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Citations sur Les Nouveaux penseurs de l'islam (23)

Sans doute le fait de vouloir approcher de manière scientifique le texte coranique représente-t-il la démarche la plus audacieuse des nouveaux penseurs, celle qui peut susciter le plus d'appréhensions chez les croyants de l'islam. Cette Parole divine peut-elle faire l'objet d'analyses qui ne soient pas pas tributaires d'une attitude de piété et de foi? Peut-on aborder le Coran comme on aborde n'importe quel autre texte de la littérature mondiale ? (...)
Les nouveaux penseurs prennent ainsi en compte les interrogations qui surgissent parmi les intelligences modernes concernant le Coran. Comment, se demandent certains, est-il possible d'avoir accès à la compréhension d'un texte si complexe, témoignant d'un univers culturel radicalement différent du nôtre ? Les nouveaux penseurs répondent en utilisant la méthode historico-critique, qui se propose de réduire la distance temporelle existant entre le texte et le lecteur, en opérant une étude historique et critique du Coran et en tentant de situer le texte dans son contexte de production. (....)
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Mais l'intelligence d'un texte, qu'il s'agisse du Coran ou d'un autre texte, ne se trouve pas seulement dans la "prétexte", dans ce qui est autour du texte (l'anthropologie, l'archéologie, l'épigraphie, l'histoire politique, sociale, culturelle du milieu ambiant...), ni dans la structure littéraire du texte (son vocabulaire, sa grammaire, ses styles, son lien aux langues précédentes ou environnantes...). Lire un texte ne peut être réduit à la connaissance de l'histoire de la formation du texte. Le sens du texte est autour du texte, dans le texte...et dans la lecture du texte. Car si un texte non lu existe tout autant qu'un texte lu, c'est néanmoins la lecture qui fait la vie du texte.
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Mal à l'aise dans un islam centré sur la loi et le pouvoir politique, se fait sentir le besoin d'une distinction claire entre le message coranique et les structures juridiques héritées d'un certain passé. La réflexion des nouveaux penseurs se révèle susceptible de fournir les moyens de cette distinction. Car ils démontrent que ce sont les juristes médiévaux, et non la Révélation, qui ont défini les principes selon lesquels allaient être exploitées les données du Coran et de la tradition. Ce sont les mêmes juristes qui ont inspiré une vision de l'islam où le légal et le juridique sont devenus centraux au détriment du message théologique et éthique. Ainsi les nouveaux penseurs, explorant l'histoire de manière critique, viennent rappeler que le concept de la Chari'a conçue comme loi totale régissant la vie des croyants est d'abord une construction humaine qui s'est cristallisée près de deux siècles après la mort du Prophète. Ou encore que le dogme du "Coran incréé" s'est imposé trois siècles après la mort du Prophète, dans le cadre d'âpres débats entre théologiens, et dans un contexte politique sanglant.
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Une des caractéristiques de la modernité, en effet, est la raison critique, qui implique notamment une approche historique des textes religieux.
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Rappelant que "les productions sémiotiques d'une personne sont sujettes à l'historicité dans l'articulation de leur signification à des fins sociales et culturelles", il affirme que le Coran est lui-même sujet à l'historicité. Et il reconnaît n'être pas "très éloigné de postuler l'impensable : le divin est lui-même sujet à l'historicité".
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Du VIIIe au XIVe siècle, l’apport des savants musulmans s’est manifesté de manière éblouissante dans le domaine artistique et particulièrement en architecture.

Quand les sciences éclairent les arts (Henri Stierlin)
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C’est auprès de son père, dans les cours privés que celui-ci lui donne, que Fazlur Rahman acquiert l’essentiel de sa formation religieuse très poussée. Ainsi, à l’âge de dix ans, il connaît par cœur l’intégralité du Coran. Son enfance et son adolescence (notamment quand, à partir de 1933, son père prend un poste d’imam à Lahore et que lui-même suit sa scolarité dans un collège moderne) ont été bordées par l’étude du cours traditionnel appelé Dars-i-Nizami. Quand, après ses études initiales, Fazlur Rahman entre à l’université du Pendjab à Lahore, pour y obtenir un premier diplôme (puis une maîtrise) d’arabe, il possède un savoir islamique traditionnel complet : fiqh (jurisprudence), ‘ilm al-kalam (théologie didactique), hadith (traditions prophétiques), tafsîr (exégèse coranique), mantiq (logique) et falsafa (philosophie).
(…)
A cette époque, Fazlur Rahman parle déjà cinq langues : l’ourdou (sa langue maternelle), l’arabe, le persan, l’anglais et l’allemand (il est capable de traduire de l’allemand à l’anglais un gros ouvrage d’islamologie), mais il ajoutera d’autres par la suite dont le français, le turc et l’indonésien.

En 1946, Fazlur Rahman part pour l’Angleterre, à Oxford, afin de continuer ses recherches doctorales sous la direction de Simon Van den Bergh et de H.A.R. Gibb. Ses enseignants lui font apprendre le grec et le latin classiques (qu’il assimile avec une facilité déconcertante) afin d’être en mesure de pénétrer la philosophie occidentale.
(…)
Fazlur Rahman a tenté d’esquisser un cadre intellectuel de référence fondé sur le Coran lui-même pour comprendre le Coran… Pour cela, il a considéré qu’il fallait d’abord se préoccuper de l’exposé des valeurs morales du Coran, lesquelles doivent être tirées des faits historiques bien que leur interprétation ne puisse, en même temps, se limiter à l’histoire. Car ces valeurs ont aussi une existence extrahistorique, transcendante, et leur signification ne peut pas être épuisée par leur aspect pratique historique.
(…)
L’herméneutique de Fazlur Rahman repose sur deux piliers : une compréhension de l’histoire (nous l’avons évoqué) et une théorie de la prophétie et de la nature de la Révélation. C’est surtout l’hypothèse qu’il a formulée quant à la notion de Révélation, si différente de l’explication orthodoxe sunnite traditionnelle, qui lui a valu les plus sévères attaques des oulémas. Car dans son approche, Fazlur Rahman a pris en compte le rôle propre du Prophète en tant que récepteur de la Révélation. Et, prenant en considération cette subjectivité du Prophète, il a, bien entendu, interrogé le point de vue traditionnel selon lequel le Coran viendrait exclusivement et totalement de l’ « Autre » : Dieu, par l’entremise, cependant, de l’archange Gabriel. A la représentation d’un prophète « passif », Fazlur Rahman a, finalement, substitué l ‘image d’un prophète « actif ». (pp. 123-140)
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Evidemment, les nouveaux penseurs de l'islam n'oublient pas que le Coran a un statut particulier pour le croyant. Ils sont conscients que le Coran ne peut pas être réduit à un simple répertoire de "contenus". Ils savent plus encore que, avant d'être un livre -"le Livre"-, le Coran est un discours, un énoncé célestiel, une Parole divine qui exprime la pensée du Créateur. Cette Parole et son écoute ont précédé le livre, et le texte écrit redevient parole quand il est lu à haute voix comme cela se fait de manière courante dans le monde musulman. (....)
Les mots du texte redeviennent "Parole" grâce à un processus d'appropriation dont le premier temps est l'écoute. L'écoute, en islam, constitue d'ailleurs une authentique discipline spirituelle. Mais pour les nouveaux penseurs, l'étude scientifique du texte coranique ne vient pas annuler la démarche religieuse : elle vient la compléter, l'éclairer, lui donner une assise intellectuelle. La science des textes ne prétend pas constituer un savoir de la Parole, mais elle aide à une intelligence de celle-ci pour aujourd'hui.
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Les études herméneutiques mettent ainsi en lumière le caractère polysémique du Coran. Non pas parce que le texte coranique serait un réservoir de sens qu'il suffirait de mettre en lumière grâce à une quelconque méthode, mais parce que l'acte de lecture lui-même est producteur de sens. Et la lecture, c'est d'abord l'oeuvre du lecteur ! Il n'y a pas de lecture sans lecteur. Le sens d'un texte se trouve d'abord chez celui qui le lit. Démonter un texte pour voir comment il fonctionne ne suffit pas à trouver le "sens" d'un texte. Un texte s'éclaire pour le lecteur quand il en vit quelque chose. Le lecteur est celui qui, dans le tissu du texte, découvre peu à peu les chemins qui ont de la saveur. Inévitablement, lire le Coran ou un autre texte, c'est aborder son texte à travers les lunettes d'une culture particulière, la sienne, et il y a toujours un caractère partiel et partial de la lecture lié à ce que le lecteur est. Toute lecture est une "relecture", c'est-à-dire une lecture en situation, une lecture contextuelle. Ainsi n'y a-t-il pas de méthodes qui permettent de tirer d'un texte un sens "objectif" unique. Le Coran ne peut être réduit à une seule perspective de lecture. Il n'y a pas de lecture unique valable en tous temps.
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"Ce triangle 'anthropologique', comme je l'appelle, permet donc de rendre compte de la violence religieuse, mais aussi de la violence dans les idéologies modernes laiques. Nous, modernes et laiques, devons cesser de regarder les religions comme seules responsables de la violence liée au fanatisme religieux. Il y a aussi un fanatisme politique et laique. Même la vérité qui s'habille de philosophie peut dégénérer en vérité violente, source de violences, de persécutions et de condamnations de toutes sortes. Cela oblige la raison moderne laique, comme la raison religieuse, à reprendre le travail sur ce qu'il faut appeler la violence dans la société, la vérité politique ou religieuse. Le jihâd n'est pas du tout une particularité de l'islam. C'est lié au fonctionnement même du concept de vérité. Par ma critique, je veux amener la raison contemporaine à réfléchir autrement qu'elle ne le fait sur des ensembles culturels, et non pas en opposant une culture occidentale aux autres cultures qui ne seraient pas modernes ni évoluées."
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