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Critique de Tempsdelecture


Igor Bergler, encore assez peu connu en France, est pourtant un auteur à succès dans son pays natal, la Roumanie. Son premier roman La Bible Perdue a été un best-seller dans plus de trente pays, chose rare pour un livre écrit en roumain. Il a d'ailleurs été salué par d'autres auteurs confrères, Mihai Iovănel et George Arion, tous deux auteurs de polars roumains. le roman appartient à la série Charles Baker, protagoniste principal de notre roman, qui contient également le Testament d'Abraham et Six histoires de démons (que je traduis librement puisque aucune traduction française n'est encore disponible), suites de la Bible Perdue.

Partons, le temps d'une enquête, en Europe de l'Est, au pays de Vlad l'Empaleur où Vlad Țepeș, autrement plus connu sous le nom de Drăculea, Dracula, fils du dragon en roumain, et surtout prince de Valachie. Car Igor Bergler a décidé de revisiter le mythe, ou du moins de l'utiliser pour capter et sans doute attiser la curiosité de son lecteur. Ne vous attendez pas à un roman, purement gothique ou fantastique, dans la lignée du Dracula de Bram Stoker, l'auteur s'épanche davantage sur les origines du mythe que sur le vampire en lui-même. Penchez-vous plutôt du côté d'Umberto Eco si vous cherchez une filiation et son incroyable le Nom de la Rose avec sans doute un peu de Dan Brown dedans.

Evidemment la Roumanie, évidemment la ville de Sighișoara, lieu de naissance de notre vampire à la réputation mondiale, aux confins de la Transylvanie, en plein centre du pays. Et notre protagoniste Charles Baker, donc, un universitaire américain, à mi-chemin entre un Indiana Jones des temps modernes, et un James Bond un peu gauche, accro non pas à sa vodka -martini au shaker, mais à ces whiskys précieux, vieillis en fût des décennies durant, et à d'autres alcools exquis (là, vous me voyez me renseigner sur la rareté d'un Champagne Clos d'Ambonnay… Et son prix.). L'enquête prend clairement et rapidement des allures de quête mystique, si vous pensez au Da Vinci Code, vous n'êtes pas loin des impressions que ce début de roman m'a laissé. Une épée, perdue ou cachée, à retrouver, un secret qui se transmet de génération en génération, des complots en cascade, l'auteur roumain a tiré toutes les ficelles pour fabriquer son roman, qui tient en haleine, sans aucun doute.

Si vous avez envie de dépaysement, si vous brûlez d'en savoir plus sur l'histoire de l'Europe centrale et de l'est médiévale, vous trouverez certainement dans ce roman de quoi vous satisfaire. L'auteur nous expose tout ce qu'il faut savoir sur les mythiques Vlad II Dracul – le Dragon – et son rejeton, Vlad III l'Empaleur, qui deviendra un vampire sous la plume de Bram Stoker. Nous passons par Bucarest, brièvement, pour aller à Prague, découvrir le légendaire Golem, pour finir à Londres: du beau monde, vous en conviendrez. Avec ça, une réelle érudition. Et, une imagination sans borne.

Aucun temps mort dans ce roman, Igor Bergler nous laisse à peine souffler lors de ses digressions historiques, nous bondissons de péripéties en péripéties, au gré des découvertes de Charles Baker, c'est une narration haletante, rythmée, où l'espérance de vie des personnages, hormis notre duo Baker-Wolf, ne dépasse pas la dizaine de chapitres, ou chaque énigme résolue laisse place à toute une flopée d'autres mystères, encore plus sibyllins et indéchiffrables. Malgré l'épaisseur du roman, ou peut-être grâce à la masse de la matière tant narrative qu'historique dont Igor Bergler abreuve son récit, c'est un livre, il me semble, qui serait facilement adaptable au cinéma, tous les éléments sont là, suspens, action, mystère, retournement de situations, avalanche de coups fourrés. D'ailleurs, l'auteur est également scénariste et réalisateur, il ne serait pas étonnant que cette optique soit sérieusement envisagée.


L'enquête que mène Charles, aidé par Christa, et qui commence brutalement par la découverte de trois corps mutilés, prend une autre dimension, internationale, à mesure que les pistes s'ouvrent. Je ne suis pas vraiment adepte des scénarios emberlificotés, sans queue ni tête, de sociétés secrètes, des illuminatis, francs-maçons, ordre de la rose, ou autres templiers, on a eu notre lot de mysticisme préfabriqué avec Dan Brown et tous ceux qui se sont engouffrés dans le filon, mais contrairement à ce que le titre peut le laisser entendre, le roman est loin de se résumer à cela. Des retournements de situation assez surprenants vous remettent sur les rails si tant est que vous ayez relâché votre attention au cours des multiples digressions culturelles, comme ces pages sur les armes d'hast d'Europe de l'Est. Je ne doute pas de l'intérêt de ces exposés mais à trop vouloir en faire, l'auteur pèche quelquefois par excès de zèle. Beaucoup, énormément d'informations fondent sur le lecteur, un peu trop peut-être, Igor Bergler a voulu faire un roman fouillé, la mission est certes accomplie, mais un peu de concision de temps à autre n'aurait pas été de trop. En revanche, j'ai apprécié l'éclairage d'Igor Bergler sur la personnalité de Vlad Tepes l'Empaleur et les faits qui ont mené à le considérer comme un monstre sanguinaire ainsi que ses explications sur l'origine du mythe qui a conduit Bram Stoker à en faire un vampire.

Ma thèse principale, dans les conférences que vous évoquez, mais également dans mes travaux, est justement que les vampires n'existent pas, et que le prétendu vampirisme de Vlad Tepes a été inventé bien avant la publication de Bram Stoker. Nous sommes devant un exemple classique de guerre de réputation, ou l'on commence par détruire toute la crédibilité de quelqu'un, puis par le transformer de personnage dangereux en créature démoniaque.

Avec, en sus, une ligne de réflexion menée sur l'omniprésence et la surabondance des réseaux sociaux, de ces géants informatiques qui s'infiltrent de partout, pour espionner nos vies par toutes les brèches possibles et imaginables par le biais de nos téléphones mobiles, tablettes et ordinateurs.

Qui aurait bien pu oser mélanger en une seule histoire, les trois singes japonais Mizaru, Kikazaru et Iwazaru, la Bible, Dracula, Franz Kafka, Golem, Interpol… Il faut avoir un bagage culturel plutôt solide, c'est certain, pour tenter l'expérience. C'est un roman inclassable, qui flirte avec plusieurs genres à la fois, on croit se plonger dans un pur roman policier, mais qui tourne au roman d'aventures, avec quelques passages de roman d'anticipation, de roman historique, roman fantastique, roman gothique, d'épouvante, de thriller ésotérique. On peut déplorer un excessif mélange des genres, pour ma part, je reste sur une bonne impression finale, car même si j'ai été submergée par la somme d'informations et par une intrigue plutôt nébuleuse au départ, on ne peut reprocher à Igor un manque d'inventivité ainsi qu'un manque de culture, c'est certain. Il n'en reste pas moins que La Bible Perdue est un roman aussi passionnant que captivant à lire.


Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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