Carnet de notes 1991-2000

Dans ce Carnet de notes, Pierre Bergounioux passe du quadragénaire au quinquagénaire. Les enfants grandissent et le monde qui l'entoure lui paraît de plus en plus étranger. Il se bat continuellement avec ses déboires professionnels (le métier d'enseignant a tellement changé qu'il finit par le dégoûter), les inquiétudes familiales avec son fils cadet « qui paresse » et « qui mène grand train ». Quand ses enfants se nourrissent et prennent plaisir à un repas « ils se bourrent éhontément ». Pierre Bergounioux ne supporte pas que ses contemporains prennent du plaisir ou s'amusent. Ils devraient selon lui, s'instruire pour percer le mystère des « commencements ».
Mais l'homme est un vivant paradoxe : il prend du plaisir à aller pêcher ou souder du fer, il prétend s'être abstrait du monde mais il est toujours par quatre chemins à des colloques, à la radio ou à la télévision. Son travail de plume est exigeant, certes, et c'est très tôt le matin qu'il se coltine avec ses arcanes et c'est souvent en poète qu'il décrit la nature qui renaît et qui meurt. Chez lui la matière élevée et spirituelle côtoie le quotidien.
Pierre Bergounioux n'est pas hors du monde mais il est tellement dedans qu'il nous donne l'envie de nous y replonger.

Deuxième volume d'une minutieuse entreprise de notation d'une vie, ce "Carnet de Notes" dresse le tableau d'une vie passée en littérature à questionner les affres d'un passé, d'une origine, d'une généalogie toujours en train de se faire. Ce livre relate l'expérience de l'écrivain, du professeur et du sculpteur tout en étant à l'affut des signes de grâce : un geste de sa compagne, voir son enfant grandir.
Bien sûr, il y a, dans cette masse (plus de 1200 pages), quelque chose qui relève du répétitif, voire même de l'ennui à quelques reprises, mais le souci d'authenticité et d'honnêteté vis à vis de soi est poignant.
Un journal de vie, un journal du temps.

Les Carnets de Bergounioux: d'une sécheresse proverbiale, ses listes de course, ses ennuis de voiture et, pourtant, le lecteur y cherche le Bergounioux romancier avec le même aveuglement qu'on en mettait, jadis, à deviner le Nouveau Testament dans l'Ancien. La lecture de ces blocs crée une forme de dépendance; non pas aux drames qui accompagnent d'une décade à l'autre l'existence de l'exilé de Gif-sur-Yvette mais, au contraire, aux petits faits, aux clefs perdues, aux chutes de cuivre qui, dit-il, prouvent qu'il a été. On finit par chercher dans un texte pareil la preuve de sa propre existence, à soi: les lieux que l'on connaît, ce qu'on faisait ce jour, les fois où on a pu le croiser. Une réserve serait de constater comme les entrées de ce Journal s'agrandissent avec les années, sans doute parce que la conscience lui vient qu'il est lu pour ainsi dire aussitôt: pas une volonté de s'étendre mais, je crois, on perd ici quelque chose.

Impossible à décrire.. ces petites notes sont absolument délectables... Elle sont magnifiquement écrites, jour après jour et tentent de décrire les petites événements du quotidien avec humour ou poésie...