La théorie de la relativité est face à nous, et comme Bergson, on ne peut plus reculer si on veut suivre le philosophe dans ce recoin escarpé de son oeuvre. de son côté, Einstein, par sa théorie distordant les concepts d'espace et de temps, semble avoir encore un plus éloigné l'univers du sens commun. Et pourtant le chemin suivi ne part que de simples problèmes posés à la conscience de physiciens et aboutissant même parfois à des solutions assez simples, si on pense à la "relativité restreinte" (concernant les référentiels en mouvement relatifs sans accélération).
Mais déjà se pose la question de la dilatation du temps, réelle ou simple intermédiaire de calcul des équations de Lorentz. C'est le moment d'aller consulter des bonnes vidéos de vulgarisation sur internet (au programme de terminale S) et même de se faire sa propre idée sur cette première question.
Bon, c'est plus facile lorsqu'on sait que la théorie a déjà été confirmée par l'expérience, alors qu'en 1922 on connaît juste l'expérience de Michelson-Morley, qui va fortuitement servir à vérifier la conservation des lois de l'électromagnétisme dans tous les référentiels. La vitesse du référentiel ne s'ajoute pas à la vitesse de la lumière qui reste donc toujours la même et ne peut pas être dépassée.
Pour Bergson il y a un os et l'histoire du paradoxe des jumeaux proposé par le physicien
Paul Langevin fait même partie de la confusion : dans un voyage par la pensée, à une vitesse proche de celle de la lumière, deux frères jumeaux se séparent et se retrouvent. le frère qui est toujours resté sur Terre est sensé observer que son frère jumeau a moins vieilli. Mais la situation est complètement réciproque (relative) donc le jumeau qui vient de rentrer de voyage peut aussi bien trouver que son frère a moins vieilli.
L'édition critique dirigée par
Frédéric Worms est indispensable pour comprendre le contexte de ces réflexions. On peut lire notamment une réponse d'Einstein lui-même qui rappelle que le voyage aller-retour implique une accélération et déplace donc le problème des jumeaux du stricte cadre de la « relativité restreinte » vers le cadre de la « relativité générale » beaucoup plus complexe à modéliser sur le plan mathématique. Bergson ne s'est pas réellement aventuré sur ce terrain. On profitera des notes de l'édition critique, avec encore
Paul Langevin, pour se rappeler que la relativité généralisée est cette fois partie d'un problème sur la gravitation et du fait que la cause et l'effet à distance ne peuvent avoir lieu instantanément car cela impliquerait une vitesse infinie entre ces deux évènements.
Bergson ne revient pas à Newton mais se retrouve quand même à la faute avec son interprétation physique. de son côté, Einstein, dans leur rencontre du 6 avril 1922, réduit le temps philosophique au temps psychologique (ou au temps physique). Leur rencontre est donc un dialogue de sourds. Cette édition critique restitue l'ampleur du problème posé et notamment ce que la spatialisation du temps contient d'idéal déterministe : un problème posé depuis son premier
essai sur les données immédiates de la conscience. Pour suivre le fil de sa réflexion sur la durée, dans l'équilibre entre réalisme et idéalisme, il faut reprendre ses livres. Matière et Mémoire et l'Évolution créatrice.
Ce recoin de son oeuvre fait partie des aléas de la recherche.
Ici la philosophie dialogue avec la science sans chercher à la surplomber et la matière ne manque pas, lorsqu'on songe, depuis l'époque de Bergson, à toutes les découvertes assez déroutantes de la science moderne.
D'autres philosophes n'auront certainement pas manqué de questionner la curieuse indétermination* de Heisenberg dans le domaine de la mécanique quantique. (*source Wikipedia : indétermination dans la connaissance simultanée de la position et de la quantité de mouvement d'une particule)