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EAN : 9782849502907
140 pages
Syllepse (02/02/2011)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :

Hannah Arendt s'inquiétait que la politique puisse disparaître complètement du monde. Les désastres du siècle étaient tels que la question de savoir si la politique avait "encore un sens" devenait inévitable. Pour elle, le totalitarisme était la forme de cette disparition redoutée. Nous avons aujourd'hui affaire à une autre figure du péril: le totalitarisme à visage humain du despotisme de march&... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Comment penser l'auto-émancipation sans questionner les notions de pouvoir, d'État, d'alter-organisation de la société ?

Quelles sont les possibles et plausibles chemins pour construire des alliances radicales, à vocation majoritaire ?

Quelles pourraient-être les hypothèses crédibles, coordonnant et transformant révoltes et luttes, en expériences cumulatives, permettant de tracer un nouvel horizon émancipateur, après les désastres du vingtième siècle ?

Antoine Artous nous invite relire certains textes de Daniel Bensaïd sous l'angle « de la politique profane comme art stratégique ». Contre une vision fétichiste du progrès et de l'histoire universelle, l'auteur nous rappelle que « la catégorie de stratégie s'articule à un marxisme rompant avec toute transcendance, au profit d'une rationalité historique qui se construit à travers le conflit et sur le mode du possible stratégique. » Il insiste sur l'apport de Lénine « sur la spécificité de la politique ». Au delà de l'accent mis sur « l'autodéveloppement du prolétariat en force et en conscience à travers les mobilisations de masse (notamment la grève générale) », il convient en effet de comprendre que la politique « n'est pas le simple prolongement de la lutte sociale », que « non seulement la politique présente une certaine autonomie par rapport au socio-économique, mais qu'elle a une fonction structurante du social » ou dit autrement « sa propre épaisseur sociale ».

Lénine insistait sur la notion de crise politique ouverte, « crise nationale », sur laquelle peut se développer une logique de double pouvoir. « Tout cela ne relève donc plus d'une temporalité linéaire se développant dans un espace homogène ». La crise exprime un « temps brisé » dans « un espace différencié » pour utiliser des formules de Daniel Bensaïd.

Penser la crise comme horizon du possible oblige, « non à élaborer des modèles normatifs, mais des hypothèses stratégiques » hors de tout déterminisme historique.

Les différents textes de Daniel Bensaïd n'ont pas tous la même intensité. Très subjectivement, je mettrais l'accent sur quelques points.

Sur la critique de « l'illusion sociale » de John Holloway, je souligne les analyses sur « un fétichisme du social indifférent aux médiations politiques » ou sur les rapports de pouvoir « la puissance surdéterminante du capital ».

La question de Lénine « comment de rien devenir tout » me semble inconsistance, nous restons toujours actrices et acteurs sous les différentes contraintes qui s'exercent sur nous (qu'elles soient abstraites ou sensibles). Cependant sa compréhension « des sauts » et des ruptures, de la crise révolutionnaire comme « crise générale des rapports réciproques entre toutes les classes de la société » permet de se penser « prêts à l'improbable, l'imprévisible, l'événement ».

Le troisième article est consacré à « Stratégie et politique : de Marx à la 3e Internationale ». Daniel Bensaïd revient sur « l'illusion d'une homogénéité ou d'une continuité entre le politique et le social » et la conception de la grève générale chez Rosa Luxembourg « La grève générale n'est donc pas pour elle un ultime recours défensif, mais l'irruption qui rend pensable une stratégie révolutionnaire ». Contre une conception d'un socialisme hors du temps, la notion de crise révolutionnaire est en « rapport logique avec celles de conjoncture et de situation qui singularisent politiquement le moment opportun et brisent la linéarité temporelle du socialisme hors du temps ». L'auteur montrent que les discussions des années 1920 « restent surtout confuses sur la question gouvernementale et ses rapports aux institutions, sur les rapports entre classe, parti et État : l'indépendance des mouvements sociaux et syndicaux envers l'État et les partis ainsi que l'enjeu principiel du pluralisme politique ne commenceront en effet à être clarifiés que dans les années 30. »

Dans le texte « Front unique et hégémonie », l'auteur analyse, entre autres, la position d'Antonio Gramsci et la « formulation d'un projet politique capable de résoudre une crise historique de la nation et de l'ensemble des rapports sociaux ». Daniel Bensaïd insiste une nouvelle fois sur l'épaisseur de la politique « La politique n'est plus une simple actualisation de lois historiques ou de déterminations sociales, mais un champ spécifique de forces réciproquement déterminées. » Il conclut cet article « le concept d'hégémonie est particulièrement utile aujourd'hui pour penser l'unité dans la pluralité de mouvements sociaux. Il devient problématique en revanche lorsqu'il s'agit de définir les espaces et les formes de pouvoir qu'il est censé aider à conquérir. »

Du « Temps historiques et rythmes politiques » j'extrais « le présent est le temps par excellence de la politique, le temps de l'action et de la décision, où se jouent et se rejouent en permanence le sens du passé et celui de l'avenir. Il est le temps du dénouement entre la pluralité de possibles. »

Le livre se termine par un entretien sur « Les dépossédés » et un texte mal nommé, à mes yeux « Puissances du communisme » dans lequel l'auteur accorde que « Les mots de l'émancipation ne sont pas sortis indemnes des tourments du siècle passé » sans renoncer au «communisme».

Il me semble que malgré leurs efforts pour ré-articuler certains éléments stratégiques antérieurs, Daniel Bensaïd sous estime certains éléments, débattus aujourd'hui :

* Place de la démocratie radicale et les réponses institutionnelles, transitoires ou non,

* Implications des apports du mouvement féministe sous deux angles au moins :

Imbrication des rapports sociaux de pouvoir (de sexe, de classe et de « race »), considérés comme intersécants (Kimberle Crenshaw), coextensifs (Danièle Kergoat) ou coformés (Paola Bacchetta).,
Pour l'approche de la conscience, ce que dit Nicole-Claude Mathieu « Quand céder n'est pas consentir »
* Renouvellement des réflexions sur l'auto-organisation, l'auto-contrôle et l'auto-gestion.

En conclusion, une nouvelle fois Antoine Artous « Reste que la politique (révolutionnaire) ne peut se contenter d'exprimer la radicalité des mouvements sociaux. Elle doit trouver les voies propres pour, d'une part investir le terrain proprement politique et, d'autre part, pousser à la cristallisation de courants politiques radicaux sur le terrain politique. Or fait défaut l'actuelle absence d'une hypothèse stratégique articulée permettant de mettre en oeuvre une telle problématique. »

Un petit livre qui peut permettre de reposer des hypothèses stratégiques indispensables à l'émancipation.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le concept d’hégémonie est particulièrement utile aujourd’hui pour penser l’unité dans la pluralité de mouvements sociaux. Il devient problématique en revanche lorsqu’il s’agit de définir les espaces et les formes de pouvoir qu’il est censé aider à conquérir.
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La politique n’est plus une simple actualisation de lois historiques ou de déterminations sociales, mais un champ spécifique de forces réciproquement déterminées
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Le présent est le temps par excellence de la politique, le temps de l’action et de la décision, où se jouent et se rejouent en permanence le sens du passé et celui de l’avenir. Il est le temps du dénouement entre la pluralité de possibles.
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la catégorie de stratégie s’articule à un marxisme rompant avec toute transcendance, au profit d’une rationalité historique qui se construit à travers le conflit et sur le mode du possible stratégique.
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La grève générale n’est donc pas pour elle un ultime recours défensif, mais l’irruption qui rend pensable une stratégie révolutionnaire
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