Tuer au nom d'un dieu qui est aussi le mien, se demande Rachid Benzine ? Comment continuer à avoir des certitudes ? Qui a raison, où se trouve la civilisation, où se trouve la barbarie ?
Pour cela, Rachid Benzine essaie d'imaginer un dialogue entre un père et sa fille, unis par l'amour et pourtant, au nom de la même religion, complètement séparés.
Dès le départ, Nour annonce la couleur : elle a rencontré sur internet un responsable régional de l'État islamique. Bien sûr, il est beau, bien sûr il est très fort, en plus aussi dans ses connaissances de l'islam.
Et comme le père lui a toujours dit que l'islam envoyait des messages d'insoumission, eh bien elle choisit de partir « recréer la cité radieuse », chasser les croisés, libérer l'Irak.
Rien que ça.
Le dialogue est depuis le début faussé.
Car le père, lui, intellectuel, présente un islam doux, ouvert aux autres religions, avec l'éducation bienveillante qui permet « la liberté, la démocratie, l'émancipation des peuples » et pas la haine des fanatiques de Daesh. Ce dialogue faussé s'accentue encore au cours de cette année, au point que nous doutons de l'amour entre eux, l'un prônant une ouverture que nous ne connaissons pas, d'autant que le 13 novembre 2015 intervient, l'autre, sa propre fille, dénonçant les bouffons à la solde de l'occident, la sexualité dégradée des occidentales vouées à Satan.
Stop.
Manipulation.
Que sait cette jeune fille de 20 ans sur la sexualité satanique ?
De même que je ne crois pas un instant à cet islam « démocratique », je ne peux imaginer la sharia bienveillante, en but d'organiser une société sereine, ni l'apologie que fait Nour du « djihad du nikah » (ou esclavage sexuel consenti par certaines Tunisiennes parties en Syrie.)
Puis elle monte d'un cran : ta vie, écrit-elle à son père, est la vaine quête digne d'un lâche, une imposture ; ma vie d'avant, avec toi, était nulle et vaine, je recommence à voir les vraies valeurs avec mon mari qui travaille tant.
Pour Allah, sois-t-il béni 33 fois.
Le père entre temps s'est fait tabasser, et répond sur la réalité de Daesh : « les massacres, les viols, les petites filles vendues comme esclaves sexuelles, l'exécution des Yézidis (Minorité non musulmane du Nord de l'Irak), la persécution des chrétiens, le meurtre des homosexuels, des buveurs d'alcool, et de celles qui refusent de porter ce voile complet dont tu es si fière désormais.» , sans parler des opposants crucifiés ou enterrés vivants, la destruction des oeuvres d'art et des bibliothèque, les jeunes déficients mentaux envoyés comme kamikazes.
Au mépris et à la haine de sa fille, il répond qu'elle se fait baiser par un monstre, dont les mains velues ont tué femmes et enfants en invoquant une fatwa.
Inutile de continuer : ce dialogue de sourd repose sur deux croyances, dont bien entendu Rachid Benzine prend partie pour le père, car Nour, à part clamer son bonheur n'oppose aucun argument valable, sauf les pilonnages américaines sur l'Afghanistan et l'Irak, et, oui, elle n'a pas tort.
Ce livre, dont j'ai l'air de détruire la raison d'être, est cependant extrêmement utile, vu les croyances véhiculées à propos de faits politiques récents, le danger des certitudes, et la volonté de l'auteur d'opérer un travail critique sur le Coran, dont on dit tellement que ces préceptes n'ont pas été revus depuis le Moyen-âge, un peu comme le fait
Delphine Horvilleur avec qui il a écrit : «
Des mille et une façons d'être juif ou musulman ».
Ames sensibles, ne lisez pas la fin.
Mais sachez que la fille de Nour s'appelle Jihad et même s'il manque un D, la croyance aveugle la raison, jusqu'au bout.