Il a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans à Sidi Aïch (Bejaïa Algérie). Des moments fabuleux avec une adolescence heureuse mais, aussi, les pires moments de la guerre avec une enfance malheureuse. Passer, sans transition, des ténèbres à la clarté, par le bon vouloir de la politique et des événements, a de quoi traumatiser. Heureusement, aussi, de s'attacher encore bien plus à ses racines et ses souvenirs.
L'enfance malheureuse, c'est «l'état de siège», la grève des huits jours, les déchirures, un père recherché en cavale, la souffrance de la maman devenue, contre son gré, cheffe de famille, les ratissages et les maisons «visitées» par les militaires et les harkis, les récits de torture, la peur quotidienne sur le chemin de l'école, des événements marquants (comme celui du «Puits Chabour» où, en septembre 1957, 35 citoyens arrêtés sont précipités dans un puits et ensevelis sous des tonnes de terre).
9 août 64, c'est le départ sur Alger. Un autre monde, une autre vie, mais toujours accompagné par la ville de son enfance. Une ville et une région qui lui ont beaucoup donné et auxquelles il essaye, aujourd'hui, de «rendre la pareille» en signe de reconnaissance pour les instants de bonheur (réels ou imaginés) récoltés.
Bien sûr, la ville et la région, re-visitées, bien après lindépendance, ne sont plus ce qu'il avait vécu et gardé. Donc, une visite douloureuse et une sensation d'être étranger chez soi. Faut-il s'en étonner ? C'est un peu le cas de la plupart des petites villes et gros villages du pays qui, avec l'exode rural, ont changé de fond en comble, contenu et contenant. Démographie galopante et urbanisation débridée ont accéléré le délabrement de l'environnement. le chapitre (cinquième partie), intitulé «Le pèlerinage» (en 2010) est tellement noir (pas noirçi mais juste) ! Tout est méconnaissable. Tout a été tranformé au bon plaisir des appétits et au mauvais goût des décideurs du moment. La Soummam n'est plus ce qu'elle était et son eau, devenue rare, est, de plus, polluée... et on aimerait bien savoir ce que sont devenues les deux magnifiques stèles féminines sculptées par... Paul Belmondo, qui ornaient la place centrale. Démontées, mais emmenées où ? Mal exposées dans un musée, oubliées dans une cave, chez un particulier ou, alors, «exportées» ?
Avis : Un récit qui ne nous rajeunit pas, mais un récit de vie comme on aimerait en voir tant et tant...pour réconcilier les citoyens, surtout les jeunes, avec leurs racines... et pour que les «vieux» n'oublient pas d'où ils viennent. Excellemment écrit !
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«La crise d'identité se pose de façon cruciale. L'Algérien ne sait plus qui il est. C'est le marasme culturel dans une société en déroute» (p 182)
La dynamique moderniste créée par la révolution et par une école performante a duré une dizaine d'années après 1962. Puis, elle s'est essouflée pour disparaître complètement devant les coups de boutoir d'un pouvoir autoritaire et du parti unique» (p 179),
«La saison des amours est l'été, et l'hiver est celle de la haine. Les saisons intermédiaires sont plus mitigées, l'une et l'autre jouant l'indifférence» (p 49),
«Le berceau est la première lettre du récit de la vie et le tombeau en est le point final» (p 16),
«La France a quitté l'Algérie en laissant un héritage qui ne nous était pas destiné» (p 146),