Le Progrès ! Rouler plus vite, voler plus vite, produire davantage… entasser des connaissances mal assimilées dans des esprits hébétés et avides… Et vivre, alors ? Quand vivons-nous ? Est-ce que c’est vivre, que de battre des records de vitesse, ou de passer des années afin de sauter plus loin que les autres ?
Cette terreur de l’anarchie, cette prétention des technocrates à tout coordonner, à guider l’humanité vers le Progrès (comme si le Progrès matériel était un but en lui-même !) nous ont conduits où nous en sommes. On tue l’Homme comme on le tuait aux temps lointains de l’esclavage ! On prétend faire de lui un Dieu sans défauts… et en réalité on le massacre. Oh, pas physiquement : nous n’en sommes plus là ! Mais mentalement. On en fait un troupeau moutonnier.
Les progrès de la technique condamnent la Société à devenir une ruche monstrueuse. Chacun y aura sa place bien définie, et chacun accomplira sa besogne dans l’intérêt commun.
C’était beaucoup pour un homme, en moins d’une heure, de se voir méprisé par celle qu’il aimait, pour ensuite tromper son meilleur ami.
Les grévistes demandent, entre autres choses, la liberté absolue en dehors des heures de travail, le droit de se distraire comme ils l’entendent… En dehors des « loisirs organisés ».
Le mécontentement s’accroît, la révolte générale peut éclater. Les hommes ne supporteront pas longtemps leurs chaînes : plus leur niveau de vie s’élève, plus ils rêvent de liberté. Le Comité, pressé par la masse» peut être balayé. Emeutes, destructions, bouleverseront l’Europe. Ce ne seront plus vingt, mais cent années en arrière !
On devient intelligent quand on commence à douter de l’être.
« L’homme est un animal éminemment sociable », annonçait certain vieux professeur dans ses souvenirs d’adolescent. Ceux qui avaient élaboré le Règlement n’avaient donc jamais ressenti un besoin d’évasion, une aspiration à la rêverie solitaire ? Ou peut-être le ressentaient-ils, mais se dominaient-ils.
Cela vivait parce que les Hommes étaient encore des Hommes et non des machines à Progrès.
Les choses vont si vite ! Il y a trente, quarante ans, tout allait de travers. Des gens mouraient de faim, d’autres s’empiffraient. Tous les vingt ou trente ans, une guerre pour des prétextes de sotte susceptibilité nationale. Des démocraties qui vacillaient dans leur pourriture, des dictatures qui se débattaient dans l’horreur. Cela criait sa douleur parfois, hurlait à la mort, se rebiffait, avait des élans d’enthousiasme pour des motifs puérils, des crises de colère injustifiées…