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Critique de ATOS


L'homme est seul, il fait face à la mer. La plage est de galet et le ciel a le ventre plein de lumières absentes. L'homme est seul, il joue avec la Mort. Il joue aussi sérieusement qu'un enfant lorsqu'il vous parle de ces monstres qui murmurent aux fenêtres du soir. Une femme, une lampe, un tapis en écriture de losanges, des draps teintent l'aplat d'une prairie. La montre est posée sur le bois. Carillon de l'enfance sur le manège de la mémoire. Lanterna magica . La vie est un théâtre d'ombres pour l'enfant qui n'a pas vu l'Amour. Oh ..on lui en a parlé, on l'en a prié, exhorté. On lui a fait réciter la litanie de ses psaumes, on lui a montrer un infini résonner sur son néant. Un autel de devoirs, de sacrifice, de renoncement. L'enfance de Bergman est la clé. La clé de tout ce que ses films, ses pièces, ses textes, et même ses mises en scène contiennent. Ingmar est Alexandre, et Alexandre vit en Ingmar. L'enfant est seul. Avec des émotions, des terreurs, des questions dont personne ne donnera jamais réponse. L'enfant grandi, l'homme se débat. Angoisse, les entrailles se tordent. Il est sur scène. Femmes, enfants, amour, amitié, comédie, silence, famille, hystérie. Il a appris de lui même et par lui même. Solitude. Il joue, recompose, monte, démonte, remonte. Comprendre, comprendre le sens. Alors trouver par le moment précis des absences les traces d'une présence.
Fidélité, attachement, honnête, filiation, folie, vérité, mensonges, un océan de doutes, un puits de questions. Il a écrit les dialogues, fait marcher ses personnages, déchirer les voiles, recouvert les visages, danser avec la lumière , interroger les ombres. L'enfant est seul tapi dans un placard, la lanterne magique pour seul ami, la lumière pour seule voie . C'est ce qu'il verra et non ce qu'il entendra qui lui donnera la clé pour s'enfuir vers la vie. Alors l'enfant tourne, et retourne en lui même. C'est la vérité de l'Amour, et la preuve de son existence par la lumière qui a fait tourner la lanterne magique de Bergman.
C'est un enfant qui crie et qui chuchote, c'est un enfant sur l'échiquier de la vie, c'est un enfant qui réclame et qui ne comprend ni dieu ni diable, et qui au soir de sa vie face à la mère demande par quel mensonge tous ces drames sont advenus. « Tout ce que je veux savoir , c'est pourquoi derrière cette fragile façade du prestige social nous avons vécu une effroyable misère ». Ingmar Bergman n'est pas inaccessible, il est extrêmement touchant. Il n'est en rien énigmatique, il suffit de voir ses images et on comprend. «  « Pourquoi ai-je vécu avec une blessure toujours infectée qui ne s'est jamais refermée et qui me transpercée tout entier ». Pas facile de se démener avec un corps, avec un coeur, lorsque l'âme ne cesse jamais de traverser le fleuve dont les tourments perpétuels annoncent les abysses d'une autre réalité. Tourmenté, en rien difficile. L'oeil de Bergman dans notre oeil est bien plus qu'un regard. « Car toi aussi tu tournes sur l'un de ces manèges
Oui, je t'ai reconnu tournoyant dans ta nuit
Oui, je t'ai reconnu sur ton cheval de neige
Les yeux fixes, les mains folles et le sourire détruit.
Les manèges tournent dans ma mémoire
Au quai du Nord,
Des soies, des velours et des moires... » , manèges, extrait, Juliette.
« Le cinéma en tant que rêve, le cinéma en tant que musique. Aucun art ne traverse, comme le cinéma, directement notre conscience diurne pour toucher à nos sentiments, au fond de la chambre crépusculaire de notre âme. Une petite misère de notre nerf optique, un choc, vingt-quatre images lumineuses par seconde, entre ces images, le noir, mais notre nerf optique n'enregistre pas le noir. Lorsque je suis à la table de montage et que je passe le film, image après image, je ressens encore la vertigineuse magie de mon enfance : je suis dans la penderie, je tourne lentement la manivelle, l'une après l'autre, je fais passer les images, j'enregistre en moi même les imperceptibles changements, je tourne plus vite la manivelle et voilà un geste.
Qu'elles se taisent ou qu'elles parlent, ces ombres s'adressent directement à la chambre qui est en moi la plus secrète. » Ingmar Bergman.
Tourne la manivelle et la vérité cherra.

Lanterna Magica ,1987, traduit du suédois par C.G Bjurstrom et Lucie Albertini.

https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-theatre-et-cie/laterna-magica-de-ingmar-bergman

Astrid Shriqui Garain
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