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Critique de jmb33320


« Seul, sans Michel, ce n'est pas exactement de moitié que j'étais diminué. Je ressemblais à ces substances anodines, incolores et fades dont la réunion fait les poisons noirs et violents. Il y avait un pont, dans les gorges de la Corrèze, au souvenir duquel ne s'attache pas notre image conjointe. Parce que, aussitôt après que c'était fini, que le temps reprenait son cours, ma mémoire me montrait non seulement les lieux frontaliers, la rainure, les hauteurs, mais nos deux silhouettes jumelles : celle de Michel, si nette, fidèle, qu'il n'y avait que l'échelle, légèrement plus petite, et aussi le temps ordinaire où elle baignait pour la distinguer de celui qu'elle représentait et puis l'autre, incertaine, vêtue du pull, chaussée des bottes que je portais lorsque je ne me voyais pas agir ni courir, lorsque je ne me voyais pas et que c'était la réalité. »

Le narrateur et son cousin Michel se sentent comme des frères jumeaux. Ils sont plutôt taiseux mais se comprennent sans presque échanger. Ils ont le même âge, se sont toujours connus et sont inséparables pour arpenter les rives aux reliefs accidentés des fleuves et rivières des environs (le Bougayrou, la Vézère, la Dordogne). Ils y vivront des jours inoubliables.

La nature, dans toute sa beauté et sa brutalité, est magnifiée par Pierre Bergounioux dans ce roman, très proche de la poésie. Les deux enfants, puis adolescents, prennent leur part de cette sauvagerie, en toute innocence. Les études, le travail, les sépareront.

Ce sont des impressions très fortes qui me restent après cette lecture, presque toutes physiques. L'eau des rivières, l'aridité des causses mais aussi la chaleur, la soif, la faim, la fatigue extrême. le froid aussi, pendant une sorte de fugue nocturne sous la neige. La peur de l'enfermement et des espaces artificiels également, à laquelle le narrateur sera pourtant confronté quand il deviendra étudiant dans une grande ville.

Il m'est difficile de rendre compte de ce roman superbement écrit. Il demande de la concentration, c'est certain. Je découvre l'oeuvre de Pierre Bergounioux depuis quelques temps et c'est le premier roman que je lis de lui. J'ai été tout aussi impressionné que par son « Jusqu'à Faulkner ».

Pourquoi cet auteur me passionne-t-il autant ? La seule explication possible : un coup de foudre littéraire, mais oui, ça existe. C'est en tout cas un alcool fort : je ne peux en supporter qu'une petite quantité à chaque fois !
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