Des portraits.
Des portraits d'hommes et de femmes, qui ne font pas la une des journaux télévisés, mais que
John Berger a croisés dans ses allers et venues.
Il y a la jeune Kathleen l'irlandaise tout droit sortie d'un film de
Ken Loach. Il y a Angeline la vieille qui rit aux éclats – mais en silence pour respecter son veuvage. Il y a un pilote de course de moto sur un circuit. Ou deux bergers qui pleurent dans les bras l'un de l'autre. Toute une galerie d'individus (dans le sens noble du terme : « uniques » ou « semblables » à aucun autre) dont
John Berger a croisé la route.
Ce qu'ils ont en commun ? C'est le regard que porte sur eux ce Britannique de naissance, savoyard d'adoption qui a obtenu le Booker Prize en 1972.
On sent l'amateur de peinture, comme ce court récit dans « la chambre 19 » avec son ami Sven. Qu'importe s'il ne vend pas ses peintures et que personne ne les connaît, il peint.
Ou cette vieille SDF? en Kapcha qui donne à manger aux pigeons, et notamment avec un biberon pour un pigeon chauve et malade.
Ils sont pauvres, ou en prison, ou jeunes, mais par le regard de
John Berger qui en fait comme des portraits – des
photocopies dit-il – ils prennent une intensité hors du commun.
Un recueil magnifique et intemporel, prémonitoire aussi puisque déjà en 1999 il nous expliquait que « Partout, de plus en plus de gens, de nos jours, se heurtent au fait que l'avenir de la planète et ce qu'elle offrira ou refusera à ses habitants sont décidés par des groupes d'hommes qui contrôlent plus d'argent que tous les gouvernements du monde, qui ne se présentent jamais aux élections et pour qui le seul critère pertinent dans une prise de décision est de savoir si elle augmente, ou peut augmenter, le profit. »
Sous l'oeil de l'amateur d'art, du journaliste, c'est l'écrivain engagé qui affleure par moment.
Mais ce recueil n'est pas un ouvrage politique, si ce n'est dans le sens le plus noble qui soit.
Serait-ce un autoportrait ? Peut-être, puisqu'au travers de cette galerie c'est le regard de
John Berger qu'on découvre. Et son amour du prochain – sans y voir une once de mièvrerie. Un homme épris d'humanisme et de solidarité – tout simplement.