question de l'identité afro-américaine, et au-delà, l'identité tout court.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaLibreBelgique
29 septembre 2020
À travers le destin contrarié de jumelles presque blanches, Brit Bennett offre un regard neuf sur l'identité afro-américaine.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaCroix
25 septembre 2020
À travers la quête d’identité de jumelles métisses dans l’Amérique contemporaine, Brit Bennett explore toutes les nuances du lien affectif dans une passionnante fresque familiale.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LaPresse
16 septembre 2020
Les thèmes abordés par Brit Bennett sont on ne peut plus actuels et déchirent l’Amérique à quelques semaines de l’élection présidentielle. Et ce n’est pas l’issue du vote du 3 novembre qui va tout régler d’un coup de baguette magique.
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LePoint
16 septembre 2020
L'autrice afro-américaine du « Cœur battant de nos mères » revient avec un roman sur la question de l'identité. Et sur la possibilité de se réinventer.
Lire la critique sur le site : LePoint
LeMonde
24 août 2020
En Louisiane, les destins de jumelles si peu noires qu’elles peuvent passer pour blanches. Ou presque. Un grand roman de l’identité afro-américaine.
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Citations et extraits (173) Voir plus Ajouter une citation
« Et vous, est-ce que votre mari s’entend bien avec votre famille ? »
La question prit Stella par surprise ; elle était ailleurs, se demandant déjà ce qu’elle ferait de ces dix jours sans Loretta.
« Mes parents ne sont plus là. Ils sont … »
Elle laissa la phrase en suspens, incapable de l’achever. Le visage de Loretta se décomposa.
« Oh, je suis désolée. Je ne voulais pas remuer des souvenirs douloureux …
- Ce n’est rien. C’était il y a longtemps.
- Vous étiez très jeune à l’époque ?
- Assez, oui. Un accident. Ce sont des choses qui arrivent.
- Vous n’avez pas de frères et sœurs ?
- Pas de frère. « Stella s’interrompit un instant. « J’avais une jumelle ; Vous me faîtes un peu pense à elle. »
Elle n’avait pas prévu d’en dire autant et elle le regretta aussitôt. Mais Loretta se contenta d’ouvrir de grands yeux.
« Comment ça ?
- Oh, c’est difficile à dire. Des petits détails. Elle était drôle. Effrontée. Rien à voir avec moi. »
Elle sentit les larmes monter et s’empressa de les essuyer. « Excusez-moi, je ne sais pas ce qui me prend de me répandre comme ça …
- Ne vous excusez pas ! Vous avez perdu votre famille. Si on n’a pas le droit de pleurer là-dessus ! Et votre sœur en plus. Par pitié
- Je pense souvent à elle. Je n’imaginais pas que j’y penserais encore autant …
- C’est bien normal ! Perdre une jumelle. Ca doit être comme de perdre la moitié de soi-même. »
Parfois, elle se prenait à rêver qu’elle décrochait le téléphone et qu’elle appelait Desiree juste pour entendre sa voix. Mais elle ne savait pas où la joindre et, de toute manière, que lui dirait-elle ?
L’idée de devoir justifier un choix qu’elle avait déjà fait la fatiguait à l’avance. Elle ne voulait pas être replongée dans une vie qui n’était plus la sienne.
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Il laissa le silence s'installer, la dévisageant. Puis elle sentit sa main sur sa nuque. Tendre, presque comme on consolerait un enfant en pleurs. C'était tellement déstabilisant, tellement différent de sa brusquerie habituelle, qu'elle resta sans voix. Soudain, il tira sur son foulard. Les traces commençaient à s'estomper mais, même dans la pénombre, l'hématome qui s'étalait sur son cou était encore bien visible.
Tous ces gens qui s'extasiaient sur la clarté de son teint quand elle était enfant, aucun ne l'avait prévenue.
Personne ne lui avait dit que la colère d'un homme marquerait plus facilement sa peau.
Early fronça les sourcils et elle se sentit aussi nue que s'il avait soulevé sa jupe. Elle le poussa et il trébucha, surpris. Elle enroula d'une main fébrile le foulard autour de son cou avant de se diriger vers la porte, bousculant les clients au passage.
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C’étaient de braves gens, d’honnêtes citoyens qui donnaient aux bonnes œuvres et grimaçaient devant les reportages où l’on voyait des shérifs matraquant des étudiants noirs dans le Sud. Ils pensaient que ce Martin Luther King était un orateur remarquable, approuvaient peut-être certaines de ses idées. Jamais ils ne lui auraient tiré une balle dans la tête, et peut-être même avaient-ils pleuré à son enterrement – dire qu’il laissait des enfants si jeunes –, mais de là accepter qu’il s’installe dans le quartier, il y avait un monde. 
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Au cours de son dernier été à Mallard, [elle] avait rencontré un garçon pas comme il faut.
Tous ceux qu'elle avait connus jusque là étaient très comme il faut : des garçons de Mallard à la peau claire, ambitieux, qui tiraient sur ses couettes, des garçons assis à côté d'elle au catéchisme qui marmonnaient le Credo, des garçons qui mendiaient un baiser à la fin du bal du lycée. C'était le genre de garçon qu'elle était censée épouser et, lorsque Johnny Heroux laissait des messages en forme de coeur dans son livre d'histoire ou quand Gil Dalcourt l'invitait au bal des anciens élèves, elle sentait presque [sa mère] la pousser vers eux. Choisis-en un, choisis-en un. Mais ça lui donnait juste envie de ruer dans les brancards. Il n'y a pas pire tue-l'amour qu'un garçon approuvé par sa mère.
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[ années 1970, USA ]
Elle n'était pas idiote au point de croire qu'un jour elle serait claire, mais marron, pourquoi pas ? Tout, sauf ce noir infini. Elle essaya donc de conjurer le sort. Elle avait vu une publicité pour Nadinola dans 'Jet', une femme caramel (...) souriante, la bouche écarlate, un homme lui parlant à l'oreille : 'La vie est plus belle quand on a le teint frais, lumineux, clair-Nadinola !' Elle avait arraché la publicité et l'avait pliée en quatre. Elle l'avait gardée sur elle pendant des semaines, la dépliant si souvent que les plis blancs fendaient les lèvres de la femme. Une crème, c'était tout ce dont elle avait besoin. Elle s'en tartinerait la peau et, à la rentrée, elle retournerait à l'école métamorphosée.
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Cette semaine, la librairie Point Virgule vous propose de découvrir trois romans récemment sortis en poche qui traitent chacun à leur manière de la question du racisme aux États-Unis d’Amérique.
- L'Autre moitié de soi, Brit Bennett, J'ai Lu, 8,70€ - Là où nous dansions, Judith Perrignon, Rivages poche, 9€ - Alabama 1963, Ludovic Manchette & Christian Niemiec, Pocket, 7,70€
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