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Critique de michfred


Écrire est une étrange aventure et publier en est une autre. ..

Alors, quand on s'appelle Ulysse Insulaire, qu'on est un écrivain contrarié et un ĺecteur peu motivé de la Forge, une maison d'édition menacée de faillite, dirigée par un certain Vulcain, qu'on ne peut pas écrire, qu'on est dégoûté de lire les scriptodactyles fastidieux des auteurs en souffrance, il est à redouter que la belle odyssée littéraire et éditoriale se transforme en un triste voyage sur place.

Même le pays semble sans avenir, gangrené par la corruption, les affaires, les scandales et dirigé par Forco, un Duce toujours entouré de maffieux inquiétants, d'industriels cupides et d'avocats véreux. Derrière les inventions verbales à la Vian et la fantaisie sauvagement iconoclaste de la narration, on reconnaît très vite l'Italie berlusconienne dans ce pays qui a "vendu sa diversité, sa merveilleuse bâtardise, son sang multicolore".

Seuĺs espoirs pour tirer Ulysse de ses rêves éveillés d'insomniaque dépressif: les femmes. Surtout une, Pilar-Pénélope, une BTLSPS- beauté typiquement latino sans permis de séjour- , qui ouvre ses bras généreux à Ulysse, entre deux manifs de soutien aux ouvriers licenciés, aux go-go girls exploitées, ou aux immigrés refoulés, sans rancune pour ses multiples infidélités -il y a une Circé assez irrésistible qui lui fait du gringue au bureau...

Pauvre Ulysse, polygame polythrope qui comble sa soif de voyage dans des performances érotiques qui achèvent de l'épuiser!

Mais la vocation d'Ulysse n'est-elle pas de rencontrer des monstres? Un monstre! Voilà qui relancerait vraiment le voyage!

C'est bien à cette définition que correspond Achille, que sa mère a dû"tremper dans la mauvaise baignoire" puisqu'il n'est invincible qu'au talon.

Achille est monstre à tous égards : physiquement, intellectuellement, moralement et sexuellement. Sans doute la vie qui lui a fait si peu de cadeaux lui en a-t-elle fait un, considérable : rencontrer Ulysse, qui est son Patrocle, son double complémentaire.

Pendant une semaine fervente, violente, pleine comme un oeuf, ces deux-là vont tout vivre et tout partager par procuration! Et jusqu'au bout.

La fable politique, les jeux poétiques, les fantaisies érotiques, les débordements baroques parfois débridés cachent mal le vrai sujet de ce livre étonnant, surprenant, attachant : la découverte de l'Autre, cet Alien qui effraie, qui dégoûte, qui repousse d'abord, mais qui se révèle, avec un peu d'empathie et de patience, un Semblable, un Frère.

Les rencontres successives et l'amitié avec Achille ont été pour moi la pierre philosophale sortie de tous ces alambics. J'y ai retrouvé- et c'est un compliment- la fascination que m'avait procurée la lecture de Jérôme: ( L'enfance de Jérôme Bauche) de Jean-Pierre Martinet ou celle de la Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole- la même empathie violemment contradictoire provoquée par un personnage radical, Achille, Jérôme ou Ignatius, un "affreux, sale et méchant" dans la tradition d'Ettore Scola, avec de gros morceaux de tendresse dedans!

La fin, plus convenue, en forme de happy end éditorial et littéraire m'a un peu déçue. Mais pour son inventivité verbale, sa parodie du poème homérique, et surtout pour Achille piè veloce lui-même -son nom en italien- il faut lire ce livre plein de sarcasmes et de douleurs, entre le fou-rire et les larmes.
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