-Dis, Nel... si je ronfle, je peux pas devenir Miss France? me lance Noush, angoissée.
-T'inquiète, même les Miss France ronflent!
-Et elles pètent? elle glousse.
-Oui! et ça pue!
- Mais non, c'est enfer !
- C'est quoi l'enfer ?
- Je dirai... un truc comme le camping où on est.
- C'est chouette alors ?
- Y a mieux.
Sur le trottoir, Noush affûte son regard. Cherche et cherche, dans l'espoir que le cochon surgisse de nouveau.
- Dis Nel, peut-être qu'il sera au supermarché ?
- Bien sûr, tu penses ! Au rayon charcuterie ?
- Mais non... Mais il doit avoir faim lui aussi, à force de courir !
- Et tu crois qu'il va faire ses courses, aussi ?
- Ben, c'est pas possible ?
- Si... avec beaucoup d'imagination !
Le haut-parleur braille le programme de la journée. Juste au-dessus de la caravane. Même en écrasant l'oreiller sur ma tête, j'entends qu'on nous promet 28° cet après-midi ! Impossible de dormir : j'enjambe ma petite soeur, puis recouvre d'un plaid la Mère affalée sur la banquette.
J'ouvre la caravane sur N'oubliez pas la soirée Michel François et ses Michettes en essayant de faire le moins de bruit possible - raté, Noush se réveille. Ses yeux tout ronds me trouvent puis très vite me supplient de ne pas la laisser ici. Je ne refuse pas. J'aurais préféré être seule, mais ce matin je devine que moi sans elle, c'est impossible.
- Habille-toi, alors ! Je vais aux toilettes.
Sa bouche s'étire en un sourire rassuré.
Je referme la porte, bruyamment ; même un hélicoptère atterrissant sur la caravane ne réveillerait pas la Mère.
Dans le lavabo douteux, j'arrose mon visage. Le miroir couvert d'éclaboussures de dentifrice. Camping 2 étoiles. Filantes !
Noush arrive en courant, je reconnais le vacarme que font ses tongs sur les graviers. Elle porte sa robe bleue assortie à ses yeux, assorties à ses genoux surtout.
Elle s'accroche à ma taille et me serre fort.
- T'as soif, Noush ?
Elle me libère de son câlin qui me broyait le bassin puis lape goulûment mes mains pleines d'eau. Sa robe se mouille et elle rit aux éclats. A la commissure de ses lèvres, il reste une petite trace du choco sans doute englouti à la va-vite ; je l'essuie avec mon doigt.
Machinalement, j'enfile ma robe, bougonne un salut. Attrape la sœur au passage. Laisse Émilien là et son amour pour moi. Laisse le bonheur, j'ai les bras chargés.
-Dis, Nel... si je ronfle, je peux pas devenir Miss France? me lance Noush, angoissée.
-T'inquiète, même les Miss France ronflent!
-Et elles pètent? elle glousse.
-Oui! et ça pue! "