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EAN : 9782851946782
58 pages
Fata Morgana (02/09/2006)
3.45/5   10 notes
Résumé :

Une ère nouvelle a débuté. On le mesure moins à la diffusion de procédés bizarres, à la banalisation d'usages incongrus qu'à la disparition d'un certain nombre d'évidences qui paraissaient devoir régner toujours. Les unes, comme l'espoir d'un bonheurprovincial, péchaient par leur anachronisme, leur exiguïté. D'autres, en revanche, dont la portée était universelle, comme les signifi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Pour reprendre une formule en vogue, la pensée de Pierre Bergounioux est complexe, et je ne suis pas persuadé de l'avoir comprise dans son intégralité. Ce court recueil amer et désabusé m'a pourtant ému, car l'auteur y décrit le monde ancien en train de tirer sa révérence. Ce temps d'avant, c'était aussi le mien à bien des égards. Ce monde ! c'est celui du Pays Vert, du bonheur provincial et du temps immobile ; c'est celui du travail productif et utilitaire, le vrai travail, quoi ! c'est celui de notre vieux pays à la forte identité, au peuple bougon et revêche… En quelques décennies, le voilà balayé au profit d'une société standardisée dominée par des « groupes qui conditionnent la demande à laquelle ils s'offrent à répondre ». Les tendances majeures de ce temps nouveau sont à l'abstraction, à la dématérialisation. le travail y a définitivement perdu sa dimension utilitaire. D'autres groupes, ou les mêmes, ont la mainmise sur nos rêves et nos moments ténus de liberté que l'on s'accorde parfois.
Avec Pierre Bergounioux, vieux « peau-rouge qui ne marchera jamais dans une file indienne », le « triste aujourd'hui » prend tout son sens.
Tout comme lui, de toutes les fibres de mon corps, je suis du siècle d'avant. Pour autant, je ne jette pas un regard désabusé, voire méprisant sur cette aube nouvelle. Non ! la mondialisation n'est pas l'horreur absolue. de plus, est-il nécessaire d'idéaliser le passé pour mieux critiquer le présent ? Pour Pierre Bergougnoux, la construction des grandes barres HLM, ces « tours aux allures de boites de Kleenex jetées en plein champs », fait partie de cette volonté de standardisation, de cette généralisation des rapports abstraits propre au monde nouveau. C'est oublier que dans les années soixante, des bidonvilles entouraient les grandes cités urbaines, et qu'à tout prendre, mieux vaut vivre dans une grande boite de Kleenex que dans un baraquement insalubre.
Un texte ardu, remarquablement bien écrit, qui fait bigrement réfléchir.
Un grand merci à Mimimelie pour m'avoir offert ce livre.






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"Une ère nouvelle a débuté. On le mesure moins à la diffusion de procédés bizarres, à la banalisation d'usages incongrus qu'à la disparition d'un certain nombre d'évidences qui paraissaient devoir régner toujours. Les unes, comme l'espoir d'un bonheur provincial, péchaient par leur anachronisme, leur exiguïté. D'autres, en revanche, dont la portée était universelle, comme les significations véhiculées par la grande littérature, pâlissent devant la généralisation d'un intérêt spécial, trivial, celui du gain pécuniaire. Pareilles métamorphoses laissent rêveur, un peu mélancolique".

En quatre courts chapitres, Pierre Bergougnioux nous livre une interrogation sur la transformation et le naufrage du monde contemporain. Une vision sombre, pour le moins, mais oh ! combien réaliste.
« La différence avec les âges antérieurs, c'est que la protestation échaudée, a changé de figure. Au lieu d'opposer un rêve supplémentaire à ce qui est, elle se met à dessiner, en forçant le trait, le cauchemar en quoi il va se muer. Ce sont les prophéties de Kafka, d'Orwell, d'Huxley, à quoi le feu XXe siècle a apposé le sceau de l'abomination de la désolation. »
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Les tendances majeures de ce temps sont à l'abstraction, à la dématérialisation. Le travail a définitivement perdu sa dimension utilitaire. On échange des produits tarifés sur le marché global, dominé par des groupes qui conditionnent la demande à laquelle ils s'offrent à répondre. Les zones imprécises, marginales, personnelles où l'on avait le loisir de se réfugier après avoir fourni sa quote-part de labeur socialement utile, sont quadrillées, investies par d'autres groupes - à moins que ce ne soient les mêmes - qui proposent la musique en boîte, des séries télévisées, des films à grand spectacle et effets spéciaux qui parachèvent la mainmise sur les rêves et la pensée du capital financier multinational.
La généralisation des rapports abstraits s'est comme incarnée dans le décor. D'abord dans les grandes masses, avec les villes nouvelles et autres ZUP des années soixante et soixante-dix, les barres, les tours aux allures de boites de Kleenex jetées en plein champ avec, pour centre d'échange, la supérette, le bistrot PMU et la pharmacie posée sur la dalle. Et comme la vie et le travail se trouvaient dissociés, on a tiré au cordeau des voies rapides remparées de glissières en acier zingué, connectées au moyen d'échangeurs et de rocades où il vaut mieux éviter de se tromper parce qu'il n'est plus question de faire demi-tour et de recommencer. Le droit à l'hésitation, le goût ténu de la liberté ont disparu de la circulation.
Elle a pris la fixité d'un destin où il me semble reconnaître, lorsque je me hasarde sur les autoroutes de ceinture, l'esprit désastreux du présent.
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Le monde ancien s’éloigne. Ce qui s’apprête, derrière le rideau, sur la scène du troisième millénaire, je m’en moque un peu. Je suis du Pays Vert, d’un autre âge et l’on n’est qu’une fois. La suite ne m’intéresse pas
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L’utopie, au sens strict du terme, est en train d’envahir l’étendue où nous tentons de vivre, avec cette conséquence que nous n’avons plus nulle part où aller.
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Un vieux pays, le nôtre, a embrassé sans trop se l’avouer, sans le publier, les axiomes du néo libéralisme et en a tiré les conséquences pratiques. Cela veut dire que toute chose tend à être rapportée à sa seule valeur marchande et que les seules valeurs fixées par le marché tendent à déterminer, en retour, les conduites et les pensées.
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C’est dans l’espace le plus apparemment étranger, le mieux fermé au travail productif en vue du profit – à l’école – qu’on en constate l’incidence la plus éclatante. Les enfants sont, par définition, sans passé, donc éminemment perméables à l’air du temps, aux suggestions du présent. La mutation s’est faite en une dizaine d’années. C’est une humanité d’une autre sorte qu’on peut observer à l’état naissant derrière les murs des collèges et des lycées. Conditionnés de la plante des pieds à la pointe des cheveux par les multinationales de la bouffe et des fringues, de la musique en boîte et de l’électronique, vecteurs de logos, de stigmates corporels, acquis au langage cynique, ordurier du sous-prolétariat
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C’est pour être restés à l’écart de l’échange généralisé, de l’évaluation strictement monétaire que les êtres, les objets, les heures se sont présentés comme autant de mystères enivrants ou terribles aux yeux de tous ceux qui tentaient d’en fixer les contours, d’en percer la teneur. La campagne désuète et charmante, les replis du cœur, les chambres de l’enfance, un cageot, un galet ne furent des énigmes qu’autant que la terre échappait à sa vérité nue, potentielle, de moyen de production, les sentiments aux « dures exigences du paiement au comptant », selon la formule de Marx, et au fétichisme de la marchandise, la vie à la finalité consumériste qui en épuise les propriétés. [...]

La première génération du XXIe siècle est essentiellement différente de toutes celles qui l’ont précédée. Elle ne saurait se reconnaître dans la littérature qui en conserve la trace. Affranchie des anciennes limitations spatiales et mentales par le développement des transports et des communications de masse, impatiente et désabusée, elle habite le non-lieu (l’expression est de Marc Augé) qui est en passe de couvrir toute la surface du globe, avec ses barres et ses tours, ses aires commerciales coiffées des mêmes sigles lumineux, ses parkings, ses rocades et ses dalles, ses ZUP et ses ZEP, ses immeubles de verre fumé, d’aluminium brossé, son bureau à moquette beige, ordinateur et plantes en pot. Connectée sur le Net, tripotant ses portables, elle est démonstrative, prolixe et approximative, dispensée de la concision et de l’exactitude de l’âge, tout proche, encore, où l’on ne parlait qu’avec la permission des adultes, où la sonnerie stridente du téléphone noir, lorsqu’elle vous faisait sursauter, annonçait un accident, une naissance ou un décès.
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C’est parce que nous sommes restés très longtemps sédentaires, rêveurs ou insurgés, provinciaux, dans un univers mal désenchanté, que les livres furent inséparablement, pour nous, révélation et délivrance. Comment la jeunesse d’aujourd’hui s’y retrouverait-elle ? C’est d’un univers soudain révolu qu’ils parlent et celui qui l’a supplanté affiche ouvertement son offre et ses prétentions. Pour ces diverses raisons, qui ne tiennent pas à la littérature ni à son enseignement, mais au cours des choses, à la conversion d’une vieille nation à la culture néo-libérale, je nourris quelques inquiétudes non seulement sur l’enseignement de la langue et de la littérature, mais sur leur existence future
p. 58 - 59
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C’est une humanité d’une autre sorte qu’on peut observer à l’état naissant derrière les murs des collèges et des lycées. Conditionnés de la plante des pieds à la pointe des cheveux par les multinationales de la bouffe et des fringues, de la musique en boîte et de l’électronique, vecteurs de logos, de stigmates corporels, acquis au langage cynique, ordurier du sous-prolétariat intellectuel que le groupes financiers ont placé aux créneaux des médias, les innocents d’aujourd’hui construisent une identité autre, aliénée, à peu près entièrement réifiée. Ils confient à des « produits » le soin d’être et de parler pour eux
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Vidéo de Pierre Bergounioux
Cette semaine, Augustin Trapenard est allé à la rencontre de Pierre Bergounioux à l'occasion de la sortie en poche de son livre "Le Matin des origines" aux éditions Verdier. Ce merveilleux ouvrage célèbre l'ancrage profond dans ses racines, dans les terres du Quercy entre Lot et Corrèze, où l'auteur a grandi, dans la chaleur de la maison rose et au sein des paysages qui ont façonné son être. Ces souvenirs, imprégnés dans sa mémoire, représentent une part essentielle de son identité qui demeure là-bas. À travers ces pages, Pierre Bergounioux évoque avec justesse le lien puissant que la terre tisse avec nos souvenirs et nos émotions, révélant ainsi le pouvoir des lieux familiers pour donner du sens à notre passé et à nos moments les plus heureux. Il était donc évident qu'Augustin Trapenard se déplace au coeur de cette histoire, sur les contreforts du plateau des Millevaches, dans sa maison de Corrèze pour un retour aux origines de la vie et de l'écriture.
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