AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,23

sur 123 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Bellevue est le troisième roman de Claire Berest, jeune écrivaine française. Il est aussi émouvant que marquant, parfois même dérangeant. C'est en tout cas une très belle réussite.

« Se faire sauter, pour une femme, concrétise l'idée du sexe d'une manière curieusement passive. Se faire sauter pour une femme, induit une prise en charge du plaisir de l'autre, cette incontournable envie chez l'homme de jouir. Encore et encore. Un train dans un tunnel qui se dirige sans alternative possible vers la sortie. Un besoin de se soulager, de jeter quelque chose hors de soi. Sont-elles si douloureuses ces réserves de sperme entassées pour qu'accompagne systématiquement leur expulsion et leur perte un cri superstitieux de ravissement ?[…]"

Dès les premières lignes du livre, le ton est donné : ça sera brut, cru, inattendu, déroutant, sans fard. En général, ce genre d'écriture ne me plait guère, mais quelque chose me disait qu'il fallait que je lise cet ouvrage. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que j'ai bien fait.

« C'est donc cela, la trentaine. Une fêlure sans éclair, un empoisonnement discret, un meurtre sans préméditation. Je m'aperçois que certains mecs d'un soir sont plus jeunes que moi, à présent. le sexe est plus disponible, l'amour devient fuyant »

Alma a 30 ans, vit avec Paul, possède un vrai ami, Auguste, toujours la quand elle a besoin. Sa vie est agréable : elle sort au spectacle, va au restaurant, part en weekend. Rien à redire de ce côté-là, et pourtant… un rendez-vous avec Thomas B., écrivain, éditeur, beau gosse, le jour de son anniversaire va tout chambouler et la faire basculer du côté obscur.

« L'amitié prend l'autre en charge dans son absolue et sordide entièreté, comme les mères, elle prend en charge e quotidien et l'exceptionnel au coude à coude sans autre transition qu'une reprise de souffle, les amis sont prêts à tout traiter, la vie, la mort, c'est d'accord. le véritable ami que l'on rencontre ressemble à une déflagration. »

Crise de panique, angoisse incontrôlable, agressivité, violence (automutilation), « pétage de plomb » (son déchainement sur le portable de Paul est épique!), sexe (fréquentes crises de nymphomanie), alcool massif… Alma n'est plus elle-même durant 48 heures. Elle se réveillera à Bellevue, un hôpital psychiatrique. Pourquoi est-elle là ? que s'est-il passé ? Alma ne se souvient de rien.

« Je suis affolée par ce que je viens de lui dire, le flot de paroles sorti de ma bouche me surprend la première, comme si j'avais perdu le contrôle non seulement de la situation, mais de moi-même.
Thomas resté coi, ses sourcils suspendus en deux arches, hésite. Il est estomaqué par sa violence, son impertinence, elle a le corps secoué, une veine de son front palpite, prête à exploser, il discerne alors la couleur de ses yeux plus nettement, ils ne sont pas juste noirs, ils sont assombris. »

Durant un peu moins de 200 pages, Claire Berest alterne entre le moment présent (le quotidien de Alma aux urgences psychiatriques) et les événements survenus durant les derniers deux jours. Alternant les rythmes, augmentant la tension, cette construction donne une vraie dynamique à la lecture en imposant son propre tempo. Elle entretient aussi pleinement le suspense. On ne peut lâcher le roman, on veut comprendre, on veut savoir et par conséquent, on tourne les pages rapidement. C'est une histoire qui se lit quasiment d'une traite. L'auteur a parfaitement su nous tenir en haleine et nous donner envie.

« Dans ma famille, on dit le coeur, qui n'en a pas en meurt, on dépose une goutte de champagne derrière l'oreille des enfants nouveau-nés, on collectionne les grammaires anciennes, on ne parle pas de sexe, on part se promener quand on est fâché, mais on évite de claquer la porte, on ne croise pas les bras quand on trinque, à Noël on laisse dehors un verre de vin pour le père Noël, à Pessah on laisse un verre de vin à table pour le prophète Elie. Dans ma famille il ne serait venu à l'idée de personne de se couper un bras intentionnellement et moins encore qu'une telle pratique existât. Subjonctif imparfait »

L'autre gros point fort de ce livre est la plume de l'auteur : si vive, intelligente, si sensible, si expressive, très explicite et visuelle. On ressent intensément ce que vit Alma. On souffre avec elle, on délire avec elle, … C'est oppressant et dérangeant tellement le style met à nu le personnage principal. On a l'impression de tout voir, tout savoir, tout vivre. C'est rare de telles émotions !

Il n'y a pas que des mots crus. En fonction des messages à faire passer, elle sait aussi être très belle, utilisant de longues phrases fluides, aux mots subtilement choisis qui nous font réfléchir, douter.

« Est-ce que je dis libre pour qualifier un sentiment que je ne parviens pas à décrire ? Je parle du sentiment rare où le point d'ancrage s'évanouit. S'apercevoir quand on s'y attend le moins que nos points de vue fondamentaux sont finalement relatifs et qu'il s'en faudrait de peu pour balayer nos évidences et assembler le puzzle de notre vie tout à fait différemment de ce qui était prévu »

Elle est enfin acerbe et piquante pour dénoncer et faire passer des messages à propos de l'apparence, du sexisme, etc…

« J'ai décidé de devenir serveuse quand mon éditeur, après avoir éclaté d'un rire franc à ma demande d'à-valoir avait conclu : « Vous n'avez qu'à vous mettre avec un homme riche si vous avez besoin d'argent ». CQFD. Ah ah ah, j'ai dû rire aussi lâchement et me taire. Se demander s'il aurait osé dire cela à un jeune écrivain homme. Je savais qu'il ne fallait pas le faire, il ne fallait pas se le demander, il fallait que cela glisse, que cela glisse. La rage finirait par s'épuiser. Je suis devenue serveuse, ce faisant, je n'étais plus écrivain, no ambitieuse, j'étouffais mon ego, pour ne me concentrer que sur des tâches »

Je ne m'attendais pas à une telle expérience quand j'ai choisi de lire cet opus. J'en ressors conquis par Claire Berest que je suivrai dorénavant. Court mais intense et marquant, je vous conseille Bellevue, même s'il n'est pas destiné à tous, âmes sensibles ou fragiles, s'abstenir…

4,5/5

Lien : http://alombredunoyer.com/20..
Commenter  J’apprécie          80
Dès la première phrase du livre nous sommes plongés dans l'ambiance d'une écriture sans fard qui remue !

Tout du long c'est brut de décoffrage, sans fioriture.

Et plus on tourne les pages, plus on plonge avec l'héroïne...

C'est un livre qui bouscule.
Parce que les descriptions, la dissection psychologique sont telles qu'elles ne peuvent que perturber.
Et tout ce qui ne laisse pas indifférent est grisant. Addictif même...

L'auteur nous fait rentrer dans la tête d'Alma d'une manière flippante.
En même temps, c'est terriblement jouissif.

La vie d'une femme de 30 ans.
L'image qu'elle a d'elle (et des autres).
L'engagement.
La vie de couple.
La liberté.
La fuite.
Le sexe.

L'héroïne est happée par une violence irrésistible à laquelle elle ne peut échapper...

Si l'auteur n'a pas vécu ce qu'elle décrit, sincèrement je ne sais pas comment elle a fait pour rendre ces lignes plus vraies que nature.
L'écriture est remarquable qui plus est.

La construction du livre est intéressante et rythmée : elle alterne l'hôpital psychiatrique et les deux jours précédents où tout a basculé.

Plusieurs jours après, l'histoire est toujours très présente dans ma tête.
Elle m'a profondément marquée et m'a donnée envie de découvrir les autres livres écrits par l'écrivain.

J'ai pris beaucoup de notes en le lisant. Notamment ceci (juste un p'tit conseil) : Messieurs, n'oubliez jamais de descendre la poubelle lorsque votre compagne ou votre femme vous le demande... ;)

Lien : http://www.arthemiss.com/bel..
Commenter  J’apprécie          40
C'est l'histoire d'une jeune femme qui vient de fêter ses trente ans et comme un espèce de bouton déclencheur cet anniversaire fait venir d'un seul coup à la surface toutes ses souffrances latentes depuis des années... Elle va complètement vriller. Errer. Souffrir.
Elle qui pourtant avait une vie bien rangée bien classique auprès de son fiancé Paul, ses deux jobs d'enseignante et serveuse, en parallèle d'un début de carrière d'écrivain, des amis et une famille parfaitement normale.
Une seule journée à suffit à faire tout basculer.
Elle va se réveiller deux jours plus tard à l'hôpital psychiatrique de Bellevue, et ce que l'on va découvrir au fur et à mesure ce sont ces deux jours durant lesquelles tout a basculé. On va errer avec elle.
Je ne m'attendais pas à une telle claque en ouvrant ce roman. Je n'avais jamais lu Claire Berest auparavant, et ce que j'ai découvert c'est une plume d'une beauté, d'une incision et d'une évocation folle. La narration est à la fois tranchante et légère. Une douce et douloureuse mélancolie se dégage de chaque ligne. Et c'est grâce à ce talent que l'on ressent pleinement ce qu'a ressenti Alma. Une lente dérive, une brutale dérive. Plus rien n'a de sens sauf sa souffrance, une souffrance invisible qu'elle va s'acharner malgré elle à rendre visible.
Un roman qui m'a bouleversé, un roman beau et triste sur la vie d'une (des ?) femmes, sur le sens donné au couple, au job, aux apparences, au quotidien. Ou leur absence de sens.
Un joli coup de coeur.
Commenter  J’apprécie          30
30 ans. L'âge des bilans, des questions, des remises en question.
Le moment de se mettre sur pause de la vie.

Quand les rides se forment, que les premiers cheveux blancs s'installent, face au regard des autres, aux poids de la famille, du passé, de la société, qu'en est-il des rêves, des réussites, des échecs?
Qu'en est-il du couple?
Qu'en est-il des possibles encore permis?

L'écriture est directe, puissante, sensuelle.
Elle bascule dans les souvenirs, dans la folie, revient au corps pour mieux se brouiller dans l'alcool et les médicaments, on chancelle... et l'on se raccroche à la littérature. de Verlaine à Julien Gracq, les textes, les écrivains, le monde de l'édition ont une part importante dans ce roman.

Il y a des questions que je me suis posées quand j'ai passé le même cap. Des miroirs. Il y a des phrases à noter. A relire. A réfléchir.
Lien : http://lecture-spectacle.blo..
Commenter  J’apprécie          20
J'étais soignante en psychiatrie fermée il y a encore quelques années. J'ai reconnu dans les textes une infinie justesse dans l'histoire et dans le trouble. Je visualise parfaitement Alma, sa vie et sa chute. Claire Berest a su raconter l'histoire de nombreuses personnes atteintes d'états limites. Les variations du vécu nous permettent de distinguer l'amas de pensées qui trouble le quotidien d'Alma. Les symptômes sont ceux que pourraient vous décrire les patients. Tout y est, jusqu'à l'impuissance des proches et l'incompréhension des nouveaux arrivants. Jusqu'à la description des effets des traitements sur l'état émotionnel et physique. Même l'incertitude latente jusqu'à la fin du récit, qui existe continuellement en question, comme un point d'interrogation au dessus de chaque tête : quand vais-je sortir maintenant ?
Commenter  J’apprécie          10
Alma, jeune écrivain parisien talentueuse, donne l'image d'un bonheur serein. Mais elle "pète les plombs" le jour de ses 30 ans: rage soudaine, angoisses, sentiment d'abandon, errance alcoolisée, désinhibition sexuelle, automutilation... Elle se retrouve internée à l'hôpital psychiatrique Bellevue, "l'endroit où on va quand on s'est perdu de vue". J'ai beaucoup aimé ce roman, simple et bien écrit, qui nous parle du trouble bipolaire, mais aussi des angoisses, de l'insatisfaction et du malaise d'une jeune parisienne de 30 ans à qui tout semble pourtant sourire. Je recommande sans restriction!
Commenter  J’apprécie          10
Belle surprise que ce roman de Claire Berest que je ne connaissais pas. Un bon vieux roman psychologique à la française bien centré sur les états-d 'âme du personnage principal (personnage principal qui souvent ressemble de près ou de loin à l'auteur). Et j'en raffole n'en déplaise aux détracteurs du genre qui prenne ça pour du nombriliste et qui préfère par exemple les grands saga familiales américaine du XIXe sur fond de Mississipi... Bref !

Roman parisien sur une néo trentenaire qui pète littéralement les plombs pour aucune raison apparente. On assiste à sa rapide descente aux enfers avec intéressement. On se rends compte qu'on peut détruire toute une vie heureuse et sur les bonnes rails en quelques jours, quelques heures, quelques minutes, quelques secondes même !

3 point de départ à tout cela :

- Son compagnon (depuis 5 ans) qui oublie de descendre la poubelle
- le jour de ses trente ans
- Un rendez vous de prévu avec un écrivain célèbre

Le roman alterne les moments à la HP et le récit de ses deux jours de déchéance complète (entre autres : hypersexualité, auto-mutilation, absorption de quantité énorme d'alcool...)

A noter de très rare scène avec son père qui m'ont beaucoup plu et interpellé.

Commenter  J’apprécie          10
Je suis totalement fan de la plume de Claire Berest. Rien n'est noir était un coup de coeur, et j'ai adoré bellevue.
L'histoire est simple, c'est mon histoire et certainement celle de millier de personne. Mais la façon dont tout ceci est écrit, cette plume incisive, violente, c'est ça qui donne toute sa force à ce roman.
Commenter  J’apprécie          00
Un livre magnifique sur la crise des 30 ans, qui pourrait être n'importe qu'elle crise de n'importe qu'elle décennie.
Une crise violente et qui arrache tout sur son passage menée par une plume brillante
Lien : https://emiliaetjean.wordpre..
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (249) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
433 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *}