Le dragon avait gagné, et Joaquin n'était plus qu'un tas de cendres et d'os brisés sur une terre brûlée. Hors du temps et hors de la vie. Game over.
A force, il était devenu très fort pour anticiper les réactions des gens, et quand il ne parvenait pas à les deviner, il se débrouillait pour les provoquer.
Maya se demanda si un jour, elle pourrait être ainsi assise à côté de Grace et Joaquin et se dire que, quoi qu'il advienne, son frère et ses soeurs seraient toujours là pour elle, comme un serre-livres l'empêchant de basculer.
C'était donc ça, de se sentir pardonné : un sentiment où se mêlaient douleur, chagrin et soulagement et qui vous gonflait le coeur.
Grace avait pensé avec amertume que les garçons qui engrossaient des filles étaient considérés comme des héros, alors que les filles qui tombaient enceintes n'étaient que des salopes.
Ce secret lui donnait l'impression d'être habitée par quelque chose qui ne demandait qu'à sortir.
« Tu fais chier Joaquin ! hurla soudain Maya, les poings sur les hanches. (Tous les deux se tournèrent vers elle.) C’est justement ça, une famille ! Tu auras beau t’enfuir n’importe où, tu seras toujours dans nos vies et nous, dans la tienne. »
Grace prit une grande inspiration. Elle avait oublié comme c'était bon de respirer librement.
- Tu n'en n'as pas parlé à tes parents ? (Raph se pencha en avant et se tapa plusieurs fois la tête contre le bord de la table.) Grace, Grace, Grace ! Ça pue le désastre à plein nez...
- C'est déjà assez angoissant comme ça ! Et moi qui croyais que les amis étaient pour vous soutenir...
- Parfois, le rôle d'un ami, c'est d'être cash.
Posé sur la banquette, son téléphone vibra. Elle lut le message de Raph.
"Comment ça se passe ?"
"Ça se passe."
"Tu as peur ?"
"Je suis terrifiée "
"Ça va aller. Les choses finissent toujours par s'arranger."