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sur 4603 notes
En 2003, Lélia, la mère de l'auteur, reçoit avec perplexité une étrange carte postale. Anonyme, elle ne comporte que les prénoms de quatre membres de la famille, morts à Auschwitz en 1942. Près de vingt ans plus tard, Anne Berest se met en tête de découvrir qui a bien pu envoyer ce message énigmatique. Son enquête va lui faire exhumer un siècle d'histoire familiale, depuis la fuite de Russie des Rabinovitch, en passant par la Lettonie et par la Palestine, jusqu'à leur installation à Paris et l'horreur qui les y attendait pendant la seconde guerre mondiale. La grand-mère de l'auteur, Myriam, fut la seule à échapper au funeste destin de la famille entière. Elle a laissé à sa fille et à ses deux petites-filles le terrible poids d'un silence étourdissant…


Bien avant Anne, Lélia avait commencé à recoller les morceaux de ce passé barricadé dans le mutisme maternel, rassemblant et recoupant au cours de longues et minutieuses investigations les traces qui, dans leurs boîtes d'archive, attendaient de trouver leur place dans la mémoire des vivants. L'histoire des Rabinovitch met en pleine lumière le vieux serpent de mer de l'antisémitisme, les exils répétés et les renaissants espoirs d'intégration, la confiance demeurée malgré les alarmes, et finalement la prise au piège d'un impensable savamment orchestré. Avec justesse et intelligence, la narration restitue contexte et processus, décortiquant comment, insensiblement, a pu s'imposer une idéologie massivement meurtrière, au point de susciter le zèle d'un Etat français devançant les exigences nazies.


Piqué par l'énigme de la carte postale, le lecteur se retrouve happé par l'enquête menée par l'auteur, et c'est à pieds joints qu'il plonge dans ce récit sensible et vivant courant sur cinq générations. Dépourvue du moindre pathos, la narration bouleverse d'autant plus qu'elle se déroule avec la plus grande sobriété. Son réalisme saisissant vous emmène coeur et dents serrés au bout de l'insoutenable, et c'est le moins que l'on puisse faire que de savoir et de se souvenir. Ecrire et lire cette histoire, c'est sortir les victimes du néant où on l'on a voulu les plonger, puis les laisser bien après la défaite allemande. Car il aura fallu des années, puis encore un demi-siècle, pour que l'administration française finisse par reconnaître d'abord le simple décès, puis la mort en déportation des victimes des camps…


Tout en creusant le sillon de la mémoire, l'enquête d'Anne Berest nous confronte également à la réalité contemporaine. Comment ne pas se sentir troublé lorsque l'on découvre avec elle ce que sont devenus la maison et les biens personnels de ses arrière-grands-parents, la gêne et l'hostilité patentes des descendants des anciens voisins ? Au fur et à mesure que s'emboîtent les bribes du passé, ce sont toutes leurs répercussions sur le présent qui nous sautent peu à peu à la figure et nous interrogent. Pour l'auteur, elles sont le déclencheur d'une réflexion intime sur son identité, sur l'influence de ce passé sur sa personnalité profonde et sur sa manière de vivre sa judaïcité.


Initialement choisi sur un quiproquo entre les écrivains Anne et Claire, que j'ignorais soeurs, ce livre sur lequel je me suis précipitée, sans même me préoccuper à l'avance de son contenu, m'a subjuguée. Grave, parfois éprouvant, tendu comme un thriller, il est écrit avec une sincérité, une sensibilité et une clairvoyance qui vous vont aussi droit au coeur qu'il marque votre esprit. Un très grand coup de coeur.

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La « Carte postale » dont il est question dans le titre est celle reçue le 6 janvier 2003 par la mère de l'autrice. Totalement anonyme et représentant l'Opéra Garnier, celle-ci mentionne uniquement l'adresse de la destinataire, ainsi que quatre prénoms écrits les uns en dessous des autres: Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques. Ceux de ses grands-parents maternels, de sa tante et de son oncle, tous morts en déportation pendant la Seconde Guerre mondiale.

En cherchant à découvrir la provenance de cette carte, Anne Berest reconstruit progressivement une histoire familiale passée sous silence, reconstituant d'une part l'histoire de ses aïeux, tout en s'interrogeant sur sa propre identité juive. Une quête de vérité qui invite tout d'abord à faire la connaissance des membres de la famille Rabinovitch, depuis leur fuite de la Russie jusqu'à leur installation à Paris, en passant par la Lettonie et la Palestine. Puis vient l'horreur de la Shoah, de l'organisation nauséabonde de la déportation par la France aux retours surréalistes des camps, en passant inévitablement par l'horreur sur place…

Si le mystère de l'origine de la carte, permettant à l'autrice d'insuffler un aspect polar à sa quête, ne m'a pas vraiment tenu en haleine, cette enquête bouleversante permet surtout de faire revivre quatre personnages effacés par les nazis, de leur donner une voix et d'inscrire à jamais leurs noms sur la couverture d'un livre…à défaut d'avoir eu droit à une sépulture…
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Tout démarre avec cette fameuse carte postale reçue le lundi 6 janvier 2003, par Lélia, la mère de l'autrice. Sur cette carte sont inscrits quatre prénoms : Ephraïm et Emma, les grands-parents maternels de Lélia, ainsi que Noémie et Jacques, sa tante et son oncle. Tous les quatre avaient été déportés à Auschwitz en 1942 et n'en sont jamais revenus.
Comment expliquer que, soixante-et-un ans plus tard, cette carte postale parvienne à Lélia et Pierre Bouveris, une carte postée du bureau du Louvre et représentant l'Opéra Garnier ?
Le mystère étant resté entier, ce n'est que dix ans plus tard qu'Anne Berest, sur le point d'accoucher, décide de tenter de tout savoir sur ses ancêtres.
La carte postale, extraordinaire quête mêlant intimement l'histoire d'une famille aux drames bouleversants causés par le nazisme, m'a emporté et passionné jusqu'à la dernière ligne. Pendant les Correspondances de Manosque 2021, j'avais écouté Anne Berest parler de son livre, cela m'avait touché, intrigué, intéressé, mais je ne pensais pas que la lecture du livre m'emmène au plus profond de l'âme humaine, soulignant une fois de plus des problèmes toujours actuels, hélas.
C'est tout d'abord Lélia, sa mère, qui raconte, dans le Livre I, intitulé Terres promises. Elle détaille l'histoire de ses grands-parents : Ephraïm et Emma Rabinovitch. Lui, à 25 ans, ne se sent pas juif mais socialiste, en 1919, dans cette Russie où les brimades, la violence, la mort menacent. Il faut envisager de partir mais Emma, enceinte, met d'abord au monde Mirstchka (Myriam) à Moscou, le 7 août 1919. Pour échapper aux fouilles de la police, ils partent vivre à Riga, en Lettonie où la vie est prospère car Ephraïm réussit dans le commerce du caviar. Puis, Noémie naît dans cette même ville où recommencent les menaces qui poussent à partir pour Lodz, en Pologne. L'antisémitisme gagne là aussi. Train pour Budapest, bateau sur la Mer Noire et Haïfa, en Palestine où Myriam et Noémie, après le russe, le yiddish, l'allemand et le polonais, apprennent l'hébreu et l'arabe…
Un petit frère, Itzhaak, voit le jour là-bas, à Migdal, mais Ephraïm veut développer une invention qui accélère la levée de la pâte à pain, dont il est l'auteur. Quel est le pays idéal pour réussir avec un tel procédé ? La France, bien sûr ! le petit Itzhaak s'appellera Jacques et c'est ainsi, je passe certains détails, que toute la famille se retrouve à Boulogne-Billancourt, en septembre 1929.
Les parents réussissent. Les enfants entament de brillantes études au Lycée Fénelon mais la jalousie, la haine ressortent peu à peu. Tout au long de ma lecture, je croise des noms prestigieux comme Jean Renoir, Francis Picabia et Vicente, son fils, Gabriële Buffet, puis René Char à la tête d'un réseau de résistance.
Bien avant que la France soit envahie, les Juifs sont stigmatisés. Lorsque Pétain fait adopter le statut des Juifs en 1940, c'est une cascade d'interdictions qui entraînent notre pays et l'Europe entière dans l'horreur d'un génocide programmé, organisé et facilité par une opinion publique saturée de slogans antisémites qui peuvent surgir à nouveau aujourd'hui.
Anne Berest conte tout cela de manière très vivante. Alternent confidences et événements tragiques comme la rafle du Vél' d'Hiv', les camps et les convois. Il faut raconter encore et toujours ramener à la mémoire des anciens comme des plus jeunes cette extermination massive d'êtres humains, avec des souffrances inimaginables, dans des pays que l'on disait civilisés.
Le Livre II de la carte postale se consacre aux souvenirs d'un enfant juif sans synagogue avec toujours le même objectif : qui a écrit et expédié cette fameuse carte ? Comment se sentir juive alors qu'on est élevée dans le socialisme laïc et républicain ? Eh bien, la bêtise et l'intolérance sont toujours prêtes à ressurgir et à causer les mêmes ravages si la mémoire s'efface.
Un Livre III traite des prénoms, ces fameux prénoms qu'il faut changer pour éviter les réflexions des imbéciles. C'est dans ce Livre III que l'autrice publie deux lettres. La première, elle l'écrit à sa soeur, Claire Berest, qui lui adresse une réponse belle, forte, émouvante ! Un grand moment de lecture !
Enfin, le Livre IV parle de Myriam qui a vécu avec Vicente Picabia et Yves Bouveris, entre Apt et Avignon, dans le Luberon, près du village de Céreste. C'est ainsi que, délicatement, par subtiles touches successives, l'énigme de l'origine de la carte postale sera enfin résolu mais je n'en dis pas plus pour laisser à chacune et à chacun le plaisir de la découverte tout en gardant en mémoire les années tragiques qui ont marqué à jamais ce XXe siècle alors qu'aujourd'hui, la folie humaine frappe encore, oblige un peuple à fuir les bombes et la guerre, causant de nouveaux déracinements et, c'est le plus intolérable, abrégeant des vies dans des souffrances inadmissibles.

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« Je me reconnais enfin : je suis fille et petite fille de survivants » conclut Anne Berest en achevant l'histoire de sa famille au XX siècle.

Lélia Picabia, mère de la romancière, fut conçue durant l'occupation par ses parents, opérateurs radios opérant pour un réseau de résistance … on devine son sort si ceux ci avaient été capturés par l'occupant. Son père Vicente se suicida après la guerre, Myriam, sa mère, se remaria et, durant des décennies, garda le silence sur son enfance et son mariage.

Myriam Rabinovitch, la grand mère, née à Moscou en 1919, grandit dans une fratrie de trois enfants, fuit la Russie avec ses parents vers la Lettonie. Puis ils s'installent en Palestine, cultivent des oranges, et arrivent enfin en France. Ils apprennent rapidement le français, Myriam et sa soeur Noémie collectionnent les premiers prix pendant que leur père innove, dépose des brevets et crée une société. Cette intégration exemplaire ne suffit pas pour obtenir leur naturalisation et quand la guerre éclate la famille est contrainte de se réfugier dans l'Eure. Myriam se marie le 14 novembre 1941, devient ainsi française, et s'installe à Paris avec Vicente Picabia.

Le 13 juillet 1942, la gendarmerie se présente au refuge des Rabinovitch, interpelle les enfants Noémie et Jacques qui sont emprisonnés à Evreux, internés au camp de Pithiviers, déportés le 2 aout vers Auschwitz… Jacques est gazé, Noémie succombe du typhus.

Le 8 octobre, Ephraim et Emma, les parents sont à leur tour arrêtés, dirigés vers Drancy et achevés dès leur arrivée le 6 novembre à Auschwitz

Myriam, sans aucune nouvelle de ses parents, part en Provence, rejoint le réseau animé par le Capitaine Alexandre alias René Char qui plastique la maison de Jean Giono, retrouve Vicente incarcéré à Dijon, puis le couple remonte à Paris où il est recruté par les services britanniques.

A la libération, elle guette devant l'hotel Lutetia le retour des déportés et prisonniers. En vain … polyglotte elle s'engage comme traductrice dans l'armée pour oublier ce passé sinistre.

Remariée Myriam Bouveris refait sa vie, tait sa judéité, élève ses enfants puis accueille ses petits enfants l'été en Provence

En 2003, une carte postale est adressée à M Bouveris ; quatre prénoms Ephraim, Emma, Noémie et Jacques en constituent le texte énigmatique qui va inciter Lélia Picabia à s'intéresser à l'histoire des Rabinovitch.

En 2020, la fille d'Anne Berest est traitée de juive par un écolier … avec sa mère Lélia, elle reprend le fil du drame, rencontre les derniers survivants ayant connu leurs ancêtres et publie cet extraordinaire témoignage qui est à la fois un livre d'histoire et un manuel d'éducation civique traitant les sujets graves que sont les migrations, le racisme et l'antisémitisme. Et un bel hommage rendu à celles et ceux qui ont abrité, aidé, nourri les proscrits, au péril de leur vie.

Cette carte postale mérite d'être lue, notamment par les lycéens, qui seront sensibles au destin de Noémie et Jacques, adolescents apatrides, entonnant la Marseillaise le 13 juillet 1942 dans le fourgon cellulaire qui les mène au calvaire.
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Une carte postale glissée au milieu des traditionnelles cartes de voeux arrive dans la boîte aux lettres de Lélia, mère d'Anne Berest, le lundi 6 janvier 2003. Représentant l'opéra Garnier dans les années 90, la carte anonyme comporte seulement l'adresse de la destinataire et quatre prénoms inscrits d'une écriture maladroite les uns en dessous des autres : Ephraïm, Emma, Noémie et Jacques. Ce sont les prénoms des grands-parents de Lélia, de sa tante et de son oncle. Tous étaient morts à Auschwitz en 1942 et ressurgissaient ainsi soixante et un an plus tard.
Après s'être interrogés sur l'origine de la carte, les parents d'Anne la rangent dans un tiroir.
Si ces gens étaient ses aïeux, l'auteure, 24 ans à cette date-là, ne connaissait rien d'eux. Occupée par une vie à vivre et d'autres histoires à écrire, elle efface de sa mémoire le souvenir de cette carte postale, tout en se promettant d'interroger plus tard sa mère sur l'histoire de leur famille.
Une quinzaine d'années plus tard, mère à son tour, une phrase de sa fille Clara « Parce qu'on n'aime pas trop les Juifs à l'école » va perturber Anne Berest et sera l'élément déclencheur de l'enquête minutieuse qu'elle va livrer pour retrouver l'auteur de cette carte postale.
C'est avec sa mère qui connaît parfaitement l'histoire de la famille, qui a fait des recherches pendant vingt-cinq ans, qui a donc déjà accumulé une immense documentation et avec l'aide des brouillons de lettres de sa grand-mère ainsi que le début de roman de la soeur de sa grand-mère, Noémie, que l'auteure va, d'une part retracer le destin de cette famille juive mi-russe, mi-polonaise, les Rabinovitch sur quasiment un siècle, depuis 1919 jusqu'à nos jours et d'autre part, en parallèle, écrire le récit de l'enquête.
C'est donc en 1919, pour échapper à la police bolchevique que les Rabinovitch, Ephraïm et Emma quittent en pleine nuit Moscou pour atteindre clandestinement la frontière avec leur nourrisson dans une carriole branlante et s'installer en Lettonie. le nourrisson n'est autre que la grand-mère d'Anne : Myriam qui, en 1923, aura une petite soeur Noémie.
Ils ne pourront rester à Riga, devenant par leur réussite persona non grata. Ils partent alors pour la Palestine où sont déjà établis les parents d'Ephraïm. Ce dernier est engagé à Haïfa dans une entreprise d'électricité mais comprend qu'il ne pourra jamais réaliser ses projets. Naîtra en 1925 Itzhaak surnommé Jacques.
Ils y resteront cependant cinq ans avant d'embarquer pour la France, « ce pays qui a toujours été bon avec eux » et d'emménager à Paris, convaincus que la France est leur salut. Les années passent et les filles font un parcours scolaire remarquable. Mais la guerre est là et des cinq membres de la famille, seule Myriam l'aînée survivra, échappant à la déportation. Elle s'était mariée au début de la guerre avec Vicente, fils du peintre Francis Picabia et Gabriële Buffet.
À noter qu'Anne Berest et sa soeur cadette Claire, ont écrit un livre biographique, Gabriële, sur leur arrière-grand-mère paternelle.
Anne Berest, avec des chapitres courts et un style simple presque journalistique parfois, réussit de façon très émouvante à nous replonger dans ce passé antisémite que l'on voudrait voir définitivement révolu. Que d'errances pour cette famille qui, pourtant n'a qu'un seul souci, s'intégrer là où elle arrive. Ephraïm demandera d'ailleurs sa naturalisation qui, après de longs mois finira par lui être refusée. Une phrase résume bien cette quête de simple bonheur « Mais Ephraïm, l'ingénieur, le progressiste, le cosmopolite, a oublié que celui qui vient d'ailleurs restera pour toujours celui qui vient d'ailleurs. La terrible erreur que commet Ephraïm, c'est de croire qu'il peut installer son bonheur quelque part ». Ce déplacement, cet exil et cette sensation de chercher sa place quelque part tout en se demandant si on va finir par la trouver revêt quasiment un caractère universel tant elle peut s'adresser à chacun de nous.
Mais ce qui à mon sens fait l'originalité de ce livre, somme toute pas vraiment un chef-d'oeuvre de littérature, est de l'avoir écrit sous forme de thriller tragique. Jusqu'à la dernière ligne, il est impossible de savoir qui a rédigé cette carte postale et on ne peut que louer son expéditeur pour l'avoir envoyée puisqu'il a permis à l'auteure de retracer avec maints détails le destin romanesque de ses ancêtres, ses recherches ayant été aussi l'occasion d'une quête initiatique sur la signification du mot « Juif » dans une vie laïque : Qu'est-ce qu'être juif ?
Ce récit familial sidérant, marqué par la Shoah et qui a obtenu le prix Renaudot des lycéens 2021, pose en outre la question de savoir si certains traumatismes graves subis ne seraient pas véhiculés ensuite dans les gènes des descendants et transmis chez les générations suivantes ?
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"La carte postale " , un roman qui "prend aux tripes ", un roman que l'on peine à quitter tant il nous transporte , nous émeut , nous interpelle ,tant ses personnages sont " vrais " , sincères , inoubliables .
J'ai lu bon nombre de livres se rapportant à cette sombre période de notre " Histoire " et je n'attendais pas forcément d'éclairage particulier sur ce terrible sujet , mais j'avoue avoir été emporté , bluffé , par la volonté de l'autrice de reconstruire un passé douloureux , caché , tabou .Et comme on le dit souvent familièrement , il n'est pas toujours trés judicieux de " sortir la poussière " qui dort sous le tapis .Par contre , il suffit de trois fois rien pour déclencher un séisme , voire un tsunami qui emporte tout sur son passage et révèle combien la vie de certains et certaines est précaire , combien est ténu le fil qui vous maintient en vie ou vous plonge dans d'insondables abbysses , selon que vous soyiez là ou là .Au "bon" ou " mauvais " endroit .Une mystérieuse carte postale sur laquelle figurent quatre noms va lancer cet ouvrage dont on ne saura pas vraiment s'il s'agit d'un livre sur l'histoire d'une famille , une saga , un thriller ou un livre d'Histoire .Peu importe du reste car ce qui va nous poursuivre , nous hanter est indescriptible , au delà de la raison . Chaque page ou presque "dégouline " d'émotions .C'est fort , trés fort , écrit avec une incroyable finesse , sans pathos mais avec une telle sincérité que tout lecteur se sentira , à un moment ou un autre , concerné au plus haut point .
Anne Berest nous emmène sur une voie dangereuse , une voie qui rescucite des disparus pour construire des vivants .D'hier à aujourd'hui , la libération de la parole pour libérer les esprits , donner à voir , à comprendre ..ou pas.
La construction du récit est trés intéressante et suit une chronologie parfois interrompue par des voix venues d'ailleurs , d'ici ou de là , du monde des ténèbres ou de celui d'un aujourd'hui que l'on souhaiterait bien entendu lumineux .
Livre d'espoir ? Livre d'UNE famille ? Pas si sûr mais cela , je vous laisse le découvrir . Tourner la première page , c'est plonger dans un univers qui , soyez en certains et certaines , va vous bouleverser et vous émouvoir sans pour autant , je m'adresse aux " âmes sensibles " , vous faire renoncer .
Un trés beau roman salué , entre autres , par le "Renaudot des lycéens" . Croyez moi , les " gamins ", ils ont cette fraicheur et cette acuité qui font qu'ils se trompent rarement et qu'on peut leur faire confiance .Pour ma part, c'est une évidence .
A bientôt ....
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Encore un nouveau coup de coeur pour cette année, un merveilleux récit qui m'a apporté de nouvelles connaissances au sujet de la seconde guerre mondiale, sujet inépuisable et malheureusement passionnant qui a fait l'objet d'une littérature abondante. Quelle ne fut pas mon bonheur en apprenant que son auteure avait remporté le grand prix des lectrices Elle, Anne Berest le mérite vraiment.

On y aborde donc en premier lieu la question juive et cette malédiction qui pèse sur les familles depuis des siècles, on observera le devenir de la famille rabinovitch sur quatre générations, et l'on sera obligé de constater que l'antisémitisme a été, existe toujours et sera et qu'Anne, Arrière-petite-fille d'Ephraïm Rabinovitch est porteuse de toute ce passé.

Les grand parents préviennent, les enfants n'y croient pas, et c'est suite à une série de mauvais choix par méconnaissance que l'on assistera à la longue descente aux enfer de cette famille. Et l'on souffre pour eux, on sait les choses, on est conscient de l'avenir des personnages, on aurait envie d'intervenir pour prévenir, on n'ignore rien en tant que lecteur, de leurs échecs futurs, et ça fait mal !

La période de l'occupation est passionnante et instructive, Anne Berest fournissant dans les détails, le traitement subi par les juifs en France, les interdits, les obligations de recensement, la propagande qui aida à répandre l'antisémitisme dans la population, et plus tard, la résistance et les réseaux organisés par ces héros qui n'hésitèrent pas à risquer leur vie pour rendre sa liberté à la France.

Et puis il y a un certain suspense, déjà annoncé par le titre du roman : qui a envoyé cette carte postale mentionnant simplement le prénom des aïeux morts en déportation ? Lélia, fille de Gabrielle Rabinovitch livrera à sa fille les éléments dont elle dispose, documents qu'elle a rassemblés et qui sont à l'origine de ce roman, lettres, photos, témoignages, et lui laissera ensuite la liberté de rechercher l'auteur de cette carte postale anonyme.

Un récit très abouti, une réussite, à lire absolument !
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Pour moi une carte postale est synonyme de vacance,de bonheur en famille. Après avoir lu et aimé la carte postale d'Anne Berest je ne suis plus tout à fait sûr de mon affirmation . La carte postale est un témoignage sur un passé pas si ancien, douloureux et cruel. Une famille venue chercher un petit coin de paradis en France. les Rabinovitch. Sauf que ce pays des lumières a creusé leurs tombes en les offrant pieds et poings liés aux bourreaux nazis. La carte postale n'est pas un énième récit sur la Shoah, cette histoire va plus loin, comment vivre quand on est enfants et petit enfants de déportés? Et surtout qu'est-ce que c'est que d'être juif. Anne Berest les a connu ces silences ces non dits comme Lélia sa mère. Ephraïm, Emma, Jacques et Noémie quatre prénoms sur une carte postale quatre racines effacées de l'arbre généalogique. Ce récit est très proche de l'histoire de Daniel Mendelsohn et de son très beau livre « les disparus «  .
La carte postale est aussi l'histoire de Myriam la grand mère d'Anne seule rescapée de la famille Rabinovitch. Chance ou malchance comment peut-on vivre avec cette idée que la destinée est seule responsable de notre vie, un lourd fardeau qui pèsera sur les épaules de Myriam. Et puis il y a cette transmission invisible qui relie les familles entres elles, des prénoms, des endroits, des situations, des connections entre les générations. La carte postale est une quête et une enquête un beau récit qui m'a touché.
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Un jour de janvier 2003, une carte postale représentant l'Opéra Garnier arrive dans la boîte aux lettres, au milieu des cartes de voeux. Elle est anonyme, quatre prénoms sont inscrits : Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques, d'une écriture très maladroite. Elle semble avoir mis 10 ans avant d'être postée. Personne ne veut approfondir, jusqu'au jour où Anne est sur le point d'accoucher de sa fille, et elle veut savoir, au grand dam de Lélia…Mais il est temps d'ouvrir la porte aux souvenirs…

Dans la première partie du livre, on fait la connaissance des membres de la famille Rabinovitch, Nachman et son épouse, les enfants Ephraïm, Boris, Emmanuel puis les trois enfants d'Ephraïm et son épouse : Myriam, Noémie et Jacques, leur vie en Russie puis les différents exodes : Riga, puis la Palestine où Nachman va résider entretenant son orangeraie, très lucide, car il a toujours dû fuir pogroms et persécutions. Il conseille à tous de partir aux USA, mais personne ne l'écoute. Boris choisit la Pologne d'où est originaire son épouse et, les deux autres Paris. Que pourrait-il bien leur arriver, ils se sont intégrés. L'auteure nous raconte comment elle a réussi à tout reconstituer.

L'auteure nous fait vivre la rafle du Vél' d'Hiv, son organisation méthodique, toute la maltraitance, le zèle de la police e, avec des termes bien choisis, sans concession, mais sans pathos non plus. Il en est de même avec les arrivées aux camps, les cheveux rasés qui vont servir à confectionner des pantoufles, les cendres recyclées en engrais ou les dents en or coulées en lingots… quant au traitement des êtres humains on le connaît donc je n'y reviendrai pas.

« Il faut que vous compreniez une chose : un jour ils voudront tous nous faire disparaître. » Nachman quand il parle de quitter la Russie.

Myriam rencontre à Paris, à la Sorbonne Vicente :

« Il a vingt et un ans, son père est le peintre Francis Picabia, sa mère Gabriële Buffet est une figure de l'intelligentsia parisienne. Ce ne sont pas des parents ce sont des génies. »

Dans la deuxième partie, on se situe dans la période actuelle, la fille d'Anne a entendu dans la cour de récréation un copain marocain qui n'aime pas les Juifs. Plus jamais cela disait-on à une époque… et comment réagir, surtout quand on n'est pas pratiquant. Toujours est-il que la grand-mère Lélia n'entend pas rester les bras croisés. En tout cas cela va relancer les recherches sur la personne qui a envoyé la fameuse carte.

Les difficultés à retrouver les archives, les traces de la famille est sidérante, car la France ne veut pas reconnaître la déportation, il faut tout enfouir sous une chape de plomb, c'est bien connu, les Français étaient tous des Résistants, pas des collabos…

Anne Berest évoque aussi Daniel Mendelsohn dont « Les disparus » qui me narguent dans ma bibliothèque mais que je n'ai encore eu le courage d'attaquer) Primo Levi, Hélène Némirovski… ainsi que l'interdiction de faire concourir « Nuit et Brouillard » à Cannes au nom de la réconciliation franco-allemande…

Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce livre, notamment le parcours de la famille à travers l'Europe pour tenter de fuir les persécutions, du caviar de Riga, à l'orangeraie de Palestine, sous fond de musique Emma joue et enseigne le piano, et l'impossibilité à imaginer l'inimaginable, quand on s'est intégré, en ayant demandé une naturalisation qui n'arrivera jamais…

Tout est bien équilibré, dans ce récit, la période avant la guerre, comme la période actuelle et Myriam m'a beaucoup plus, sa fin de vie est aussi bouleversante que tout son parcours.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et de retrouver son auteure dont j'ai bien aimé « Sagan 1954 » il y a quelques années. Maintenant il ne me reste plus qu'à sortir « Gabriële » qui m'attend sagement dans ma PAL …

Je voulais faire une pause dans les récits sur la seconde guerre mondiale, la Shoah, mais je n'ai pas résisté à « Enfant de salaud » de Sorj Chalandon… on ne se refait pas…

#Lacartepostale #NetGalleyFrance
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En janvier 2003, la mère d'Anne Berest, Lélia, reçoit une carte postale de l'opéra de Paris avec quatre prénoms, ceux de ses grands-parents, de son oncle et de sa tante. Ces gens sont tous morts en déportation à Auschwitz et l'expéditeur de la carte est inconnu. Anne Berest va se livrer à une enquête minutieuse pour essayer de le retrouver et elle va ainsi reconstituer toute l'histoire de sa famille dans ce dramatique XXe siècle, tout en se posant la question de l'identité juive. ● Nous connaissons tous ces événements historiques et pourtant y voir évoluer des personnages de roman ou comme ici des personnes réelles renouvelle à chaque fois leur caractère tragique. ● La minutie de la reconstitution ne nuit absolument pas au rythme du récit et au profond intérêt qu'il suscite. C'est passionnant. ● Les résonances entre le passé de cette famille et la vie actuelle sont bien mises en évidence par le double mouvement du récit : à la fois reconstitution du passé et récit au présent de cette reconstitution. Ainsi la petite phrase contre les juifs que la fille d'Anne Berest entend à l'école se trouve amplifiée par celles qu'on pouvait entendre dans les années trente, même si Anne souhaiterait en minimiser la portée. ● En outre, on voit à la fois le passé se reconstituer, les conséquences du passé sur le présent se manifester et les commentaires que les personnes de notre présent font sur le passé. ● C'est un livre très riche et je ne comprends pas que le conflit d'intérêt entre Camille Laurens et François Noudelman au Goncourt ait eu pour victime collatérale ce beau livre d'Anne Berest qui n'y est pour rien, en étant retiré de la sélection du prix Fémina.
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