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Critique de StCyr


StCyr
07 février 2017
Riseholme est une bourgade paisible, dans le plus pur style élisabéthain, peuplée de paisibles et oisifs bourgeois provinciaux, où, comme de juste, tout le monde, n'ayant guère d'autre chose à faire, s'espionne pour alimenter la chronique locale. Comme les mondanités locales ne sauraient combler la totalité du temps libre dont chacun dispose, on est toujours prompt à enfourcher le premier dada venu, à être pris d'engouement éphémère et saisonnier, pour le jouet à la mode. Et tant pis si le brahmane de madame Quamtock - toujours la première à s'enticher d'une nouveauté intéressante, tant pis disons nous, si le maître ès yoga d'insigne sainteté, et de haute caste, s'avère n'être qu'un modeste préparateur de curry doublé d'un fâcheux monte-en-l'air; tant pis si la princesse russe Popoffski, médium spirite de haute volée, n'est en vérité qu'une Sibylle postiche, c'est l'attrait de la nouveauté qui compte, et on a tôt fait de mettre le hobby au rencard au profit d'un autre. Non, ce qui est vraiment pénible, c'est la propension de madame Emmeline Lucas, alias Lucia, à s'accaparer l'objet du désir du jour et à s'attribuer tout le mérite de la découverte. En fait et sans contredit, Lucia régente le village, tenante de l'Art pour l'Art, prescriptrice du savoir et des convenances, elle est l'astre autour duquel gravite tout Riseholme. Reine dispensant avec indulgence la lumière de son esprit à ses vassaux, elle est secondée en cela par Georgie Pillson, son chevalier servant - en tout bien tout honneur, son Hermès et à l'occasion son ministre plénipotentiaire lorsqu'il s'agit d'aller parlementer, chercher des compromis, toujours à l'avantage de sa monarque, cela va sans dire. Disons-le clairement, Lucia et son mari - poète en prose à ses heures perdues, ne sont que des cuistres franchement agaçants - surtout Lucia, dans leur prétention à la haute culture et au raffinement, notamment lorsqu'ils affectent de parler entre eux un italien qui leur suffirait à peine à commander des cannelloni dans une trattoria. L'arrivée inattendue et ô combien prestigieuse dans le voisinage, de la cantatrice Olga Bracely, va bouleverser le landerneau riseholmitain; s'engage alors un affrontement à fleurets mouchetés entre la diva et la reine, une guerre d'influence, où les pires perfidies sont dites avec un sourire des plus engageants.

Edward Frederic Benson avec une verve satirique et une prose exquise, s'attache à traduire le snobisme et les prétentions ridicules de la bourgeoisie provinciale. le ton est assurément sarcastique et le roman menace de somber dans la farce avec cette ironie omniprésente et grandiloquente. On lit Queen Lucia comme une douce mécanique, un peu désuète mais bien rodée, un petit cérémonial gourmand, comme on s'adonnerait avec un certain détachement indulgent, aux étapes gentiment dérisoires d'un rituel immuable : thé, scones, club sandwichs au concombre, marmelade à l'orange...
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