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EAN : 9782809724561
144 pages
Editions Picquier (02/01/2020)
4.23/5   11 notes
Résumé :
Au Japon, le temps du voyage s'écoule avec humilité. Des jours dans les traces de l'écrivain Akutagawa - "Vague inquiétude" seraient les derniers mots qu'il aurait prononcés avant de mourir - et avec les poètes Issa, Sôseki et Bashô pour compagnons de route. A Tokyo, ou dans les Alpes japonaises, ce pays qui laisse les arbres vivre et mourir en paix le dégèle par sa chaleur inattendue. Le pays "de la familiarité, de la complicité, de la fraternité". Ce n'est pas un ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Alexandre Bergamini nous entraîne sur les routes et sentiers japonais, pour se perdre, et se retrouver. Hanté par la perte de son frère, disparu trente-huit ans auparavant, il part accompagné de son ami D. à la découverte de l'archipel, dans l'état d'esprit mélancolique d'Akutagawa, ce génial écrivain de santé précaire qui sombra dans la folie et se suicida à 35 ans. Sans véritablement retrouver sa trace matérielle à Tokyo, il va croiser furtivement des gens éminemment attachants, et se sent rapidement comme chez lui dans ce pays déroutant, contrairement à D., qui d'après Alexandre n'accroche pas du tout. Alexandre va donc le laisser en plan à Tokyo pour s'approcher au plus près de l'âme japonaise, s'engageant dans la campagne pour y rencontrer des gens plus authentiques encore, faisant l'expérience de l'hébergement chez l'habitant, du thé bienfaisant, de la méditation, s'enfonçant dans la forêt où il vaut mieux pour le voyageur ne pas s'aventurer sans une petite clochette qui lui permettra d'alerter s'il croisait un ours, ou s'il était victime d'un malaise, ou encore égaré dans la nuit. Et partout, les gens sont simples, accueillants, joyeux, sur cette terre qui pourtant est tellement agitée à l'intérieur, toujours à la merci des colères de la nature. C'est peut-être ça le secret de ces gens-là, profiter du moment présent, tellement les choses sont éphémères.

Un beau livre, où l'on chemine avec des images en tête, d'une nature qui est aussi généreuse (plaisirs des onsen), d'animaux parfois aussi insolites que redoutables (frelon de dix centimètres qui tue chaque année plusieurs dizaines de personnes, ce serpent habu dont la morsure vous empoisonne progressivement durant des années), d'êtres humains qui rient en travaillant la terre ou en cuisinant des plats savoureux, qui ne se plaignent jamais malgré les séquelles éternelles de la guerre. Le texte nous nourrit aussi, avec à propos, de mots japonais et de références littéraires, la plupart des grandes figures nippones des lettres étant convoquées, de Soseki à Mishima en passant par Inoue. Il y a du Sylvain Tesson, en plus apaisé, chez cet Alexandre Bergamini !

J'adresse un grand merci à babelio et aux remarquables éditions Philippe Picquier pour l'envoi de cet intéressant ouvrage dans le cadre de masse critique.
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Je retrouvais avec un immense plaisir l'écriture et le regard que pose Alexandre Bergamini sur chaque chose. Je savais que ce serait une belle rencontre renouvelée - la lecture de "Quelques roses sauvages" reste très présente dans mon esprit, mais j'étais loin d'imaginer l'émotion qui serait mienne tout au long de ces pages.


Un voyage au Japon, d'abord dans la cité de Tokyo puis dans les "Alpes Japonaises" : à mesure que le narrateur s'enfonce dans le pays, se détache davantage du nécessaire, vit dans sa solitude, à mesure que le paysage se dépouille de ses artifices, que les rencontres se font plus vraies, plus sincères, l'écrit devient plus intime, de plus en plus bouleversant, de plus en plus ciselé dans ses mots.

Tout au long de ce temps passé dans un pays qu'il ressent comme sien, l'accompagnent poètes et écrivains qu'il a déjà souvent côtoyés et dont il nous fait le cadeau de nous initier à leurs vies et leurs oeuvres et, ainsi, de nous les faire approcher. "Vague inquiétude" est de ces livres qui entrainent et font ouvrir d'autres portes, vers d'autres horizons de lectures ou de découvertes et rendent curieux.

Ce voyage dans la solitude, acceptée, désirée, source de bienfait et de renouveau dans les perceptions, Alexandre Bergamini l'entreprend dans la compagnie spirituelle de son frère qui s'est suicidé des années auparavant. Et en parlant de la vie tourmentée de ces artistes Japonais qu'il nous cite, en vivant la simplicité naturelle des visages croisés, en acceptant les dons et les attentions désintéressés, finalement il revient avec sérénité en pensées vers ce frère tant aimé.


Monsieur Bergamini, comme vous, je sais qu'il existe des absences dont on ne guérit pas mais en lisant vos pages, j'ai partagé un peu de cette tranquillité que ce pays et ces habitants rencontrés ont su vous offrir.
L'atmosphère qui enveloppe à la lecture de votre récit, tout en sensibilité et tout en pudeur, me reste comme un apaisement que je prolongerai en revenant vers vos mots, souvent.



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Ce livre invite au voyage, à la quiétude, l'auteur nous insuffle au calme, à la sérénités, à la contemplation, je rejoins l'idée qu'il se fait du Japon traditionnel, celui que j'aime aussi et que je recherche.
Un voyage aussi à travers la poésie, la littérature, entre Tokyo, les Alpes japonaise, Kamakura, l'auteur essaie de faire le deuil de son frère décédé il y a 38 ans, il en parle avec pudeur et sensibilité.
C'est un magnifique livre, une invitation à l'errance, à être présent au monde, tous nos sens sont aiguisés, j'ai beaucoup aimé cette lecture, merci à Babelio et aux Éditions Picquier pour ce beau cadeau.
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"Comment apprend-on la présence au monde ? Comment reconnaît-on la saveur du temps qui travaille en nous ?" (50)

Dans le "soleil couchant", les ombres fines des méditations d'Alexandre Bergamini révélées sur le papier ont enlacé les miennes dans une danse de fumerolles. Son "coeur croasse" et tente de résister aux vents tempétueux, cherchant peut-être à ressembler à ces arbres taillés comme des nuages dans le parc Ueno. Il n'y aurait alors plus qu'à se laisser emporter, modeler, effilocher... Trouver un espace qui soit de taille pour notre errance est une quête cruciale pour qui a des blessures à panser. Celle d'Alexandre Bergamini trouve son épanouissement à Tokyo.

"Douceur des rapports, distance et respect, aucune familiarité. Être avec et s'extirper de la réalité en un instant, sans difficulté. Perméable sans être ni se sentir envahi par les autres. Ouvert aux autres sans être obligé de se protéger d'eux." (19)

Par l'évocation de Nicolas Bouvier, je retrouve Mariusz Wilk qui en son journal et au bord de l'Oniégo explore lui aussi les voies du dépouillement. "Nous sommes ce que nous regardons", la phrase fait miroir entre les reflets renvoyés par le lac du Grand Nord carélien et les torii japonais, "ces portes rouges isolées (...) symboles du passage du matériel vers l'immatériel". Celui qui réalise la nudité de sa conscience en cette vie, ne ressentira-t-il qu'une "vague inquiétude" au moment de la transition vers sa résorption ?

"Je me sens dès maintenant tellement à ma place que je devrais disparaître dans le paysage, me dissoudre dans les particules d'air et ne plus rentrer. Selon le principe ancestral de Shitao, le moine bouddhiste surnommé en Chine Moine Citrouille-Amère : me fondre et me confondre avec le paysage, avec les éléments et les grains de lumière, et disparaître définitivement." (34)

Dans la "lune montante", j'ai flotté. le cheminement intérieur de l'auteur m'est passé au travers. Ses rêveries se font plus sentimentales, plus artificielles. Ses attentes - de paix, de pureté, de belles personnes, , de bols à l'imperfection calculée - semblent prendre le pas sur sa perception. L'euphorie, régénérante mais noyant la lucidité, crée une réalité parallèle. Ce qui rend la rencontre avec l'ours d'autant plus brutale. La violence féroce surgit au beau milieu du paradis. Rappel à l'ordre. Gare à qui renonce à la clochette de la vigilance ! Nous sommes si vulnérables et si enclins à nous perdre en notre propre esprit, à l'image d'Akutagawa Ryunosuke. Je m'attendais à ce que la fissure ursine laisse passer le rai d'une nouvelle lumière, à la fin du livre, mais la "lente disparition" ne témoigne pas d'une réelle rupture, d'une vision qui transcenderai la compréhension de la réalité déjà présente au début.

[Lu dans le cadre de ces fabuleuses masses critiques]

Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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Grosse découverte et gros coup de coeur pour le dernier roman d'Alexandre Bergamini.

Ce livre a eu une réelle résonnance en moi, certaines pensées de l'auteur m'ont profondément touchée, je me suis totalement retrouvée dans ses réflexions sur nos vies, sur le fait "d'être là", "d'être pleinement présent ". Il nous entraîne dans ses pensées, nous livre quelques leçons philosophiques ça et là visibles dans des poèmes, dans des dialogues. Il ressent un certain dégoût du monde et ne se sent libre, ne se sent pleinement lui qu'au Japon.

Là-bas le temps défile différemment, chaque geste, chaque respiration est pleinement ressenti, pleinement réfléchi. Durant son récit, l'auteur nous offre en quelques pages une bulle hors du temps, où l'on peut se ballader dans une ville japonaise aux cotés d'Henri Michaux ou d'Akutagawa, où l'on peut découvrir des forêts et montagnes accompagnés de Virginia Woolf, Nicolas Bouvier et Soseki.

Cette oeuvre est un savant mélange hybride où s'entremêlent poésie, récit de voyages et introspection. L'auteur évoque à travers quelques flashbacks et pensées, la disparition de son frère, avec beaucoup de pudeur et de sensibilité.

L'année 2020 commence bien avec cette belle découverte !
Lien : https://www.labullederealita..
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Nous nous asseyons pour boire un thé chaud à l'abri. Une très vieille Japonaise toute en courbes nous sert, puis elle s'assoit en retrait près de la fenêtre et regarde la pluie tomber. Il n'y a pas de musique, il y a le silence. nous sommes seuls dans un salon, deux tables basses, des coussins, de vieilles photographies d'avant-guerre, de Tokyo, une photo d'elle jeune, émouvante. Le goût si fin, si délicat du thé réveille le sensible, l'endormi, le souterrain. Le moins éveille le plus : c'est peu et c'est parfait. Le trop nous endort et finit par nous anesthésier. (...) Comment apprend-on la présence au monde ? Comment reconnait-on la saveur du temps qui travaille en nous ? La plénitude découle-t-elle de chocs successifs, de la perte définitive, e l'acceptation de sa propre perte, de sa disparition même ?(...)
Nous partons et la petite vieille nous accompagne sur le seuil de sa porte. Par son regard légèrement décalé et trouble dans le vide, Je réalise qu'elle est aveugle. (...) Je la salue doucement, je sais qu'elle ne nous voit pas. On pense avoir bu du thé. On a partagé plus que cela.
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Ses mains sont brûlées. Me voyant les remarquer, elle prononce doucement : Hibakusha. Je répète aussi doucement que je le peux : Hi-ba-ku-sha. Elle me regarde d'un air interrogateur afin de s'assurer que j'ai bien compris. Oui, j'ai bien compris. Je chuchote : Hiroshima, Nagasaki. Nous nous regardons les yeux dans les yeux. Avec une infinie délicatesse, elle prend mes mains dans les siennes. Comme si mes mains étaient celles qui avaient le plus souffert. Ses vieilles mains si belles et si abîmées. Des mains comme des fleurs fanées et brûlées que je caresse doucement afin de les soigner, les consoler de cette destruction faite au peuple japonais, afin de les guérir de la douleur injustement infligée. Ses amies se taisent et ont baissé leur tête, certaines ont les larmes aux yeux et détournent leur visage. Elle, elle me sourit quand je voudrais pleurer. Je ne sais pas combien de temps nous restons ainsi.
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De cette place qu'il nous faut conquérir constamment en force en Occident nous avons perdu l'attention d'être ensemble, la délicatesse et la subtilité d'être au monde, la fluidité et la fraternité. Nous concevons la vie comme un droit ou une bataille, non comme un privilège ou une possibilité. Nous exigeons au lieu d'inspirer. Nous voulons ardemment et nous nous accrochons, au lieu d'expirer et de relâcher. Nous pensons que notre volonté et nos désirs impérieux nous protégeront de l'inspiration et de l'expiration. Nous ne serons protégés de rien.
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L'esprit est détourné de son but par toutes sortes de considérations, de rêveries et de peurs que le mental produit sans cesse, mais progressivement, l'esprit retourne à son objet d'attention et gagne en concentration. Je suis là, au Japon. Dans cette maison, dans cette pièce, présent. Je respire. C'est la plus grande conscience, la plus simple et la plus réelle que je puisse avoir de ma présence au monde. Une paix vient parfois, profonde, qui dure quelques secondes d'éternité au milieu du chaos et du carnage. Des secondes comme de minuscules diamants au milieu de la boue. Mon existence entière s'appuie sur ces infimes secondes. Est-ce la paix des morts que je rejoins ? Pratiquez la méditation comme si vous entriez dans votre cercueil, conseillait Maître Dôgen.
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Un papillon se pose sur ma main, sur mon visage. Il me butine le dos, les jambes les reins, les pieds. Ses pattes légères se posent et sa trompe se désaltère aux gouttelettes d'eau fraiche. Que demander de plus à la vie ? Une belle maison ? Un salaire ? Un amour ? Nous ne sommes jamais à la hauteur de ce qui nous est accordé.

Papillon qui bat des ailes
je suis comme toi
poussière d'être

Kobayashi Issa
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Vidéo de Alexandre Bergamini
Gay-Marseille a réalisé l'interview de Alexandre Bergamini écrivain de plusieurs romans : Cargo mélancolie, Retourner l'infâme, et le dernier livre Sang Damné. Alexandre Bergamini a voulu partager sa vie Avant et après avoir eu le Sida.
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