Alma est internée dans un établissement psychiatrique, au sein duquel on lui administre des médicaments à haute dose. Elle vient de fêter ses trente ans, de tromper Paul, son compagnon, avec un auteur qui a remporté le prix de Flore, et semble décidée à tout envoyer valser. Dépressive – ou tout du moins victime de terribles crises d'angoisse –, elle paraît éprouver le besoin de se faire du mal physiquement, comme si elle souhaitait que le monde entier soit témoin de sa souffrance intérieure. Par le biais d'une narration alternant entre les moments à l'hôpital et ceux ayant précédé cet internement, nous allons découvrir les différents concours de circonstances qui ont conduit Alma dans ce centre psychiatrique.
Tout d'abord, il faut insister sur l'écriture de
Claire Berest. Plus encore que le récit qu'elle nous propose, j'ai beaucoup aimé son style, ses phrases longues, mais hachées par la ponctuation, qui traduisent un sentiment d'essoufflement. À travers la narration, on sent qu'Alma perd pied, que nous sommes dans une écriture de l'urgence, qu'elle doit en dire le plus possible et le plus vite possible. C'est le premier roman que je lis de cet auteur, et dès les premières pages, j'ai su que j'allais apprécier la façon dont elle emploie la langue de
Molière.
Dans
Bellevue, l'écrivain s'intéresse à un grand nombre de thématiques : l'angoisse, la perte de repères, la remise en question quant à savoir qui on est et ce que l'on veut, la folie, la carrière, mais il est aussi question d'amitié, d'amour, de sexe (c'est pourquoi ce livre n'est pas à mettre entre toutes les mains), ou encore de littérature. Ainsi,
Claire Berest imagine un prix littéraire lors duquel le jury voterait pour des ouvrages en ignorant tout de l'identité des auteurs. Alma, qui a publié un premier roman, fera d'ailleurs la rencontre d'un éditeur vouant un véritable culte à
Julien Gracq, qui avait décliné le prix Goncourt qui lui avait été décerné.
Au fur et à mesure que nous tournons les pages, nous plongeons toujours davantage dans l'enfer d'Alma, qui semble glisser vers la folie. Les passages à l'hôpital nous présentent une femme fragile, peu sûre d'elle, diamétralement opposée à celle qui est prête à sauter sur le premier venu, qu'il soit son futur éditeur ou un inconnu rencontré dans un bar. L'auteur n'hésite pas à employer des mots crus, insistant ainsi davantage sur le mal-être de son héroïne, en « choquant » le lecteur par le recours au vocabulaire utilisé.
Bellevue est donc un récit que l'on pourrait qualifier de dur, mais surtout un ouvrage très intéressant de par la variété des thèmes abordés et la façon dont ils sont développés.
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